Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

L’enseignement primaire comme profession typiquement féminine

ATF 141 II 411 | TF, 01.12.2015, 8C_366/2014*

Faits

Une enseignante primaire argovienne conteste la classe salariale dans laquelle est colloquée sa profession au motif que celle-ci constituerait une discrimination en raison du sexe. La dernière instance cantonale retient cependant que la fonction d’enseignant primaire ne peut être considérée comme typiquement féminine, de sorte qu’il ne peut être question d’une discrimination.

Sur recours de l’enseignante, le Tribunal fédéral doit déterminer si la profession d’enseignant primaire est ou non typiquement féminine.

Droit

L’art. 8 al. 3 Cst. féd. et l’art. 3 LEg prohibent toute discrimination salariale à raison du sexe. Une telle discrimination existe notamment lorsque des différences de rémunération injustifiées touchent une profession typiquement féminine. Une profession est en principe considérée comme typiquement féminine lorsque la proportion de femmes y est nettement supérieure à 70 %. On prend cependant également en compte la dimension historique de la profession.

En l’espèce, le Tribunal fédéral souligne qu’il se prononce pour la première fois sur un recours formé par une enseignante primaire pour discrimination salariale à raison du sexe. En revanche, l’utilisation de la profession d’enseignant primaire comme profession de comparaison neutre du point de vue du sexe était jusqu’ici admise de jurisprudence constante (cf.… Lire la suite

La preuve à futur et la reddition de compte du mandataire

ATF 141 III 564 | TF, 16.12.2015, 4A_191/2015*

Faits

Une société confie la gestion de ses avoirs à une banque, qui les place auprès de Bernard Madoff Investment Services (BMIS). Il se révèle à la suite de la crise financière de 2008 que les investissements étaient fictifs et que BMIS versait des plus-values uniquement grâce aux apports de nouveaux investisseurs (système dit “de cavalerie”).

Dans ce cadre, la société dépose une requête de preuve à futur portant sur divers documents détenus par la banque, afin de recueillir des informations sur la diligence dont la banque a fait preuve en plaçant ses avoirs auprès de la société de Bernard Madoff.

La demande est rejetée par les instances cantonales. La société interjette recours auprès du Tribunal fédéral, qui se prononce en particulier sur le rapport entre la preuve à futur et l’action en reddition de compte à l’encontre du mandataire.

Droit

Les parties sont liées par un mandat. Or, l’art. 400 CO prévoit une obligation de reddition de compte à la charge du mandataire. Celui-ci est en particulier tenu de donner au mandant les renseignements devant lui permettre de s’assurer de la bonne et fidèle exécution du mandat, et le cas échéant d’agir en responsabilité (devoir d’information).… Lire la suite

Le transfert de données bancaires aux USA et la CEDH

CourEDH, 22.12.2015, G.S.B. c. Suisse

Faits

Les autorités américaines reprochent à UBS d’avoir facilité à grande échelle l’évasion fiscale de contribuables américains. Dans ces circonstances, un accord est conclu entre les Etats-Unis et la Suisse pour permettre la transmission des données des clients américains d’UBS aux autorités fiscales américaines (cf. l’Accord du 19 août 2009 et l’Arrêté fédéral du 17 juin 2010, ensemble « la Convention 10 »). Le titulaire américain d’un compte auprès d’UBS conteste la décision de transmettre ses données bancaires. Il est débouté par toutes les instances suisses.

Saisie, la Cour européenne des droits de l’homme (la « CourEDH  ») doit déterminer si la transmission des données bancaires aux Etats-Unis est conforme à la CEDH et en particulier au droit à la vie privée.

Droit

L’art. 8 CEDH garantit le droit à la vie privée et familiale. Conformément à l’art. 8 par. 2 CEDH, une ingérence dans la vie privée n’est admissible que si elle est (1) prévue par la loi, (2) justifiée par l’un des buts légitimes énumérés dans la disposition en question, et (3) nécessaire dans une société démocratique.

En l’espèce, la transmission des données bancaires du requérant constitue une ingérence dans sa vie privée.… Lire la suite

La faillite d’une caisse de pensions

ATF 141 V 650TF, 13.11.2015, 9C_119/2015*, 9C_138/2015*

Faits

Une caisse de pensions fait faillite. Lors de la liquidation, elle requiert des prestations du fonds de garantie. Le fonds refuse de garantir certaines prestations de libre-passage, qui auraient été transférées par erreur à la caisse de pensions concernée. Le refus est confirmé par le Tribunal administratif fédéral.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit se prononcer sur les prestations garanties en cas de faillite d’une caisse de pensions.

Droit

L’art. 56 LPP prévoit l’institution d’un fonds de garantie dont la fonction est notamment de garantir les prestations légales (art. 56 al. 1 let. b LPP) et les prestations règlementaires plus étendues (art. 56 al. 1 let. c LPP) dues par une institution de prévoyance devenue insolvable. Il est ainsi uniquement question de prestations d’institutions de prévoyance, les prestations de fondations de libre-passage n’étant pas garanties. Seules sont par conséquent visées les prétentions fondées sur une relation de prévoyance (“Vorsorgeverhältnis“).

Or, en l’espèce, les bénéficiaires des prestations litigieuses n’ont jamais été assurés auprès de la caisse de pensions concernée, leurs employeurs n’étant pas affiliés à celle-ci. Les prestations pour lesquelles la garantie est demandée ne reposent ainsi sur aucune relation de prévoyance.… Lire la suite

Le remboursement de l’impôt anticipé

ATF 142 II 9

Faits

Une société sise à l’étranger et possédant une succursale en Suisse demande le remboursement de l’impôt anticipé. L’Administration fiscale fédérale (AFC) lui oppose un refus, confirmé sur appel par le Tribunal administratif fédéral.

La société forme recours devant le Tribunal fédéral, qui est appelé à préciser  les conditions du remboursement de l’impôt anticipé versé par une entreprise étrangère ayant un établissement stable en Suisse.

Droit

Une entreprise étrangère (i) possédant un établissement stable en Suisse et (ii) tenue de payer des impôts cantonaux et communaux sur la fortune d’exploitation de son établissement en Suisse peut demander le remboursement de l’impôt anticipé prélevé sur le rendement de sa fortune (art. 24 al. 3 LIA).

Selon un arrêt du Tribunal fédéral (TF, 22.02.2008, 2C_333/2007), l’appartenance du rendement à la fortune d’exploitation de la succursale suisse (et non du groupe ou du siège à l’étranger) constitue une condition distincte de l’assujettissement aux impôts cantonaux et communaux. Cette jurisprudence a été critiquée par la doctrine, d’une part parce qu’elle irait à l’encontre de la fonction de garantie de l’impôt anticipé, et, d’autre part, parce qu’elle risquerait de donner lieu à une double imposition en cas de refus du remboursement de l’impôt anticipé, dans la mesure où tant l’impôt anticipé que les impôts cantonaux et communaux seraient alors dus sur le rendement concerné.… Lire la suite