La conversion en PPL d’une amende administrative

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ATF 141 IV 407 | TF, 10.09.15, 6B_600/2015*

Faits

L’Administration fédérale des contributions (AFC) inflige une amende de 3’600 francs à un contribuable pour soustraction d’impôt. Le contribuable refusant de s’acquitter de l’amende, l’AFC requiert des tribunaux pénaux la conversion de l’amende en une peine privative de liberté de substitution de trois mois. Les tribunaux cantonaux prononcent une peine privative de liberté de 20 jours en cas de non-paiement fautif de l’amende. L’AFC forme recours en matière pénale au Tribunal fédéral.

Il s’agit de déterminer si la conversion en peine privative de liberté d’une amende prononcée par une autorité administrative est régie par le droit pénal administratif ou par la partie générale du Code pénal.

Droit

L’art. 10 DPA prévoit qu’un jour de privation de liberté sera compté pour trente francs d’amende, la peine de substitution maximale étant de trois mois. En vertu de la partie générale du Code pénal (CP), par opposition, le juge fixe la peine de substitution en fonction de la faute de l’auteur.

Les instances cantonales ont retenu que la partie générale du CP, révisée en 2006, primait les règles de la Loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA) en vertu du principe de la primauté de la lex posterior. L’art. 10 DPA ne serait dès lors plus applicable.

La jurisprudence du Tribunal pénal fédéral part au contraire du principe que les art. 3 à 11 DPA ont la qualité de règles spéciales primant la partie générale du CP. La doctrine en la matière estime quant à elle que l’art. 10 DPA trouve toujours à s’appliquer. La question n’a encore jamais été soumise au Tribunal fédéral.

L’art. 333 CP a été modifié dans le cadre de la révision de la partie générale du CP. Dans sa nouvelle teneur, l’art. 333 al. 3 CP prévoit que l’art. 106 CP s’applique aux amendes du droit pénal accessoire. L’art. 106 al. 4 CP renvoie à son tour à l’art. 36 CP s’agissant de la conversion de l’amende en peine privative de liberté de substitution. L’art. 333 al. 3 CP réserve l’art. 8 DPA, mais ne fait en revanche pas mention de l’art. 10 DPA. Une interprétation formaliste de la loi pourrait ainsi conduire à considérer que la conversion d’amendes prononcées par les autorités administratives est régie par l’art. 36 CP, puisque l’art. 10 DPA n’est pas expressément réservé par l’art. 333 al. 3 CP.

Toutefois, le Tribunal fédéral souligne que l’art. 333 al. 3 CP a pour but de permettre une fixation de l’amende selon des règles uniformes dans l’ensemble du droit pénal, y compris dans le droit pénal accessoire. Il se trouve que l’art. 106 CP (auquel il est renvoyé de façon globale) régit également la conversion en privation de liberté. Le Message du Conseil fédéral relatif au nouvel art. 333 al. 3 CP ne fait cependant aucune mention de ce sujet. Le fait que le renvoi à l’art. 106 CP porte également sur les conditions de la conversion procède dès lors probablement d’une inattention du législateur. Si le législateur avait véritablement voulu que les règles du CP régissent les conditions auxquelles les amendes prononcées par les autorités administratives sont converties en peines privatives de liberté, il aurait supprimé l’art. 10 DPA.

En outre, le terme d’« amende » utilisé par l’art. 10 DPA désigne en réalité non seulement les amendes au sens du CP actuel, mais également les peines pécuniaires, la DPA n’ayant pas été adaptée à la nouvelle terminologie en la matière. L’art. 10 DPA régit de ce fait non seulement la conversion d’amendes, mais également celle de peines pécuniaires. Or, l’art. 333 al. 3 CP traite des contraventions et ne s’applique donc pas aux peines pécuniaires. On voit mal la raison pour laquelle la conversion d’une amende relevant du champ d’application de la DPA serait régie par l’art. 36 CP (du fait des renvois des art. 333 al. 3 et 106 CP), tandis que celle de la conversion d’une peine pécuniaire potentiellement prononcée par la même autorité administrative serait soumise à l’art. 10 DPA.

L’art. 10 DPA continue donc de régir la conversion d’amendes (et de peines pécuniaires) prononcées par les autorités administratives en peines privatives de liberté de substitution. L’art. 333 al. 3 CP n’est pas applicable en la matière.

Le recours est ainsi admis.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La conversion en PPL d’une amende administrative, in : www.lawinside.ch/94/