La détention fondée sur le risque de récidive en cas d’infractions contre le patrimoine

Télécharger en PDF

TF, 20.03.2020, 1B_112/2020

Le vol répété de téléphones portables commis au préjudice de commerces durant les heures d’ouverture ne fonde pas en soi un risque de récidive justifiant une détention provisoire au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP. La fermeture des commerces liée à l’épidémie de coronavirus est en outre de nature à amoindrir le risque de récidive.

Faits

Un prévenu est condamné par deux ordonnances pénales pour tentative de vol, vol – respectivement vol d’importance mineure – et violation de domicile. Il fait opposition aux ordonnances en question. Au cours de la procédure, le prévenu est à nouveau interpellé pour des faits similaires et son placement en détention provisoire est ordonné par le Tribunal des mesures de contrainte pour une durée de trois mois.

Le prévenu recourt contre sa détention devant la Cour de justice du canton de Genève (ACPR/80/2020 du 30 janvier 2020), puis devant le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le risque de récidive retenu par l’instance précédente justifie la mise en détention.

Droit

Le Tribunal fédéral reprend pour l’essentiel le raisonnement développé dans son arrêt TF, 29.01.20, 1B_6/2020* (résumé in LawInside.ch/892/) : pour fonder un risque de récidive au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP, une infraction doit être un crime ou un délit grave. Selon la jurisprudence fédérale, sont essentiellement concernées les infractions violentes. Le pronostic de récidive – qui doit être défavorable pour entraîner une détention – s’apprécie essentiellement en fonction de la fréquence et de l’intensité des infractions poursuivies (ATF 143 IV 9, résumé in LawInside.ch/377/). En revanche, les infractions contre le patrimoine ne justifient une détention fondée sur un risque de récidive que lorsqu’elles sont particulièrement graves. Le principe de proportionnalité impose en outre de mettre en œuvre en priorité toutes les solutions moins dommageables que la détention (art. 237 al. 1 CPP).

Sur cette base, le Tribunal fédéral constate que la détention provisoire n’est pas justifiée dans le cas d’espèce : les infractions reprochées au prévenu sont certes répétées, mais qu’elles ne permettent toutefois pas de déduire qu’il aurait mis en danger l’intégrité physique ou psychique d’autrui. Les violations de domicile ont été commises au préjudice de commerces et durant les heures d’ouverture. Le prévenu a généralement été pris en flagrant délit, et les objets soustraits ont pu être restitués à leurs propriétaires. Par ailleurs, la peine-menace n’est pas – contrairement à l’opinion de l’instance précédente – décisive pour apprécier la gravité de l’infraction.  Enfin, il n’est pas établi que des mesures de substitution n’auraient pas été de nature à empêcher le prévenu de récidiver.

De manière intéressante, le Tribunal fédéral souligne également que la fermeture des commerces ordonnée en raison de la situation sanitaire liée au coronavirus est de nature à amoindrir le risque de récidive, quand bien même celui-ci demeure concret.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie la cause à l’autorité précédente afin qu’elle examine les mesures de substitution.

Proposition de citation : Quentin Cuendet, La détention fondée sur le risque de récidive en cas d’infractions contre le patrimoine, in : www.lawinside.ch/896/