Les newsletters et le respect de l’art. 12 lit. d LLCA

TF, 28.11.2023, 2C_1006/2022*

L’envoi indifférencié de newsletters aux clients actuels et passés d’une étude, sans leur consentement et sans tenir compte des domaines pour lesquels ils s’étaient adressés à l’étude, ne remplit pas le critère d’intérêt général prévu à l’art. 12 lit. d LLCA.

Faits

Une étude d’avocat·es et de notaires envoie à deux reprises à une société une newsletter présentant des développements législatifs et jurisprudentiels récents, sans l’avoir contactée auparavant à ce sujet. L’avocat de la société saisit l’Ordre des avocats du canton du Tessin afin de l’interroger sur la compatibilité de cette démarche avec les règles professionnelles.

À la suite de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, l’Ordre des avocats condamne quatre avocat·es de l’étude susmentionnée à une amende disciplinaire de CHF 600 chacun·e pour violation de l’art. 12 lit. d LLCA. Saisi d’un recours, le Tribunale amministrativo tessinois annule et réforme cette décision, en ce sens que les avocat·es concerné·es ne font l’objet que d’un avertissement.

Les avocat·es exercent un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la compatibilité des faits reprochés avec l’art. 12 lit. d LLCA.

Droit

Aux termes de l’art.Lire la suite

Le niveau de planification requis par l’art. 16a al. 3 LAT

TF, 20.11.2023, 1C_526/2022*

L’art. 16a al. 3 LAT, permettant les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du développement interne d’une exploitation agricole, nécessite une planification d’affectation. La simple désignation d’une zone agricole spéciale au niveau de la planification directrice n’est pas suffisante.

Faits

Dans la commune genevoise de Bernex, des copropriétaires d’une parcelle en zone agricole exploitent une serre par le biais d’une entreprise. Cette dernière dépose une demande d’autorisation de construire auprès du Département cantonal du territoire (le DT), portant sur la surélévation de la serre existante et l’amélioration de l’ergonomie de travail.

Le DT délivre l’autorisation requise. Les propriétaires d’une parcelle située à proximité déposent un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance, qui le rejette. La Chambre administrative de la Cour de justice en fait de même.

Par la voie d’un recours en matière de droit public, les propriétaires de la parcelle voisine saisissent le Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à préciser le niveau de planification requis par l’art. 16a al. 3 LAT.

Droit

Les recourants font en particulier valoir une violation de l’art. 16a al. 3 LAT.… Lire la suite

Mécanisme subsidiaire d’indemnisation par l’État des victimes de traite d’êtres humains pour le dommage matériel et/ou purement économique (art. 19 al. 3 LAVI)

TF, 11.10.2023, 1C_19/2023*

L’art. 19 al. 3 LAVI exclut l’indemnisation du dommage matériel et/ou purement économique, y compris lorsque ce dommage prend la forme de salaires impayés de victimes de traite d’êtres humains. Cette situation n’est pas contraire au droit international, et plus précisément à l’art. 15 CETEH et à l’art. 4 § 2 CEDH.

Faits

Le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève alloue à un ressortissant ukrainien victime de traite d’êtres humains une somme de CHF 5’000.- à titre de réparation morale et une somme de CHF 12’543.- pour les salaires non perçus. Le coupable ayant disparu, le ressortissant ukrainien dépose une requête auprès de l’instance genevoise d’indemnisation LAVI concluant à l’allocation des deux montants. La direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud, autorité d’indemnisation LAVI compétente vu le lieu vaudois de commission de l’infraction, lui alloue CHF 4’000.- à titre de réparation morale et rejette sa demande d’indemnisation pour le salaire non perçu.

Sur recours, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois confirme la décision de l’autorité cantonale.

L’intéressé interjette alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si la victime de traite d’êtres humains, ne pouvant pas se tourner vers l’auteur de l’infraction, peut obtenir de l’État à titre subsidiaire une indemnisation pour les salaires impayés sur la base de l’art.Lire la suite

Exigibilité d’un chemin d’école enfantine pour un enfant de 4 à 6 ans

TF, 29.09.2023, 2C_562/2022

Les enfants qui fréquentent l’école enfantine sur une base volontaire ne bénéficient pas de la garantie de l’art. 19 Cst. Ils bénéficient uniquement des garanties prévues dans les lois cantonales. S’agissant du chemin de l’école, il n’est pas arbitraire de considérer qu’un enfant de 4 à 6 ans peut utiliser un transport public sans accompagnement, marcher sur une route principale sans véritable trottoir et traverser un pont à une seule voie sans surface de marche séparée, lorsque certaines mesures notamment d’instruction ont été prises.

Faits

Une enfant de 4 ans débute l’école enfantine dans le canton des Grisons. A cette occasion, elle reçoit une instruction pour le chemin d’école par le policier scolaire. S’agissant du chemin d’école, elle doit parcourir une distance de 250 m pour prendre le bus. Ensuite, le trajet en bus dure 8 minutes. Finalement, 350 m la séparent de l’école. Cette dernière partie du trajet ne dispose pas d’un trottoir conforme aux normes. En outre, les enfants sont accompagnés par un adulte durant les mois d’hiver.

Au vu de la dangerosité du chemin de l’école, les parents de l’enfant informent la direction de l’école qu’ils jugent l’instruction donnée insuffisante. La direction met en place une nouvelle instruction pour les enfants et les responsables légaux.… Lire la suite

“Détention organisationnelle” et responsabilité de l’État 

TF, 25.04.2023, 2C_523/2021*

Le placement temporaire d’une personne atteinte de troubles psychiques et définitivement condamnée à une mesure dans un établissement de détention avant son transfert dans un établissement adapté n’est autorisé qu’à titre exceptionnel, aussi longtemps que cela est nécessaire pour trouver un établissement approprié (détention dite “organisationnelle”). 

En l’espèce, la détention organisationnelle d’un prévenu pendant 17 mois, dans l’attente d’un placement dans un établissement approprié pour l’exécution de la mesure ordonnée, constitue une violation de l’art. 5 par. 1 let. e CEDH. Par conséquent, le prévenu a droit à une réparation (art. 5 par. 5 CEDH). 

Faits

Par jugement du 9 décembre 2014, le Tribunal régional de Berne-Mittelland ordonne à l’encontre d’un prévenu un traitement ambulatoire (art. 63 CP), celui-ci ayant été jugé irresponsable au moment des faits en raison d’une schizophrénie paranoïde.

En avril 2015, le prévenu est placé en détention provisoire en raison de soupçons de nouvelles infractions. Le 2 novembre 2015, le prévenu est placé en exécution anticipée de mesures (art. 236 CPP) à la prison de Thorberg, dans le canton de Berne. Par la suite, le prévenu est transféré dans divers établissements pénitentiaires, et notamment dans la prison de Burgdorf dès le 7 mars 2016 suite à des problèmes de comportement survenus à la prison de Thorberg.… Lire la suite