Le droit au recomptage des votes

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ATF 141 II 297 | TF, 19.08.2015, 1C_348/2015, 1C_350/2015, 1C_356/2015, 1C_360/2015*

Faits

Suite à un référendum, le peuple suisse s’est prononcé le 14 juin 2015 sur la modification de la Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV). Le vote a abouti à 1’128’369 « oui » contre 1’124’673 « non », soit une courte majorité de 3’696 voix en faveur de la modification.

Quatre personnes ont contesté en vain ce résultat devant les gouvernements de leurs cantons respectifs, puis formé recours au Tribunal fédéral.

L’arrêt porte en particulier sur les conditions auxquelles les votants peuvent exiger le recomptage des voix exprimées dans une votation.

Droit

Le droit fédéral prévoit un droit de recours en cas d’irrégularité affectant les votations (art. 77 al. 1. let. b LDP), concrétisant ainsi la garantie constitutionnelle de l’expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens et citoyennes (art. 34 al. 2 Cst).

Les juges de Mon-Repos avaient admis l’existence d’un droit à contester le résultat d’une votation et à exiger le recomptage des voix lorsque le résultat d’une votation était très serré même en l’absence d’indice d’irrégularités à proprement parler, au motif que la fiabilité accrue des résultats d’un recomptage favorise l’acceptation par les citoyens de la décision concernée (ATF 136 II 132). Cette jurisprudence avait été confirmée par la suite (ATF 138 II 5).

La garantie constitutionnelle des droits politiques ne donne pas directement droit à ce que les votes soient recomptés en cas de résultat serré, en l’absence d’indices concrets d’erreurs de comptage ou de violations de la loi de la part des autorités compétentes. Il faut dès lors examiner si l’art. 77 al. 1 let. b LDP est plus généreux que la disposition constitutionnelle et fonde un tel droit, comme cela avait été admis auparavant.

Dans l’ATF 136 II 132, le Tribunal fédéral avait invité le législateur à se saisir de la question. L’Assemblée fédérale a par la suite adopté un nouvel art. 13 al. 3 LDP, lequel entrera en vigueur le 1er novembre 2015 et ne donne droit au recomptage des voix que dans le cas où des éléments objectifs font douter de l’exactitude du résultat. Cette nouvelle disposition n’est pas applicable au cas d’espèce. Une révision législative qui n’est pas encore entrée en force peut toutefois être prise en compte pour interpréter la loi actuelle, notamment si elle n’a pas pour but de modifier en profondeur le droit en vigueur. En l’occurrence, le nouvel art. 13 al. 3 LDP vise uniquement un retour à la volonté historique du législateur selon laquelle un recomptage ne devait pas avoir lieu du seul fait du résultat serré du vote.

Une meilleure connaissance de la volonté du législateur est apte à fonder un revirement de jurisprudence. Conformément à ce qui précède, il n’avait jamais été dans l’intention du législateur de donner droit au recomptage des voix uniquement parce que seule une courte majorité s’est dégagée. Le Tribunal fédéral revient de ce fait sur sa jurisprudence antérieure et constate que l’issue d’une votation ne peut être contestée au seul motif de son résultat serré.

En l’absence d’indices objectifs d’irrégularités dans le comptage des voix en l’espèce, les recourants ne sont dès lors pas fondés à exiger le recomptage des voix.

Leurs recours sont ainsi rejetés.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, Le droit au recomptage des votes, in : www.lawinside.ch/91/