Entrées par Simone Schürch

La prescription des créances d’une succession

ATF 141 III 152 | TF, 29.09.2015, 5A_629/2014*

Faits

Trois héritiers se disputent à propos de l’inventaire des biens de la succession. La dispute porte sur certaines créances qu’une partie des héritiers ont à l’encontre d’un autre héritier qui, durant la succession, a utilisé un immeuble de la communauté de manière exclusive.

Après la mort des trois héritiers, le tribunal de première instance modifie l’inventaire en y ajoutant d’autres créances et en constatant que certaines créances sont désormais prescrites (cf. art. 127 CO). Les parties recourent à l’instance supérieure qui confirme le jugement sur ce point.

Par la voie du recours en matière civile, les successeurs des héritiers réitèrent leur contestation au sujet de l’inventaire litigieux devant le Tribunal fédéral. Il se pose en particulier la question de savoir si la prescription court pendant l’indivision.

Droit

À la mort d’une personne, une communauté de tous les droits et obligations appartenant aux de cujus naît entre les héritiers et dure jusqu’au partage (cf. art. 602 al. 1 CC). Selon la jurisprudence, l’héritier qui a fait un usage exclusif d’un bien de la succession avant le partage doit indemniser les autres héritiers (ATF 101 II 36, c.Lire la suite

L’interdiction d’organiser la conférence du Conseil Central islamique Suisse (CCIS)

TF, 28.10.2015, 1C_35/2015

Faits

Le Conseil Central Islamique Suisse (CCIS) souhaite organiser sa conférence annuelle dans les espaces du Forum Fribourg (salle de conférence). À cet effet, il requiert auprès du préfet une autorisation de courte durée pour offrir des mets et des boissons à consommer sur place (patente K, art. 2 al. 1 let. a cum 14 LEPu [loi fribourgeoise sur les établissements publics]). Celui-ci refuse de délivrer la patente et interdit aussi la conférence. Le refus du préfet est confirmé par le Tribunal cantonal.

Saisi par le CCIS, le Tribunal fédéral doit établir s’il est possible, et le cas échéant à quelles conditions, d’interdire une manifestation ayant lieu dans des espaces privés – mais ouverts au public – loués par des privés selon un contrat de droit privé.

Droit

Le Tribunal fédéral observe tout d’abord que la LEPu soumet uniquement à autorisation la vente de mets et de boissons sur place, mais non pas l’organisation d’une conférence en tant que telle. Il écarte ainsi d’emblée l’analyse de l’instance cantonale qui a considéré les deux aspects comme étant liés afin de justifier la décision du préfet d’interdire la conférence.

La LEPu n’étant pas une base légale suffisante à fonder l’interdiction en question, il s’agit de vérifier si celle-ci pouvait être prononcée en application de la clause générale de police (art.Lire la suite

La prescription d’une diffamation par publication internet

ATF 142 IV 18TF, 02.12.2015, 6B_473/2015*

Faits

Une personne se rend coupable de diffamation (art. 173 CP) pour un post qu’elle a publié sur un blog. La cour d’appel renverse ce jugement en acquittant le prévenu au motif que l’infraction serait prescrite (cf. art. 98 let. a CP).

Sur recours du ministère public, le Tribunal fédéral doit se déterminer sur le délai de prescription applicable à une diffamation perpétrée par une publication sur internet.

Droit

Le délai de prescription applicable aux délits contre l’honneur est de quatre ans (cf. art. 178 al. 1 CP). La prescription court (art. 98 CP) : (let. a) dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable ; (let. b) dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises ; (let. c) dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée.

Le ministère public reproche à l’instance inférieure de ne pas avoir retenu en tant que dies a quo le moment où le post litigieux a été effacé du site internet (art. 98 let. c CP). Il soutient que la jurisprudence fédérale qualifiant les infractions contre l’honneur d’infractions instantanées ne devrait pas s’appliquer aux publications sur internet, ce d’autant que l’auteur choisit parfois délibérément de ne pas effacer l’article publié.… Lire la suite

La remise au comptant des avoirs du client d’une banque

TF, 28.10.2015, 4A_168/2015

Faits

Un citoyen italien domicilié en Italie possède un compte auprès d’une banque sise en Suisse. La banque demande à son client d’attester que les avoirs sur le compte sont déclarés en Italie, puis fait savoir qu’elle fermera le compte en question suite à une nouvelle orientation de son activité commerciale. Le client requiert alors que le montant disponible sur son compte (75’494 euros) lui soit remis en argent comptant. Suite au refus de la banque, le client engage une procédure pour cas clairs (art. 257 CPC) et obtient gain de cause.

L’appel de la banque étant rejeté dans la mesure de sa recevabilité, celle-ci saisit le Tribunal fédéral qui doit se prononcer en particulier sur l’applicabilité de la procédure sommaire au cas d’espèce. 

Droit

Aux termes de l’art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire lorsque (let. a) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (let. b) la situation juridique est claire. À raison, la recourante ne conteste pas qu’en principe le client d’une banque sise en Suisse a droit, à la fin de la relation contractuelle, à l’obtention du paiement comptant de ses avoirs sans qu’il soit nécessaire de signer une déclaration de conformité fiscale.… Lire la suite

L’autorisation d’exploiter des découvertes fortuites

ATF 141 IV 459TF, 10.11.2015, 1B_274/2015*

Faits

Un garde-chasse valaisan est mis sous surveillance téléphonique dans le cadre d’une instruction pénale pour vols et/ou dommages à la propriété. Au cours des écoutes téléphoniques, il est découvert que le garde-chasse aurait volontairement omis de dénoncer des violations à la LChP, ce qui pourrait être constitutif d’entrave pénale (art. 305 CP). L’autorisation d’exploitation des découvertes est admise par le Tmc, puis confirmée par la Chambre pénale.

Saisi d’un recours du garde-chasse, le Tribunal fédéral doit se déterminer sur les conditions de l’exploitation de découvertes fortuites résultant de la surveillance téléphonique.

Droit

L’art. 278 al. 1 CPP dispose que si, lors d’une surveillance, d’autres infractions que celles qui ont fait l’objet de l’ordre de surveillance sont découvertes, les informations recueillies peuvent être utilisées à l’encontre du prévenu lorsqu’une surveillance aurait pu être ordonnée aux fins de la poursuite de ces actes. Consacrées à l’art. 269 al. 1 CPP, les conditions auxquelles est subordonnée la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication sont les suivantes : (let. a) de graves soupçons que l’une des infractions visées à l’alinéa 2 a été commise, (let. b) la mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction, (let.… Lire la suite