Entrées par Célian Hirsch

La qualité pour recourir de l’intervenant

ATF 142 III 271 | TF, 11.04.2016, 4A_580/2015*

Faits

Une société conclut un contrat d’entreprise avec un entrepreneur pour une installation sanitaire dans des locaux commerciaux. Pendant les travaux, l’administrateur de la société découvre que des flaques d’eau ont causé un dommage aux locaux. La société avertit alors son assurance immobilière de ce dommage. Cette dernière refuse de couvrir le dommage au motif qu’il aurait été causé par l’entrepreneur.

La société dépose alors une demande en paiement à l’encontre de l’entrepreneur et appelle en cause son assurance immobilière. Le juge unique décide qu’un échange d’écriture portant sur l’appel en cause (art. 82 al. 2 CPC) n’aura lieu qu’après que la procédure principale est réglée. L’assurance intervient toutefois dans la procédure principale à titre accessoire (art. 74 CPC).

Le tribunal de première instance limite d’abord la procédure à la question du principe de la responsabilité de l’entrepreneur. Le tribunal arrive à la conclusion que l’entrepreneur peut être tenu pour responsable des flaques d’eau, décision qui est renversée par le tribunal d’appel.

L’assurance immobilière exerce alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral. L’entrepreneur s’oppose à la qualité pour recourir de l’assurance. Le Tribunal fédéral doit donc préciser si et à quelles conditions l’intervenant accessoire a la qualité pour recourir.… Lire la suite

La notification irrégulière de l’acte introductif d’instance (art. 27 al. 2 LDIP)

ATF 142 III 355 | TF, 13.04.2016, 4A_364/2015*

Faits

Une société domiciliée en Arabie saoudite introduit devant la Grand Court des Iles Caïmans une demande en paiement contre un homme d’affaires saoudien domicilié en Arabie saoudite. La Grand Court notifie l’acte introductif d’instance au domicile du défendeur par DHL et publie également l’assignation dans un journal saoudien.

Le défendeur invoque l’incompétence de la Grand Court ainsi que l’irrégularité de la notification de son assignation. La Grand Court se considère toutefois compétente et condamne le défendeur par jugement par défaut à payer au demandeur la somme de 2.5 milliards USD.

Suite à ce jugement, le demandeur introduit devant les autorités genevoises une procédure de séquestre contre le défendeur. Afin de valider le séquestre, le demandeur dépose une requête en reconnaissance et en exequatur en Suisse du jugement de la Grand Court des Îles Caimans.

Le Tribunal de première instance, ainsi que la Chambre civile de la Cour de justice déboutent le demandeur au motif que le défendeur n’avait pas été cité régulièrement devant la Grand Court (art. 27 al. 2 let. a LDIP). Ces deux instances justifient notamment leur refus en se fondant sur l’extrait du Guide de l’entraide judiciaire internationale en matière civile de l’Office fédéral de la justice (OFJ) concernant l’Arabie saoudite.… Lire la suite

L’assistance judiciaire dans une cause partiellement dépourvue de chance de succès

ATF 142 III 138TF, 09.03.2016, 4D_62/2015*

Faits

Une société coopérative dépose une demande en paiement, auprès d’un Regionalgericht bernois, contre un débiteur pour une dette dont ce dernier s’était porté garant. La demande comprend le remboursement de la dette ainsi qu’un intérêt conventionnel de 8 %.

Le défendeur dépose une demande d’assistance judiciaire qui lui est refusée au motif que sa cause est principalement dépourvue de toute chance de succès.

L’instance cantonale supérieure confirme cette décision. Le débiteur recourt au Tribunal fédéral qui doit préciser la possibilité d’octroyer partiellement l’assistance judiciaire lorsque seule une grande partie de la cause est dépourvue de chance de succès.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle qu’une cause est considérée comme dépourvue de toute chance de succès au sens de l’art. 117 let. b CPC lorsque les chances de gain sont considérablement plus faibles que le risque de perte du procès. Afin de procéder à cette estimation, il faut se mettre à la place d’une partie qui, en ayant des moyens financiers suffisants, déciderait de poursuivre le procès après une réflexion raisonnée. Le juge doit procéder à un examen préliminaire et provisoire au moment du dépôt de la demande.

En l’espèce, le Tribunal fédéral considère que la cause est dépourvue de chance de succès, sauf pour les frais et intérêts.… Lire la suite

Le non-respect d’une méthode ADR avant la procédure d’arbitrage

ATF 142 III 296 | TF, 16.03.2016, 4A_628/2015*

Faits

Deux parties concluent un contrat avec la clause arbitrale suivante : « Tout différend survenant entre les Parties dans l’exécution ou dans l’interprétation du présent Contrat qui ne peut être résolu par les Parties, fera dans un premier temps, l’objet d’une tentative de conciliation en application du Règlement ADR (Alternative Disputes Resolution) de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Tout différend entre les Parties découlant de l’exécution ou de l’interprétation du présent Contrat non résolu par voie de conciliation sera tranché en dernier ressort par voie d’arbitrage conformément au Règlement d’Arbitrage de la CNUDCI (UNCITRAL) par trois (3) arbitres nommés conformément à ce règlement » (mise en évidence ajoutée). Le siège de l’arbitrage est fixé à Genève.

Suite à un différend, une partie (la requérante) dépose une demande de conciliation auprès du Centre international d’ADR de la CCI. Le Centre nomme alors une conciliatrice. Trois mois après cette nomination, alors que les parties n’ont pas réussi à s’entretenir physiquement ou par conférence téléphonique, la requérante adresse une notification d’arbitrage à sa cocontractante. Cette dernière s’oppose alors à la résolution du litige par l’arbitrage au motif que la procédure de conciliation n’a pas pris fin.… Lire la suite

L’accusateur public au sens de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF

ATF 142 IV 196 | TF, 03.03.2016, 6B_111/2015*

Faits

Le Tribunal pénal économique du canton de Fribourg condamne un prévenu pour blanchiment d’argent et faux dans les titres à une peine privative de liberté de 36 mois. La Cour d’appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois admet l’appel du prévenu et le condamne à une peine privative de liberté de 12 mois.

Le Ministère public fribourgeois, par l’entremise d’une procureure, forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt.

Le Tribunal fédéral doit trancher la question de savoir si la désignation des personnes habilitées à représenter l’accusateur public (art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF) relève de l’organisation judiciaire cantonale.

Droit

Pour trancher la question topique, le Tribunal fédéral met en oeuvre une procédure de coordination de la jurisprudence au sens de l’art. 23 al. 2 LTF.

L’ancienne loi fédérale sur la procédure pénale, abrogée avec l’entrée en vigueur du CPP, prévoyait que l’accusateur public du canton était compétent pour recourir au Tribunal fédéral. La jurisprudence rendue sous l’empire de cette loi considérait que, lorsqu’un ministère public était compétent pour tout le canton, qu’il avait le droit de recourir auprès de l’autorité de dernière instance cantonale et qu’il devait veiller à une application uniforme du droit fédéral dans son canton, un autre accusateur public compétent dans certains domaines ou pour une partie du territoire cantonal seulement ne pouvait pas recourir au Tribunal fédéral, et ce, même s’il était le seul à être intervenu en dernière instance cantonale.… Lire la suite