Le transfert de fonds d’origine criminelle à l’étranger n’est en soi pas constitutif de blanchiment d’argent

ATF 144 IV 172 | TF, 16.03.2018, 6B_453/2017*

Le fait de transférer à l’étranger des valeurs patrimoniales provenant d’un crime n’est en soi pas constitutif d’un blanchiment d’argent.

Faits

En première comme en deuxième instance cantonale, un prévenu est reconnu coupable de plusieurs infractions d’escroquerie par métier, de faux dans les titres, de gestion déloyale et de blanchiment d’argent pour avoir durant plus de 5 années détourné des fonds qui lui avaient été confiés par des investisseurs.

Concernant le blanchiment d’argent, les autorités cantonales ont considéré que cette infraction était réalisée par le fait que le prévenu avait transféré une partie des fonds litigieux vers l’étranger. En effet, selon le Tribunal cantonal de Lucerne, de ce simple fait, la traçabilité de l’argent était rendue plus difficile car le paper trail devenait plus long.

Le prévenu recourt contre sa condamnation pour blanchiment d’argent au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si un transfert de fonds vers l’étranger est constitutif d’une infraction de blanchiment d’argent.

Droit

Le Tribunal fédéral considère préalablement que la décision attaquée ne remplit pas les exigences de l’art. 112 al. 1 let. b LTF. Selon cette disposition, les décisions qui peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral doivent contenir les motifs déterminants de fait et de droit.… Lire la suite

Les exigences de la CEDH pour transformer une peine privative de liberté en une mesure institutionnelle (art. 65 CP)

CEDH, 09.01.18, affaire Kadusic c. Suisse (no 43977/13)

Pour que la conversion d’une peine privative de liberté en mesure au sens de l’art. 65 CP soit conforme aux exigences de la CEDH, il faut un lien de causalité suffisant entre le jugement initial et le prononcé de la mesure ultérieure. A ce titre, les Etats parties peuvent se fonder sur un motif de révision, mais l’aliénation d’une ampleur légitimant l’enfermement doit avoir été établie de manière probante par une expertise récente et le prévenu doit être incarcéré dans un établissement adéquat. Une expertise remontant à plus de 1.5 ans est trop ancienne pour justifier une mesure. 

Faits

En 2005, le Tribunal pénal de Bâle-Ville condamne un prévenu à 8 ans de prison ferme, notamment pour brigandage et mise en danger de la vie d’autrui. En octobre 2007, l’autorité administrative rend un rapport qualifiant le prévenu de dangereux et requiert une expertise. En septembre 2008, le psychiatre mandaté relève que le prévenu souffre de troubles de la personnalité qui existaient déjà au moment de la commission des infractions et que le risque de récidive est très défavorable. L’autorité administrative requiert du Tribunal d’appel le prononcé d’une mesure ultérieure basée sur l’art.Lire la suite

L’interruption de la prescription pénale en cas de qualification juridique différente des faits par l’autorité de recours

ATF 143 IV 450 | TF, 30.11.2017, 6B_275/2017*

La prescription de l’action pénale cesse de courir dès qu’un jugement de première instance est rendu (art. 97 al. 3 CP). Elle ne se rapporte pas à la qualification juridique de l’infraction, mais aux faits délictueux à la base de l’infraction. Si le premier juge retient une qualification juridique erronée et que celle-ci est annulée par l’autorité de recours, la prescription ne recommence plus à courir ; la seconde instance peut retenir une autre qualification juridique des faits sans se voir opposer la prescription. 

Faits

En 2013, le Tribunal de police genevois reconnaît un prévenu coupable de diffamation. Les faits constitutifs de l’infraction datent de 2010. Une procédure de recours s’ensuit auprès de la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice genevoise (« Chambre pénale  »), puis auprès du Tribunal fédéral, qui renvoie la cause à la Chambre pénale. En 2017, la Chambre pénale annule le jugement de première instance et reconnaît le prévenu coupable d’injure.

Le prévenu forme un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il considère que l’infraction d’injure est prescrite. Selon lui, la procédure pénale ouverte à son encontre ne portait que sur la diffamation, de sorte que le jugement de première instance n’a pas mis fin à la prescription pour l’infraction d’injure.… Lire la suite

Le devoir de priorité aux intersections

ATF 143 IV 500 | TF, 5.12.17, 6B_1300/2016*

Lorsqu’à un “Cédez le passage” précédant une intersection, la visibilité directe est nulle et qu’un véhicule apparaît dans le miroir routier, le débiteur de la priorité doit en principe s’arrêter et céder le passage au prioritaire conformément au signal, sans quoi il enfreint son devoir de priorité aux intersections et ne respecte pas la signalisation idoine (art. 36 al. 2, 27 al. 1 LCR et 36 al. 2 OSR).

Faits

A une intersection précédée par un signal “Cédez le passage”, à la droite duquel la visibilité est nulle hormis un miroir routier, deux véhicules entrent en collision malgré un freinage d’urgence du véhicule bénéficiaire de la priorité. Le débiteur de la priorité est notamment condamné pour violations simple et grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 et 2 LCR) par le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers.

Sur appel, le Tribunal cantonal neuchâtelois confirme le jugement de première instance en ce qui concerne le débiteur de la priorité. Celui-ci interjette alors recours au Tribunal fédéral, lequel doit notamment déterminer si le recourant a enfreint son devoir de priorité ou s’il peut se prévaloir du principe de la confiance.… Lire la suite

La confirmation de la jurisprudence Perinçek (CourEDH)

CourEDH, 28.11.2017, Affaire Mercan et autres c. Suisse, requête no 18411/11

La CourEDH confirme sa jurisprudence Perinçek (résumée in : LawInside.ch/182) et constate que la Suisse a violé l’art. 10 CEDH en condamnant pénalement pour discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP) une personne ayant affirmé que les massacres et déportations de 1915 ne constituaient pas un génocide.

Faits

En 2007, MM. Kemahli et Kayali organisent au nom de l’Association pour la pensée kémaliste une conférence à Winterthour. En vue de cet évènement, ils font imprimer des affiches portant l’inscription « Le génocide arménien est un mensonge international  » et invitent un orateur, M. Mercan. Lors de la conférence, celui-ci déclare que les massacres et déportations d’Arméniens commis par l’Empire ottoman en 1915 n’étaient pas constitutifs d’un génocide et que prétendre le contraire est un mensonge international et historique.

Quelques mois après les faits, le Tribunal de district de Winterthour reconnaît M. Mercan coupable de discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 CP et MM. Kemahli et Kayali de complicité de discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 cum 25 CP. Le Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral confirment ce jugement.… Lire la suite