Entrées par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

L’autorité de chose jugée de l’action partielle (le quatrième quart-temps)

ATF 147 III 345 | TF, 23.03.2021, 4A_449/2020*

Lorsque le caractère partiel d’une action signifie simplement que la partie demanderesse a limité son action en terme de montant, l’autorité de chose jugée de la décision rendue à la suite de l’action partielle s’étend à l’entier de la prétention.

Faits

Une société gestionnaire de fortune ouvre une action partielle contre une banque, réclamant une petite partie d’un montant litigieux global de CHF 5’000’000. Faute d’avoir démontré que les conditions d’un dommage étaient remplies et d’avoir agi dans le délai de prescription, la société est déboutée.

La société cède ensuite la créance litigieuse globale de CHF 5’000’000 à une fondation, laquelle ouvre une nouvelle action partielle contre la banque pour un montant de CHF 100’000. La fondation justifie son action par les mêmes motifs que ceux développés précédemment par la société dans son action partielle.

Le Tribunal de commerce n’entre pas en matière sur l’action de la fondation car il estime que le litige a déjà fait l’objet d’une décision entrée en force (art. 59 al. 2 let. e CPC). La fondation recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à examiner si une décision sur une action partielle a autorité de chose jugée sur l’entier de la prétention ou non.… Lire la suite

L’appel en cause contre des consorts simples

ATF 147 III 166 | TF, 08.03.2021, 4A_169/2020*

Lorsque l’appelante en cause entend faire valoir des prétentions contre plusieurs appelées en cause, comme consorts simples, elle doit satisfaire à l’exigence de délimitation de l’objet du litige pour chacune de ses prétentions.

Faits

Des copropriétaires d’étage ouvrent une action en paiement contre une entreprise pour un montant de CHF 1’171’597 à titre de garantie en raison des défauts. L’entreprise appelle en cause cinq sociétés réclamant à chacune d’elle ce même montant global de CHF 1’171’597.

Le juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise déclare les appels en cause irrecevables motifs pris que l’entreprise ne pouvait pas prendre des conclusions globales contre toutes les appelées en cause sans en expliquer la cause pour chacune d’elles. Sur recours de l’entreprise, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois confirme cette décision d’irrecevabilité.

L’entreprise recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à préciser les conditions de recevabilité d’un appel en cause.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la requête d’admission de l’appel en cause doit énoncer les conclusions chiffrées que l’appelante en cause entend prendre contre l’appelée en cause et les motiver succinctement (art. 82 al. 1 CPC).

Comme le relève le Tribunal fédéral, le but de cette exigence est de permettre au tribunal de vérifier qu’est bien remplie la condition de la connexité matérielle entre la créance qui est l’objet de l’appel en cause et la demande principale.… Lire la suite

L’admission de la compétence sur la base de la théorie des faits de double pertinence n’est pas une décision d’admission de la compétence

ATF 147 III 159 | TF, 17.02.2021, 4A_619/2020*

La décision par laquelle un tribunal accepte de se saisir d’une cause sur la base de la théorie des faits de double pertinence ne constitue pas une décision d’admission de compétence. Partant, une telle décision ne peut pas faire l’objet d’un recours immédiat au Tribunal fédéral fondé sur l’art. 92 LTF. Le recourant doit démontrer les conditions de l’art. 93 LTF, soit l’existence d’un préjudice irréparable.

Faits

Une banque dépose une demande en paiement à la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise contre une société russe. Celle-ci requiert que le tribunal limite la procédure à la question de sa compétence à raison du lieu. Elle explique que la demande n’est pas fondée sur un acte illicite comme le soutient la banque, mais sur le principe de la confiance ce qui exclurait la compétence de la Chambre.

La Juge déléguée considère que la question de savoir si la défenderesse engage sa responsabilité délictuelle à l’égard de la demanderesse ou répond au titre de la responsabilité fondée sur la confiance est un fait de double pertinence. Ce faisant, elle considère que les faits allégués par la demanderesse suffisent à ce stade du procès pour retenir qu’un acte illicite a été commis au détriment de la banque, rejette la requête de la défenderesse et admet la compétence de la Chambre.… Lire la suite

Action partielle et demande reconventionnelle : le troisième quart temps

ATF 147 III 172 | TF, 22.12.2020, 4A_529/2020*

Lorsqu’en réponse à une action partielle une partie défenderesse dépose une demande reconventionnelle tendant à faire constater l’inexistence de l’entier de la dette, un tribunal peut en soi s’affranchir de l’exigence posée par l’art. 224 al. 1 CPC selon laquelle une demande reconventionnelle ne peut être introduite dans la réponse que si la prétention invoquée est soumise à la même procédure que la demande princi­pale. Il faut cependant que ce procédé serve un intérêt digne de protection de la partie défenderesse.

Faits 

La victime d’un accident de la route ouvre une action en paiement au Kantonsgericht de Zoug contre l’assurance de l’auteur de l’accident pour un montant de CHF 30’000. Elle précise qu’il s’agit d’une action partielle. Dans sa réponse, l’assurance conclut au rejet de la demande, et à titre reconventionnel, qu’il soit constaté qu’elle n’est débitrice d’aucune prétention au titre de l’accident litigieux.

Le Kantonsgericht chiffre la demande reconventionnelle en constatation négative à CHF 2,5 millions et limite la procédure à la question de sa recevabilité. Dans une décision, il déclare la demande reconventionnelle recevable et ordonne la poursuite de la procédure en procédure ordinaire. Contre cette décision, la victime forme un appel auprès de l’Obergericht zougois, lequel le déclare recevable mais le rejette.… Lire la suite

La récusation d’un-e arbitre dans une procédure de révision et l’étendue du devoir de curiosité sur internet

ATF 147 III 65 | TF, 22.12.2020, 4A_318/2020*

La découverte, postérieurement à l’expiration du délai de recours contre une sentence arbitrale internationale, d’un motif exigeant la récusation d’un-e arbitre peut donner lieu au dépôt, devant le Tribunal fédéral, d’une demande de révision.

Le seul fait qu’une information soit accessible librement sur internet ne signifie pas ipso facto que la partie, qui n’en aurait pas eu connaissance nonobstant ses recherches, aurait nécessairement failli à son devoir de curiosité.

Faits

Le 4 septembre 2018, le nageur chinois Sun Yang, notamment médaillé olympique à plusieurs reprises, fait l’objet d’un contrôle antidopage hors compétition. Considérant que les personnes chargées de procéder au contrôle ne sont pas en possession des documents les y autorisant, il refuse que le test soit mené à son terme.

Dénoncé pour violation des règles antidopage, la Commission antidopage de la Fédération Internationale de Natation (FINA) le blanchit le 3 janvier 2019. Le 14 février 2019, l’Agence Mondiale Antidopage adresse au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) une déclaration d’appel, dans laquelle elle requière la suspension de l’athlète pour une durée de huit ans. Le 1er mai 2019, le TAS informe les parties de la formation du Tribunal, lequel est présidé par Franco Frattini, juge à Rome.… Lire la suite