Le secret d’avocat dans le cadre d’une enquête interne au sein d’une banque 

TF, 02.03.2023, 1B_509/2022

Sont couverts par le secret professionnel dans leur intégralité les documents établis par une étude d’avocats dans le cadre d’une enquête interne au sein d’une banque et qui contiennent tant des constatations factuelles que des conseils légaux. 

Faits

En juin 2017, le Ministère public de Genève ouvre une procédure pénale contre une banque fondée sur les art. 305bis et 102 al. 2 CP en lien avec les détournements reprochés à son conseiller clientèle.

Le Ministère public requiert de la banque la production de divers documents. Celle-ci fournit deux clés USB.

La première clé est librement accessible et contient des rapports relatifs à la gestion des avoirs par le conseiller, des audits internes sur le département dans lequel travaillait le conseiller, ainsi que des directives internes de la banque en matière de lutte anti-blanchiment.

La deuxième clé contient des documents similaires, antérieurs à la période pénale pertinente et couverts par le secret professionnel, raison pour laquelle la banque demande sa mise sous scellés.

Le Ministère public demande la levée des scellés sur la deuxième clé au Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève, lequel admet partiellement la demande.

La banque recourt contre cette ordonnance auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à préciser sa jurisprudence sur l’étendue du secret d’avocat dans le cadre d’une enquête interne au sein d’une banque.Lire la suite

La non-entrée en matière sur un recours contre une décision refusant une nouvelle expertise psychiatrique (art. 394 lit. b CPP)

ATF 149 IV 205TF, 17.02.2023, 1B_162/2022*

Le préjudice juridique au sens de l’art. 394 lit. b CPP est donné lorsque le refus d’instruire porte sur des moyens de preuve qui risquent concrètement de disparaître. Il existe un risque théorique que, vu l’écoulement de temps entre la tenue d’une expertise judiciaire lors de l’instruction et la procédure de première instance, l’on se rende compte trop tard de ses défauts, voire de son inexploitabilité. Cependant, il appartient à la personne qui recourt contre le refus d’ordonner une nouvelle expertise de démontrer que ce risque pourrait se réaliser, notamment en exposant de manière circonstanciée en quoi l’expertise initiale serait entachée de défauts.

Faits

Un homme, soupçonné notamment d’homicide, se trouve en détention provisoire depuis décembre 2020. Le rapport d’expertise psychiatrique ordonné lors de l’instruction, daté du 8 août 2021, fait état de troubles liés à une consommation de substances psychotropes, d’un syndrome de dépendance (alcool, cannabis, cocaïne, benzodiazépines et nicotine) et d’un trouble dissociatif de la personnalité assorti d’éléments psychopathiques. L’expertise est complétée le 1er novembre 2021.

Le 10 décembre 2021, le prévenu demande une nouvelle expertise psychiatrique. Le Ministère public rejette cette demande par décision du 13 janvier 2022.… Lire la suite

Indemnité du défenseur d’office : interdiction de la reformatio in pejus ?

ATF 149 IV 91 | 26.01.2023, 6B_1362/2021*

La réduction par l’autorité de recours de l’indemnité allouée au défenseur d’office en première instance viole l’interdiction de la reformatio in pejus.

Faits

Le Ministère public cantonal vaudois Strada désigne deux avocats comme défenseurs d’office de deux prévenus. Dans son jugement, le Tribunal de police fixe leurs indemnités respectives à CHF 5’327,90. La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois rejette les recours des avocats contre leurs indemnités, réduit le montant alloué en première instance et fixe à CHF 2’304,35 le montant de leurs indemnités respectives pour la procédure d’appel.

L’un des avocats saisit le Tribunal pénal fédéral, qui transmet le recours au Tribunal fédéral comme objet de sa compétence. Celui-ci est notamment amené à examiner pour la première fois la question de l’interdiction de la reformatio in pejus à l’indemnité allouée au défenseur d’office.

Droit 

Le Tribunal fédéral commence par souligner que lorsque l’indemnité est fixée par une autorité de première instance dont la décision fait ensuite l’objet d’un recours, on ne se trouve pas dans l’hypothèse de l’art. 135 al. 3 let. b CPP qui prévoit un recours au Tribunal pénal fédéral. C’est donc le Tribunal fédéral qui est compétent en l’espèce (ATF 140 IV 213).… Lire la suite

La restitution du délai en cas de faute grave de l’avocat·e (art. 94 CPP) et la défense obligatoire

ATF 149 IV 196TF, 26.01.2023, 6B_16/2022*

Dans le cas d’une demande de restitution du délai au sens de l’art. 94 CPP, la défense obligatoire est une condition indispensable pour faire exception à l’imputation de la faute grave de l’avocat·e à son·sa mandant·e.

Faits

En 2017, un homme décède à son domicile. Quelques heures auparavant, il avait consulté un médecin en raison de problèmes respiratoires et de douleurs aux poumons. Il était rentré chez lui sans recevoir aucune médication.

Par ordonnance pénale du 20 mai 2021, le Ministère public neuchâtelois condamne le médecin pour homicide par négligence à une peine pécuniaire avec sursis. L’ordonnance pénale lui est notifiée le lendemain, au domicile de son conseil.

Par courrier daté du 1er juin 2021 et remis à la Poste le lendemain, le médecin explique que son conseil avait signé une opposition à l’ordonnance pénale en date du 28 mai 2021, mais qu’à la suite d’une erreur de secrétariat, la lettre n’avait pas été postée. Il demande donc une restitution du délai d’opposition (art. 94 CPP) et déclare former opposition à l’ordonnance pénale.

Le Ministère public rejette la demande de restitution du délai d’opposition, ce que confirme l’Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois.… Lire la suite

La prolongation d’une mesure de surveillance secrète

ATF 149 IV 35 | TF, 29.11.2022, 1B_282/2022*

En matière de mesures de surveillance secrètes, le ministère public doit déposer une demande de prolongation motivée avant l’expiration de la durée autorisée (art. 274 al. 5 CPP). Lorsqu’une demande de prolongation est déposée tardivement, les données enregistrées entre la fin de la durée de surveillance autorisée par le tribunal des mesures de contrainte et la réception de la demande de prolongation par le tribunal des mesures de contrainte sont inexploitables. 

Faits

En automne 2017, le Ministère public du canton de Genève ouvre une instruction contre quatre membres d’une même famille pour soupçon de traite d’êtres humains (art. 182 CP). Il leur est reproché d’exploiter leur personnel de maison.

Afin d’évaluer les conditions de traitement du personnel, le Ministère public ordonne la pose de caméras à l’extérieur de l’habitation, de telle façon que les allées et venues des employés ainsi que leur liberté de mouvement puissent être observées (art. 280 let. b CPP).

Par ordonnance du 17 novembre 2017, le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) autorise cette mesure technique de surveillance secrète jusqu’au 20 février 2018.

Le 21 février 2018, soit un jour après l’expiration de la durée autorisée par le TMC, le Ministère public requiert une nouvelle fois la prolongation de la mesure secrète.… Lire la suite