Le séjour préalable en milieu ouvert n’est pas une condition impérative à l’octroi du travail externe

ATF 148 IV 292 | TF, 08.06.22, 6B_78/2022*

Le séjour préalable en milieu ouvert n’est pas une condition impérative à l’octroi du travail externe (art. 77a CP). En conséquence, un condamné qui n’a pas encore débuté l’exécution de sa peine peut se prévaloir de sa détention avant jugement pour demander que sa peine privative de liberté soit exécutée sous la forme de travail externe. 

Faits

En 2019, un homme est condamné pour escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée, gestion fautive, faux dans les titres et soustraction d’objets mis sous main de l’autorité à une peine privative de liberté de cinq ans et demi, sous déduction de la détention provisoire déjà subie.

En 2021, l’Office d’exécution des peines vaudois (OEP) convoque le condamné pour qu’il exécute sa peine en régime de détention ordinaire dès 2022. Le précité requiert de pouvoir exécuter le solde de sa peine sous le régime du travail et logement externes (art. 77a CP).

Considérant qu’un tel régime ne peut être octroyé qu’au condamné ayant déjà débuté l’exécution de sa peine, respectivement que le séjour préalable en milieu ouvert est une condition impérative de l’octroi d’un tel régime, l’Office d’exécution des peines vaudois (OEP), puis le Tribunal cantonal sur recours, refusent la demande du condamné.… Lire la suite

La condamnation d’un callcenter pour violation de la LCD

ATF 149 IV 1 | TF, 16.11.2022, 6B_978/2020*

Il appartient à l’exploitant d’un callcenter de vérifier la présence d’un blocage de publicité dans l’annuaire téléphonique. La confusion de bases de données téléphoniques relève d’un dol éventuel et non pas de la négligence en raison de la violation de diligence grave qu’elle constitue. La notion de relation commerciale est à interpréter de manière restrictive ; concernant des biens de consommation à durée de vie restreinte, la relation commerciale est rompue lorsque le client ne manifeste pas d’intérêt pendant une longue durée.

Faits

Une entreprise de télémarketing opère des centres d’appels téléphoniques (callcenter) à des fins de marketing et publicité. Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a reçu près de 50 plaintes concernant les appels provenant de l’un des centres d’appels de la société. Entre fin 2012 et 2014, le Ministère public bernois a dénombré 27 appels passés envers des particuliers qui avaient pourtant spécifié une renonciation à la publicité au moyen d’un astérisque dans l’annuaire téléphonique.

Le Ministère public bernois reproche au directeur du conseil d’administration de la société des infractions à la LCD pour méthodes de publicité et de vente déloyales. Les agissements des employés de l’entreprise lui sont imputables au sens de l’art.Lire la suite

L’emploi contre la volonté du détenu de sa rémunération pour couvrir ses frais médicaux et d’autres frais (art. 83 al. 2 et 380 al. 2 CP)

ATF 148 IV 346 | TF, 02.08.2022, 6B_820/2021*

Il n’est pas contraire aux art. 83 al. 2 CP et 380 al. 2 CP d’employer la rémunération d’un détenu de façon ciblée contre sa volonté à d’autres fins que de l’épargne ou du disponible. Un tel emploi doit néanmoins être prévu par une base légale et respecter le principe de la proportionnalité. Tel est le cas des règles intercantonales (art. 6 et 7 de la décision de la Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures relative à la rémunération des détenus) et cantonales (art. 59-61 RSPC/VD) à teneur desquelles 20 % de la rémunération du détenu est affectée à un compte réservé qui sert notamment au paiement de frais médicaux. Le prélèvement sur le compte disponible du détenu d’un montant correspondant aux frais de transfert provoqué par son comportement intentionnel est également admissible.

Faits

En avril 2019, un détenu du Pénitencier de Bochuz, au sein des Etablissements de la Plaine de l’Orbe (EPO), est transféré sur ordre de l’Office vaudois d’exécution des peines dans un autre établissement pénitentiaire hors du canton. L’autorité motive cette décision par l’absence de collaboration persistante du détenu avec les intervenant-es assurant sa prise en charge, son absence de respect des règlements et directives ainsi que son attitude condescendante et manipulatrice.… Lire la suite

Greffier et juge suppléant au sein du même tribunal : des fonctions incompatibles ?

ATF 149 I 14 | TF, 09.09.2022, 1B_420/2022*

La pratique zurichoise autorisant les greffiers d’un tribunal à siéger comme juges suppléants au sein du même tribunal viole le droit à un tribunal indépendant et impartial garanti par l’art. 30 al. 1 Cst. féd.. En effet, une telle pratique crée à tout le moins une apparence de partialité en raison de l’existence d’une hiérarchie informelle entre les membres de l’autorité décisionnelle. Le fait que les juges suppléants soient élus selon les mêmes modalités que les juges ordinaires et ne leur soient pas formellement subordonnés n’y change rien.

Faits

Un homme est arrêté le 22 juin 2022 en raison d’un fort soupçon d’abus de confiance. Par décision du 25 juin 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du district de Zurich ordonne sa détention provisoire en raison d’un risque de collusion.

Le détenu exerce un recours à l’encontre de cette décision auprès de l’Obergericht du canton de Zurich. Ce dernier informe le détenu de la composition du collège de trois juges ordinaires appelés à se prononcer sur son recours.

Par décision du 26 juillet 2022, l’Obergericht du canton de Zurich rejette le recours du détenu. Cette décision n’est toutefois pas rendue par le tribunal dans sa composition initiale.… Lire la suite

L’art. 224 CP et la théorie de la représentation

ATF 148 IV 247 | TF, 27.04.2022, 6B_795/2021*

Conformément à la théorie de la représentation, un danger collectif au sens de l’art. 224 CP peut être retenu en cas de mise en danger d’une seule personne ou d’une seule chose, à condition qu’elle n’ait pas été prise pour cible à l’avance mais soit atteinte par le seul effet du hasard, de sorte qu’elle apparaît comme une représentante de la collectivité.

Faits

En novembre 2018, un homme fixe une fusée pyrotechnique sur un radar semi-stationnaire de contrôle de la vitesse dans une localité et en allume la mèche. La détonation cause des dommages matériels à hauteur de plus de CHF 11’000 à l’installation.

Le Strafgericht de Bâle-Campagne le condamne pour dommages à la propriété (art. 144 CP). Sur appel du Ministère public, le Kantonsgericht confirme cette décision. Le Ministère public exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si les éléments constitutifs de l’infraction d’emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224 CP), en particulier la mise en danger d’autrui, sont réalisés.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler la teneur de l’art. 224 CP, selon lequel celui qui, intentionnellement et dans un dessein délictueux, aura, au moyen d’explosifs ou de gaz toxiques, exposé à un danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes, ou la propriété d’autrui, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins.… Lire la suite