Proposer de retirer un avis Google négatif en cas d’accord amiable, une tentative de contrainte ?

TF, 11.01.2022, 6B_150/2021

Le maintien en ligne d’un avis Google négatif ne constitue pas un désavantage sérieux apte à entraver la liberté de décision de la personne visée. Celle ou celui qui offre de retirer un tel avis moyennant accord financier ne se rend dès lors pas coupable de tentative de contrainte. 

Faits

Deux avocats, un associé et un collaborateur, représentent une cliente dans une procédure judiciaire. Ils ratent le délai de recours.

La mandante, très mécontente, publie sur Google l’avis suivant concernant l’étude d’avocat-e-s : “Moins cinq étoiles. Comportement très incompétent du chef en particulier. A manqué le délai d’appel et rejette la faute sur le client. Quand il s’est rendu compte de l’erreur, il envoie d’abord la facture. Au final, on se retrouve avec des milliers de francs de frais et d’honoraires… Je vais mettre tout le monde en garde ! ! !” (traduction libre).

Elle indique ensuite à ses avocats être disposée à retirer l’avis Google si un arrangement est trouvé concernant le paiement des honoraires.

L’un des associés fondateurs de l’étude, qui n’a pas été impliqué dans la procédure concernée mais dont le nom figure dans la raison sociale, porte plainte pénale. La cliente est acquittée en première instance, mais condamnée sur appel de l’avocat.… Lire la suite

Appel de marge et réalisation des actifs par la banque

TF, 24.01.2021, 6B_1381/2021

Une banque ne commet pas de gestion déloyale en reprenant pour son compte et à un prix inférieur au marché les positions d’un client n’ayant pas satisfait aux besoins en marge fixés préalablement dans un contrat execution only de négoce d’options et de futures. 

Faits

En 2015, un client conclut avec sa banque un contrat execution only de négoce d’options et de futures. Le contrat oblige le client à surveiller en permanence son compte afin de respecter les besoins en marge de la banque. Ceux-ci sont fixés par la banque en fonction du risque généré par la transaction ou de la stratégie envisagée par le client. Si les besoins en marge ne sont pas satisfaits, la banque peut réaliser les positions à sa libre appréciation, même à un prix défavorable.

En 2018, la banque informe le client d’une augmentation de ses besoins en marge et de la nécessité de fournir immédiatement des fonds supplémentaires (appel de marge). Le client n’ayant pas répondu, la banque réalise les positions du client en les reprenant dans ses livres et lui transmet une confirmation de transactions. Ce document indique que les positions ont été réalisées sur le marché boursier, mais ne mentionne pas qu’elles ont été reprises par la banque.… Lire la suite

L’acquittement des participants à une manifestation pacifique

CPAR, 17.12.2021, AARP/410/2021 et 23.12.2021, AARP/411/2021

L’art. 11 CEDH s’oppose à la condamnation de manifestant·e·s ayant pris part à une action pacifique sans commettre d’actes répréhensibles ou occasionner de perturbations de la vie quotidienne hors de proportion. Le blocage d’un axe routier secondaire constitue une perturbation proportionnée.

Faits

Dans chacun de ces deux arrêts, la Chambre pénale d’appel et de révision genevoise (« CPAR ») disposait d’un pouvoir de cognition limité par l’art. 398 al. 4 CPP et a retenu les faits suivants sur cette base.

L’arrêt AARP/410/2021 concerne une action menée devant les locaux d’une grande banque afin de dénoncer les investissements dans les énergies fossiles. La plupart des intervenant·e·s – dont les prévenu·e·s – étaient agenouillé·e·s devant une banderole, la tête recouverte par un sac en toile de jute. Après une sommation de la police, les intervenant·e·s ont quitté les lieux et entamé un défilé jusqu’à leur interpellation.

Condamnés à une amende de CHF 300 par le Tribunal de police genevois, les prévenu·e·s ont fait appel de ce jugement devant la CPAR.

L’arrêt AARP/411/2021 porte quant à lui sur les suites d’une manifestation sur le climat. Au terme de cette action autorisée, un groupe de 150 à 200 personnes – parmi lesquelles les prévenu·e·s – a continué à défiler sans autorisation, bloquant un axe routier secondaire pendant environ une heure et demie.… Lire la suite

Les données clients remises aux autorités américaines : un contournement de l’entraide pénale ?

ATF 148 IV 66 | TF, 01.11.2021, 6B_216/2020*

L’art. 271 al. 1 ch. 1 CP (actes exécutés sans droit pour un État étranger) trouve application lorsqu’une personne remet à une autorité étrangère des données non librement accessibles, alors que la remise de ces données devait avoir lieu par la voie de l’entraide ou de l’assistance internationale.

Droit

Dans le cadre du conflit fiscal entre la Suisse et les États-Unis, une société suisse de gestion de fortune constate qu’un certain nombre de ses clients ne sont pas déclarés auprès du fisc américain. Le président du conseil d’administration de la société se dénonce auprès du Department of Justice américain (DoJ) en vue d’un Non-Prosecution Agreement. Cette autorité refuse de déposer une demande d’assistance administrative ou judiciaire afin d’obtenir les dossiers des clients non déclarés.

Le président du conseil d’administration de la société se rend alors aux États-Unis. Il transmet une clé USB qui contient les noms de 109 clients au DoJ, sans avoir préalablement obtenu une autorisation au sens de l’art. 271 ch. 1 CP.

La FINMA dénonce l’administrateur au Ministère public de la Confédération (MPC). L’autorité pénale ouvre une procédure à son encontre pour violation de l’art.Lire la suite

Affaire Petrobras : proportionnalité de la confiscation et compatibilité avec l’accord de coopération (1/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Pour confisquer des valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) découlant d’un contrat conclu par corruption, le juge doit établir que, sans les pots-de-vin, les parties n’auraient pas conclu ce contrat. Le fait que l’intermédiaire ou ses sociétés ai(en)t fourni des prestations légales en sus d’actes de corruption ne s’oppose pas à la confiscation.

Le montant de la confiscation se détermine selon le principe du profit net (Nettoprinzip). Le seul fait que la corruption ait influencé l’appréciation d’un fonctionnaire ne permet pas de confisquer l’entier du profit net. Il convient d’estimer le montant à confisquer (art. 70 al. 5 CP) en se fondant sur l’ensemble des circonstances, conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Le prononcé d’une créance compensatrice, en plus de l’amende prévue dans un accord de coopération conclu entre la personne visée et les autorités étrangères dont le but est de restituer les gains, soulève des questions de compatibilité avec le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 lit. a CPP et art. 9 Cst.).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras.… Lire la suite