Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

Les frais suisses de la procédure pénale classée à l’étranger

ATF 143 IV 91 | TF, 13.12.2016, 6B_1217/2015*

Faits

Un ressortissant allemand fait l’objet d’une instruction pénale dans le canton de Zug. A la suite du déménagement du prévenu en Allemagne, les autorités pénales allemandes assument la poursuite et la procédure suisse est suspendue. Ultérieurement, les autorités allemandes classent la procédure faute de preuves suffisantes. Le Ministère public zougois classe à son tour la procédure en Suisse et met l’entier des frais à la charge du prévenu. Ce dernier recourt contre la mise des frais à sa charge et obtient partiellement gain de cause devant l’instance de recours cantonale.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer si, en matière d’entraide pénale internationale, une décision de classement des autorités étrangères ayant assumé la poursuite pénale fait obstacle à la mise des frais en Suisse à la charge du prévenu.

Droit

Entre la Suisse et l’Allemagne, ce sont en première ligne la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ), son deuxième Protocole additionnel, ainsi que l’Accord bilatéral Suisse-Allemagne y relatif qui s’appliquent s’agissant de l’entraide en matière pénale. Ces différentes bases légales ne traitent pas expressément de la situation où un Etat assume la poursuite pénale à la place d’un autre Etat et ne déterminent en particulier pas si les frais suisses d’une procédure assumée par un Etat étranger peuvent être mis à la charge du prévenu nonobstant la décision étrangère de classer la procédure.… Lire la suite

La récusation des juges du TMC en cas de procédures connexes

ATF 143 IV 69TF, 03.01.2017, 1B_409/2016*

Faits

Dans le cadre d’une instruction pénale pour trafic de stupéfiants, deux juges du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après le “TMC”) sont appelés à se prononcer à de multiples reprises sur des demandes d’autorisation de mesures de surveillance et d’investigation secrète, sur le placement en détention provisoire de divers coprévenus, ainsi que sur la prolongation de ces mesures.

Placé en détention provisoire, l’un des prévenus demande la récusation des deux juges. Sa requête est rejetée par l’autorité de recours cantonale.

Le prévenu forme recours auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le fait que les juges du TMC aient déjà statué dans des procédures connexes constitue un motif de récusation.

Droit

A teneur de l’art. 56 let. b CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu’elle a agi à un autre titre dans la même cause, en particulier comme membre d’une autorité, conseil juridique d’une partie, expert ou témoin. La notion de “même cause” s’entend de manière formelle et vise une procédure identique impliquant les mêmes parties et portant sur les mêmes questions litigieuses. En outre, l’art.Lire la suite

Les frais de l’appel en cause en cas de rejet de l’action principale

ATF 143 III 106TF, 16.01.2017, 4A_271/2016* et 4A_291/2016*

Faits

Une société ayant récemment changé d’organe de révision est mise en faillite suite à l‘avis au juge effectué par le nouveau réviseur. La masse en faillite actionne par la suite ce dernier en responsabilité pour le dommage consécutif à la tardiveté de l’avis au juge. Le nouveau réviseur appelle en cause le réviseur précédent.

Le Tribunal de commerce du canton de Zurich rejette l’action en responsabilité au motif que la demanderesse a insuffisamment prouvé le montant du dommage. Il déclare donc l’appel en cause sans objet, le raye du rôle et met les coûts de la procédure d’appel en cause à la charge de l’appelant en cause.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit en particulier déterminer si les frais relatifs à l’appel en cause doivent être mis à la charge de l’appelant en cause ou du demandeur lorsque l’action principale est rejetée.

Droit

Selon l’art. 81 al. 1 CPC, une partie peut appeler un tiers en cause en faisant valoir les prétentions qu’elle estime avoir contre lui pour le cas où elle succomberait. La répartition des frais relatifs à l’appel en cause répond aux règles générales des art.Lire la suite

Le renvoi d’un Tigre tamoul vers le Sri Lanka et l’interdiction de la torture (CourEDH)

CourEDH, 26.01.2017, Affaire X c. Suisse, no 16744/14

Faits

Un ressortissant sri lankais d’origine tamoule dépose une demande d’asile en Suisse avec son épouse et leurs deux jeunes enfants. A l’appui de sa demande, il expose en particulier avoir été membre de l’organisation indépendantiste des Tigres tamouls et avoir participé à la résistance armée contre le gouvernement sri lankais. L’Office fédéral aux migrations rejette la demande d’asile au motif qu’elle est insuffisamment motivée et ordonne le renvoi du requérant et sa famille. Le requérant recourt sans succès auprès du Tribunal administratif fédéral.

Le requérant est ensuite renvoyé vers son pays avec sa famille. A l’arrivée au Sri Lanka, il est incarcéré, puis torturé en prison. Les autorités suisses prennent alors des mesures pour rapatrier l’épouse et les enfants en Suisse, puis, à la libération du requérant, permettent à celui-ci de rejoindre la Suisse et lui accordent l’asile.

Le requérant saisit la Cour européenne des droits de l’homme, qui doit déterminer si son renvoi vers le Sri Lanka constitue une violation de l’interdiction de la torture au sens de l’art. 3 CEDH.

Droit

A titre liminaire, le gouvernement Suisse fait valoir que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes (art.Lire la suite

La détention préventive pour risque de récidive

ATF 143 IV 9 | TF, 23.11.2016, 1B_373/2016*

Faits

Un individu accusé d’attouchements sexuels sur une fillette de neuf ans est mis en détention préventive. Par la suite, la détention préventive est prolongée en raison du risque de récidive. Le prévenu recourt contre la décision de prolonger la détention préventive. Débouté par l’instance cantonale supérieure, il forme recours auprès du Tribunal fédéral.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral est appelé à réexaminer sa jurisprudence selon laquelle le risque de récidive ne peut justifier la détention avant jugement que lorsque le pronostic est très défavorable.

Droit

La détention avant jugement peut être ordonnée en particulier lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement lieu de craindre qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir commis des infractions du même genre (art. 221 al. 1 let. c CPP). Selon la jurisprudence fédérale établie sous l’empire des anciennes procédures pénales cantonales, au regard de la grave atteinte à la liberté personnelle du prévenu qu’implique la détention, le maintien en détention avant jugement n’est justifié par le risque de récidive que si (1) de graves infractions sont à craindre et (2) le pronostic est très défavorable.… Lire la suite