L’étendue des connaissances géographiques et culturelles dans le cadre d’une procédure de naturalisation

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ATF 146 I 49 | TF, 18.12.2019, 1D_1/2019*

Les autorités communales amenées à se prononcer sur une demande de naturalisation ne peuvent pas fonder leur décision sur un seul critère, à moins qu’il ne soit déterminant en tant que tel. Seule une appréciation de l’ensemble des aspects du cas concret est pertinente. Par ailleurs, il convient d’apprécier les connaissances testées de manière globale, sans forcément attendre de l’intéressé qu’il sache les détails et les termes spécifiques. En outre, les autorités communales ne peuvent pas exiger d’un ressortissant étranger plus que ce qui pourrait l’être d’un Suisse domicilié dans la commune concernée.

Faits

Un ressortissant italien vit depuis 1993 avec sa famille dans la commune d’Arth (Schwytz). En 2015, il y dépose une demande de naturalisation, rejetée peu après par la commune. Il fait recours auprès du Tribunal administratif du canton de Schwytz, lequel constate que l’intéressé remplit les conditions de résidence, dispose de connaissances d’allemand suffisantes et d’un casier judiciaire vierge. Néanmoins, il rejette sa demande au motif qu’il ne serait pas assez intégré dans la communauté suisse et la vie locale et qu’il aurait répondu de façon insatisfaisante aux questions relatives à la géographie et la culture suisses.

L’intéressé saisit le Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si le rejet de sa demande de naturalisation est justifié, plus précisément si le recourant est assez intégré dans la communauté suisse et la vie locale, et si ses connaissances géographiques et culturelles suisses sont suffisantes.

Droit 

Le Tribunal fédéral commence par rappeler la teneur de l’art. 14 aLN selon lequel il convient d’examiner avant l’octroi de l’autorisation si le requérant s’est intégré dans la communauté suisse, s’il s’est accoutumé au mode de vie et aux usages suisses, s’il se conforme à l’ordre juridique suisse et s’il ne compromet pas la sûreté intérieure ou extérieure du pays.

Selon le Tribunal fédéral, le critère de l’« intégration  » comprend l’intégration économique et sociale ainsi que le fait d’avoir des connaissances de base des us et coutumes, de la géographie, de l’histoire et de la politique suisses. À noter que l’intégration sociale peut également s’effectuer par le travail.

Le Tribunal fédéral relève que les autorités cantonales et communales disposent d’une certaine latitude dans la pondération des différents critères à examiner. Néanmoins, elles ne peuvent pas exiger d’un ressortissant étranger plus que ce que l’on peut en moyenne attendre d’un Suisse domicilié dans la commune concernée. En outre, les autorités cantonales et communales ne peuvent pas fonder leur décision sur la base d’un seul critère, à moins qu’il ne soit déterminant en tant que tel. Il incombe ainsi aux autorités de procéder à une appréciation d’ensemble de tous les aspects du cas concret. Aussi, si l’intéressé présente des lacunes dans un domaine, celles-ci doivent pouvoir être compensées par d’autres points forts. En définitive, il convient d’apprécier les connaissances testées de manière globale, sans forcément attendre de l’intéressé qu’il sache les détails et les termes spécifiques.

En l’espèce, le recourant a réussi le test concernant les connaissances civiques et politiques. Par ailleurs, le Tribunal fédéral constate que l’affirmation du Tribunal administratif selon laquelle l’intéressé ne serait pas assez intégré dans la société n’est pas crédible, dès lors qu’il exploite une entreprise de plâtrerie et que son travail l’a mis en contact avec la population locale, dont des Suisses.

Concernant le test sur les connaissances géographiques et culturelles, le Tribunal fédéral relève que l’intéressé n’a à plusieurs reprises pas pu répondre aux questions de manière précise, mais était en mesure d’y répondre sur le principe. Ainsi, le fait d’avoir nommé le cor des Alpes « Schwyzerhorn  » à la place de « Alphorn  » témoigne certes de l’ignorance du terme spécifique, mais signifie que l’intéressé connaît l’instrument. Par ailleurs, quand bien même il ne savait pas que les loups et les ours du parc de Goldau sont dans le même enclos, il connaît l’existence de ce parc animalier. Finalement, on ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas savoir le nom de la maison de retraite d’Arth, dès lors que les Suisses de la commune n’en ont pas forcément connaissance non plus.

Le Tribunal fédéral parvient à la conclusion que le recourant n’a certes pas excellé lors du test des connaissances géographiques et culturelles, mais il a pu répondre à près de la moitié des questions, du moins sur le principe. Ces petites lacunes peuvent cependant être compensées par le fait que les autres critères de naturalisation ont largement été remplis.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et ordonne à la commune d’Arth d’octroyer au recourant le droit de cité communal.

Proposition de citation : Vinciane Farquet, L’étendue des connaissances géographiques et culturelles dans le cadre d’une procédure de naturalisation, in : www.lawinside.ch/872/