Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

L’imitation d’une invention brevetée

ATF 142 II 772 | TF, 03.10.016, 4A_131/2016*

Faits

Une société détient un brevet pour une valve permettant le passage de liquide dans un sens tout en évitant le passage de gaz dans la direction opposée. Ce dispositif est utilisé notamment pour les urinoirs, de façon à permettre à l’urine de passer au travers de la valve tout en empêchant les odeurs incommodantes de circuler en sens inverse. Une entreprise concurrente fabrique des valves similaires, à l’exception de certaines composantes qui sont reliées entre elles plutôt que séparées conformément à la description de l’invention brevetée. La détentrice du brevet l’attaque en justice pour violation de son brevet.

Déboutée par le Tribunal fédéral des brevets, la société forme recours auprès du Tribunal fédéral, lequel est appelé à préciser la notion d’imitation d’une invention au sens de la loi fédérale sur les brevets d’invention (LBI).

Droit

L’art. 66 let. a 2ème phr. LBI prohibe l’imitation des inventions protégées par un brevet. A teneur de jurisprudence (cf. notamment ATF 125 III 29), il y a imitation lorsqu’une technique permettant un résultat similaire à celui de l’invention protégée (Gleichwirkung) est établie par des moyens différents de ceux utilisés par l’invention protégée, mais que l’expert peut aisément trouver sur la base du brevet (Auffindbarkeit).… Lire la suite

La garantie bancaire à la place d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

ATF 142 III 738 | TF, 05.10.2016, 5A_838/2015*

Faits

Une société (ci-après l’entrepreneur total) mandatée pour la construction d’un bâtiment délègue certains travaux à un tiers (ci-après le sous-entrepreneur). Suite à des impayés, le sous-entrepreneur obtient à titre superprovisionnel l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur le bien-fonds concerné. Lors de la procédure subséquente en inscription définitive de cette hypothèque légale, l’entrepreneur total fournit une garantie bancaire pour les créances du sous-entrepreneur. Par conséquent, le tribunal de commerce rejette la demande d’inscription définitive de l’hypothèque légale au motif que le sous-entrepreneur bénéficie désormais de sûretés suffisantes.

Le sous-entrepreneur forme recours au Tribunal fédéral. Celui-ci doit préciser la notion de “sûretés suffisantes” de l’art. 839 al. 3 CC, sûretés faisant obstacle à l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. En particulier, le Tribunal fédéral doit déterminer sous quelles conditions une garantie bancaire peut constituer une sûreté suffisante.

Droit

A teneur de l’art. 839 al. 3 CC, l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être requise si le propriétaire fournit des sûretés suffisantes au créancier. Pour qu’une sûreté apparaisse comme suffisante au sens de la loi, elle doit équivaloir à l’hypothèque légale en termes qualitatifs et quantitatifs.… Lire la suite

L’imputation de la mesure sur la peine privative de liberté

ATF 142 IV 359 | TF, 06.09.2016, 6B_173/2015*

Faits

Le tribunal de première instance condamne un mineur pour diverses infractions et déduit de la peine privative de liberté à effectuer les jours de placement en milieu fermé qu’il a déjà effectués. Le tribunal ne déduit en revanche pas de la peine le séjour de l’intéressé en milieu semi-ouvert (dont diverses périodes de fugue). La décision est confirmée en seconde instance.

Le mineur recourt auprès du Tribunal fédéral et requiert la déduction intégrale de la durée du placement. Le Tribunal fédéral est ainsi appelé à préciser les conditions auxquelles une mesure de protection ordonnée à titre provisionnel est imputée sur la peine.

Droit

L’autorité prononce le placement d’un mineur en établissement ouvert ou fermé lorsque l’éducation ou le traitement exigé par l’état du mineur ne peuvent être assurés autrement (art. 15 DPMin). En cas de prononcé simultané d’un placement et d’une peine, le placement est exécuté en premier lieu (art. 32 al. 1 DPmin), conformément au système dualiste (dualistisch-vikariierend) qui donne la priorité à la mesure sur la peine.

S’il est mis fin au placement parce qu’il a atteint son objectif, la privation de liberté n’est plus exécutée (art.Lire la suite

L’intervention accessoire indépendante

ATF 142 III 629TF, 01.09.2016, 4A_160/2016*

Faits

Un actionnaire ouvre action en justice en vue de remédier à une carence dans l’organisation de la société. Dans le contexte de la procédure de première instance, un autre actionnaire intervient de façon accessoire. En première instance, les parties principales acceptent une solution transactionnelle selon laquelle l’ensemble des actions de la société est attribué à l’actionnaire le plus offrant dans le cadre d’une vente aux enchères privée. Le jugement de première instance entérine cette transaction et impose à tous les actionnaires de participer à la vente aux enchères privée. L’actionnaire intervenant accessoire forme recours. La seconde instance cantonale déclare son recours irrecevable faute de qualité pour agir.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si un intervenant accessoire a qualité pour recourir contre les déterminations de la partie principale lorsque le jugement concerné déploie des effets directement à son encontre.

Droit

L’intervention accessoire est prévue aux art. 74 ss CPC. L’intervenant accessoire peut notamment interjeter recours (art. 76 al. 1 CPC), ses actes n’étant toutefois pas considérés lorsqu’ils contredisent les déterminations de la partie principale (art. 76 al. 2 CPC).… Lire la suite

Le courtage de stupéfiants dans la nouvelle LStup

ATF 142 IV 401 | TF, 05.08.2016, 6B_1226/2015*

Faits

Un individu est condamné pour avoir mis en contact un trafiquant et un fournisseur d’héroïne. La condamnation est confirmée en deuxième instance.

Le condamné forme recours au Tribunal fédéral, qui doit en particulier déterminer si le fait de faire le courtage (« vermitteln »), soit en particulier le fait de mettre en contact deux personnes s’adonnant au trafic de produits stupéfiants, constitue encore une infraction à part entière sous l’empire de la LStup révisée.

Droit

Le recourant fait valoir le fait que le courtage de produits stupéfiants n’est plus une des variantes incriminées par l’art. 19 LStup. En application du principe de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP), il conviendrait de ce fait de lui appliquer la nouvelle loi et de l’acquitter.

Il sied d’examiner si la nouvelle loi est réellement plus clémente que celle en vigueur au moment de l’acte (art. 2 al. 2 CP) et, en particulier, si le fait de faire le courtage de produits stupéfiants constitue encore une infraction poursuivie sous l’empire du nouveau droit. Le Tribunal fédéral ne s’est encore jamais prononcé sur cette question.

Dans sa teneur antérieure à la révision du 1er juillet 2011, l’art.Lire la suite