Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

Le droit de préemption de l’Etat et les droits fondamentaux

ATF 142 I 76TF, 20.04.2014, 1C_86/2015, 1C_87/2015*

Faits

Le propriétaire d’une parcelle de la commune genevoise du Grand-Saconnex aliène celle-ci. La commune exerce le droit de préemption qui lui est conféré en vertu de la loi genevoise sur le logement et la protection des locataires (LGL). L’acquéreur et le propriétaire recourent sans succès devant les instances cantonales contre la décision communale d’exercer le droit de préemption.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral est appelé à préciser les conditions auxquelles l’exercice d’un droit de préemption de l’État est conforme aux droits fondamentaux.

Droit

Les recourants invoquent en particulier une violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst. féd.) et de la liberté économique (art. 27 Cst. féd.).

L’exercice par l’Etat d’un droit de préemption légal constitue une restriction grave du droit à la propriété (art. 26 Cst. féd.) et, dans la mesure où il impose au vendeur la conclusion d’un contrat de vente avec l’Etat, une atteinte à la liberté économique (art. 27 Cst. féd.), admissibles uniquement aux conditions de l’art. 36 Cst. féd., soit si cet exercice (1) repose sur une base légale suffisante, (2) est justifié par un intérêt public et (3) respecte le principe de la proportionnalité.… Lire la suite

L’extradition d’un fonctionnaire de la FIFA

ATF 142 IV 250TF, 02.05.2016, 1C_143/2016*

Faits

Les autorités américaines soupçonnent un haut fonctionnaire de la FIFA originaire du Nicaragua d’avoir obtenu des pots-de-vin en échange de l’attribution des droits de commercialisation au Nicaragua, pays dont il est originaire, pour la Coupe du monde de football. Sur requête du Département de Justice américain, le fonctionnaire est arrêté en Suisse. Les Etats-Unis requièrent son extradition. Par la suite, les autorités du Nicaragua demandent à leur tour que le fonctionnaire de la FIFA concerné soit extradé vers leur pays.

L’Office fédéral de la justice autorise l’extradition en priorité vers les Etats-Unis, ainsi qu’une éventuelle extradition ultérieure des Etats-Unis vers le Nicaragua. Cette décision est confirmée par le Tribunal pénal fédéral. Le fonctionnaire recourt auprès du Tribunal fédéral, qui est ainsi appelé à se prononcer pour la première fois sur l’admissibilité de l’extradition de hauts fonctionnaires de la FIFA vers les Etats-Unis dans le cadre du scandale financier révélé en 2015.

Droit

L’extradition du recourant est soumise au (i) Traité d’extradition entre la Suisse et les Etats-Unis, (ii) à la Convention des Nations Unies contre la corruption, et (iii) si ces documents ne règlent pas exhaustivement le cas ou si le droit interne est plus favorable à l’extradition, à la Loi fédérale sur l’entraide pénale internationale (EIMP).… Lire la suite

Les intérêts négatifs sur des avoirs consignés

ATF 142 III 425 | TF, 07.04.2016, 5A_555/2015*

Faits

Les liquidateurs d’une société en liquidation concordataire consignent les avoirs de celle-ci auprès de la Banque cantonale de Zug. Par la suite, la Banque cantonale avise les liquidateurs de l’introduction de taux d’intérêts négatifs.

Les liquidateurs formulent une plainte (art. 17 LP) contre cette communication. L’autorité de surveillance refuse d’entrer en matière faute de décision pouvant faire l’objet d’une plainte. Sur recours, l’Obergericht confirme ce rejet.

Les liquidateurs recourent au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si l’application de taux d’intérêts négatifs à des avoirs consignés peut être contestée par la voie de la plainte de l’art. 17 LP.

Droit

Les liquidateurs d’une société en liquidation concordataire sont tenus de consigner à la caisse des dépôts et consignations les sommes, valeurs et objets de prix dont ils n’ont pas emploi dans les trois jours (art. 9 LP, applicable par le renvoi de l’art. 320 al. 3 LP). Les cantons désignent la caisse des dépôts et consignations (art. 24 LP), laquelle constitue un organe de l’exécution forcée. Le Canton de Zug a notamment désigné la Banque cantonale comme caisse de dépôts et consignations. On doit donc examiner si, au regard de ce qui précède, la communication de la Banque cantonale constitue une décision susceptible de faire l’objet d’une plainte de l’art.Lire la suite

Le billet à ordre mensonger, un faux dans les titres ?

ATF 142 IV 119 | TF, 07.04.2016, 6B_1229/2014*

Faits

Suite à d’importants retards de paiement, un débiteur signe un billet à ordre, en vertu duquel il s’engage à payer à son créancier la somme due à une échéance donnée. Il ne s’acquitte toutefois pas du montant dû par la suite. Il est condamné en deuxième instance pour faux dans les titres au motif qu’il n’aurait jamais eu l’intention de s’exécuter.

Il forme recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la signature d’un billet à ordre sans avoir l’intention de payer la somme visée est constitutive de faux dans les titres.

Droit

L’infraction de faux dans les titres réprime en particulier le fait de créer un titre faux dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (art. 251 ch. 1 CP). Il peut s’agir tant de la création d’un faux matériel que de celle d’un faux intellectuel, soit un titre mensonger. Tout mensonge écrit ne constitue toutefois pas un faux intellectuel. Il est bien plus nécessaire que l’écrit concerné revête la qualité de titre à l’égard de l’affirmation mensongère.… Lire la suite

Le passage du bail au propriétaire du fonds à l’extinction du droit de superficie

ATF 142 III 329TF, 10.03.2016, 4A_553/2015*

Faits

Le propriétaire d’un bien-fonds confère un droit de superficie à une société pour une durée limitée. Le droit de superficie est immatriculé au registre foncier comme immeuble indépendant. La titulaire du droit de superficie (la « bailleresse ») loue les bâtiments construits en vertu du droit de superficie à une société (la « locataire »). Le contrat de bail est annoté au registre foncier.

Peu avant l’échéance du droit de superficie, la bailleresse donne son congé à la locataire pour une date postérieure à l’échéance du droit de superficie. La locataire agit par la suite à l’encontre du propriétaire du bien-fonds, concluant à l’annulation du congé donné par la bailleresse.

La première instance rejette la demande au motif que le propriétaire du bien-fonds n’a pas la légitimation passive. Cette décision est confirmée en seconde instance.

Sur recours de la locataire, le Tribunal fédéral doit établir si le bail relatif à des locaux construits en vertu d’un droit de superficie passe au propriétaire du bien-fonds à l’expiration du droit de superficie concerné.

Droit

A l’expiration du droit de superficie, les constructions ont fait retour au propriétaire du fonds (art. 779c CC). Le propriétaire du bien-fonds est ainsi devenu propriétaire des locaux loués.… Lire la suite