Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

La notification aux créanciers de la reconnaissance de l’état de collocation étranger

ATF 146 III 247TF, 30.03.2020, 5A_699/2019*

La décision de reconnaissance de l’état de collocation étranger (art. 173 LDIP) doit être notifiée aux créanciers domiciliés ou ayant leur siège en Suisse selon les art. 138 ss CPC, soit en principe par courrier recommandé.

Faits

Le Tribunal de commerce de Bruxelles prononce la faillite d’une société belge. Sur requête de la masse en faillite, le Tribunal de première instance de Genève reconnaît le jugement de faillite belge et ouvre une procédure de faillite ancillaire en Suisse.

Par la suite, le Tribunal de commerce de Bruxelles déclare nulle une créance de 17 millions d’euros que fait valoir une société suisse (la “créancière”). La masse en faillite ancillaire requiert alors la reconnaissance et l’exequatur en Suisse de l’état de collocation approuvé par l’instance belge. Après audition de la créancière, le Tribunal de première instance de Genève accède à cette requête.

Il notifie la décision de reconnaissance de l’état de collocation à la masse en faillite, mais non à la créancière. Celle-ci apprend lors d’un téléphone avec le greffe qu’un jugement a été rendu et en sollicite la notification. Le tribunal procède alors à la publication de sa décision dans la Feuille d’avis officiels du canton de Genève (la “FAO”), mais ne notifie pas directement la créancière.… Lire la suite

L’intérêt à agir en contestation de l’état de collocation

ATF 146 III 113 | TF, 15.01.2020, 5A_535/2018*

Un créancier peut avoir intérêt à agir en contestation de l’état de collocation (art. 250 LP) même si le dividende de faillite attendu est nul, notamment afin d’éviter une éventuelle action du défendeur à son encontre selon l’art. 260 LP.

Faits

Une société fait faillite. Le canton de Thurgovie et l’ancien président du conseil d’administration de la société comptent parmi les créanciers colloqués en troisième classe. Selon l’estimation de l’office des faillites, le dividende de faillite attendu est égal à zéro.

Le président du conseil d’administration conteste en justice l’admission à l’état de collocation des créances du canton. Il obtient gain de cause en première instance. Sur appel du canton, l’Obergericht du canton de Thurgovie retient que le président du conseil d’administration n’a pas d’intérêt à agir et que son action est dès lors irrecevable.

Le président du conseil d’administration forme recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Il s’agit de déterminer si un créancier peut avoir un intérêt à agir en contestation de l’état de collocation (art. 250 LP) lorsque le dividende de faillite attendu est nul.

Droit

Selon le Tribunal fédéral, il convient d’examiner la question à la lumière de l’évolution de la jurisprudence fédérale en la matière : initialement, le Tribunal fédéral retenait qu’en cas d’action en contestation de l’état de collocation, la valeur litigieuse équivalait au montant de la créance contestée.… Lire la suite

La renonciation à l’immobilisation des loyers et fermages

ATF 145 III 495 | TF, 09.10.2019, 5A_614/2019*

Sous réserve de la volonté contraire du créancier gagiste, l’indication que « la gérance légale n’est pas requise » dans la réquisition de poursuite en réalisation du gage immobilier n’emporte pas renonciation définitive à l’immobilisation des loyers et fermages.

Faits

Une banque initie une poursuite en réalisation d’un gage immobilier contre son débiteur. Dans la réquisition de poursuite, elle indique que la « gérance légale n’est pas requise ».

Le poursuivi agit en libération de dette. La banque requiert alors l’extension du droit de gage aux loyers et fermage de l’immeuble grevé. L’office des poursuites compétent fait droit à sa demande et informe le poursuivi qu’il encaissera les loyers et fermages jusqu’à l’issue de l’action en libération de dette.

Le débiteur forme plainte contre cet avis. L’instance cantonale compétente rejette sa plainte. Cette décision est confirmée en seconde instance.

Le poursuivi forme recours devant le Tribunal fédéral. Il s’agit de déterminer si, en indiquant dans sa réquisition de poursuite que la gérance légale n’était pas requise, la créancière a définitivement renoncé à l’extension de son droit de gage aux loyers et fermages.

Droit

L’art. 806 al. 1 CC prévoit que le gage grevant un immeuble comprend les loyers ou fermages qui courent depuis le début de la poursuite en réalisation de gage jusqu’à la réalisation de celui-ci.… Lire la suite

Meurtre de St Légier : Le bracelet électronique comme mesure de substitution

ATF 145 IV 503TF, 17.09.2019, 1B_362/2019*

L’art. 237 al. 3 CPP constitue une base légale suffisante pour ordonner le port du bracelet électronique comme mesure de substitution à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté. Cela étant, l’efficacité du bracelet électronique est sujette à caution en l’absence d’un dispositif permettant une surveillance en temps réel. En tout état, le tribunal doit examiner l’adéquation de cette mesure au cas par cas.

Faits

Le corps sans vie d’une femme est découvert dans un ravin à proximité de Saint-Légier (canton de Vaud). Interpellé, son mari admet l’avoir tuée et est placé en détention provisoire. Leur fille est également accusée d’avoir participé au meurtre.

Le Tribunal criminel de l’Est vaudois condamne le mari à dix-huit ans de peine privative de liberté pour assassinat et atteinte à la paix des morts. Sa fille est également condamnée à une lourde peine. Le tribunal ordonne en outre le maintien des deux condamnés en détention pour des motifs de sûreté. L’époux forme appel sur le fond. Séparément, il recourt contre son maintien en détention devant le Tribunal cantonal vaudois, puis devant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral examine en particulier si le port d’un bracelet électronique est propre à pallier au risque de fuite.… Lire la suite

La mise en danger de la santé de nombreuses personnes selon l’art. 19 al. 2 let. nLStup

ATF 145 IV 312TF, 29.07.2019, 6B_504/2019*

Nonobstant la révision de l’art. 19 al. 2 let. a LStup, la quantité de drogue demeure le critère central pour déterminer si l’infraction met en danger la santé de nombreuses personnes au sens de cette disposition. S’agissant de méthamphétamine, le juge peut sans arbitraire présumer un taux de pureté moyen de 70 % aux fins de son analyse.

Faits

Un individu met à disposition d’un ami l’adresse de sa compagne pour la livraison des stupéfiants suivants, commandés en ligne : 28 grammes de crystal meth, 100 pilules d’ecstasy et 100 grammes de MDMA. Le prévenu prend possession des deux premiers colis pour le compte de son ami. La douane intercepte néanmoins le troisième colis.

Le prévenu se voit alors condamné pour infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup). Le Tribunal de police retient la réalisation du cas aggravé de l’art. 19 al. 2 let. a LStup. Le prévenu forme appel auprès de la cour cantonale compétente, sans succès.

Saisi par le prévenu, le Tribunal fédéral est appelé à préciser la notion de mise en danger de la santé de nombreuses personnes au sens du nouvel art.Lire la suite