La répartition de l’indemnité de partie plaignante entre plusieurs prévenus

ATF 145 IV 268TF, 04.06.19, 6B_373/2019*

Malgré le texte de la loi, l’art. 418 CPP, qui régit la répartition des frais de la procédure pénale entre plusieurs personnes, s’applique également à la répartition de l’indemnité de la partie plaignante (art. 433 CPP).

Faits

Dans une même procédure, quatre prévenus sont reconnus coupables de vol, vol d’usage et d’induction de la justice en erreur. Deux autres prévenus sont uniquement condamnés pour vol. Le tribunal de police de Genève met à la charge de chacun des quatre prévenus 2/10 des frais judiciaires et de l’indemnité en faveur des parties plaignantes (art. 433 CPP). Les deux autres prévenus doivent supporter chacun 1/10 des frais et de l’indemnité. Les parties plaignantes forment appel en considérant que les indemnités de partie plaignante doivent être supportées solidairement entre tous les prévenus.

La Cour de justice rejette l’appel, de sorte que les parties plaignantes saisissent le Tribunal fédéral qui doit déterminer si les indemnités de partie plaignante peuvent être réparties solidairement entre les prévenus lorsque les frais judiciaires sont mis à la charge des prévenus proportionnellement.

Droit

Aux termes de l’art. 418 CPP, lorsque plusieurs personnes sont astreintes au paiement des frais, ceux-ci sont répartis proportionnellement entre elles (al.… Lire la suite

Isabelle d’Este et l’entraide judiciaire relative à un bien culturel

ATF 145 IV 294TF, 13.05.2019, 1C_447/2018*

Lorsqu’un État étranger requiert le transfert d’une œuvre exportée sans droit vers la Suisse, la condition de la double punissabilité requiert d’examiner si une telle exportation aurait également été punissable si elle avait été effectuée depuis la Suisse, ce qui implique l’inscription de l’œuvre dans un inventaire (art. 24 let. d LTBC). Par ailleurs, l’importation d’une œuvre en Suisse n’est pas punissable au sens de l’art. 24 let. c LTBC lorsqu’elle ne viole qu’une loi étrangère, et non un accord bilatéral. 

Faits            

Le Ministère public de Pesaro, en Italie, adresse à la Suisse une demande d’entraide judiciaire dans le cadre d’une poursuite dirigée contre plusieurs prévenus soupçonnés d’avoir transféré à l’étranger des peintures présentant un intérêt artistique et historique sans disposer des autorisations adéquates. Dans ce cadre, le Portrait d’Isabelle d’Este, attribué à Léonard de Vinci, est saisi à Lugano le 9 février 2015.

En mai 2018, le Ministère public du canton du Tessin ordonne le transfert du tableau à l’Italie sur la base d’un jugement italien prononçant la confiscation de l’œuvre et condamnant l’une des prévenues à une peine de prison. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral ayant rejeté le recours de cette dernière (RR.2018.182), elle recourt devant le Tribunal fédéral.… Lire la suite

La poursuite en Suisse de la succession soumise au droit anglais

ATF 145 III 205 | TF, 10.05.2019, 5A_488/2018*

Le personal representative (administrator) de droit anglais s’apparente à l’exécuteur testamentaire de droit suisse et non au liquidateur officiel de la succession. Partant, la désignation d’un personal representative ne fait pas obstacle à la poursuite individuelle du défunt selon l’art. 49 LP.

Faits

Le Tribunal de première instance de Genève ordonne le séquestre des avoirs bancaires suisses d’un résident britannique. Ce dernier décède en cours de procédure de validation du séquestre.

La High Court of Justice compétente en Grande-Bretagne fait savoir que l’administration de la succession est dévolue ex lege au représentant personnel (personal representative) du défunt. Le Tribunal de première instance de Genève reconnaît et déclare exécutoire cette décision.

Le représentant personnel du défunt demande à l’office des poursuites de constater la caducité du séquestre et de lever celui-ci, au motif que sa désignation est analogue à celle d’un liquidateur officiel et que la succession ne peut dès lors plus faire l’objet d’une poursuite individuelle. L’office rejette cette requête et maintient le séquestre. Le représentant forme une plainte (art. 17 LP) contre cette décision, sans succès.

Il recourt auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la qualité de personal representative de droit anglais correspond à celle du liquidateur officiel de droit suisse, auquel cas la succession ne pourrait plus faire l’objet d’une poursuite individuelle (art.Lire la suite

L’opting out en arbitrage signé par l’ancien secrétaire général de la FIFA

ATF 145 III 266 | TF, 07.05.2019, 4A_540/2018*

Les parties à un arbitrage interne peuvent convenir d’un opting out sans devoir mentionner expressément l’exclusion de l’application du CPC ; il suffit que la volonté commune d’une telle exclusion ressorte clairement des termes écrits utilisés par les parties.

Faits

Le 7 octobre 2015, la Chambre de jugement de la Commission d’éthique de la FIFA suspend provisoirement Jérôme Valcke, ancien secrétaire général de la FIFA, de ses fonctions avant de lui interdire, par décision finale, toute activité en lien avec le football.

Après avoir contesté cette décision devant la Commission de recours de la FIFA, Jérôme Valcke interjette appel auprès du Tribunal arbitral du sport. Celui-ci envoie aux parties une ordonnance de procédure qui prévoit notamment que “the provisions of Chapter 12 of the Swiss Private International Law Statute (PILS) shall apply, to the exclusion of any other procedural law“. Tant Jérôme Valcke que la FIFA la signent sans réserve.

Après s’être fait débouter par le TAS, Jérôme Valcke forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral qui doit notamment préciser la validité de l’opting out en faveur du chapitre 12 de la LDIP.

Droit

Jérôme Valcke invoque principalement le fait que l’opting out en faveur du chapitre 12 de la LDIP n’est pas valable puisqu’il n’exclut pas expressément l’application de la troisième partie du CPC, mais seulement “to the exclusion of any other procedural law“.… Lire la suite

Gmail est-il un service de télécommunications ?

CJUE, 13.06.2019, C-193/18 (Google LLC vs Bundesrepublik Deutschland)

Gmail n’est pas un “service de télécommunications” au sens de la législation européenne pertinente, et n’est donc pas soumis aux devoirs imposés par celle-ci.

Faits

En Allemagne, Google exploite d’une part sa propre infrastructure de réseau, reliée à Internet, et d’autre part son moteur de recherche et un service de messagerie (Gmail) qui fonctionnent au moyen d’Internet.

La Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen rend une décision à l’encontre de Google considérant que Gmail est un service de télécommunications et l’enjoignant ainsi de se conformer à son obligation de déclaration prévue par l’art. 6 al. 1 de la Telekommunikationsgesetz allemande. Cette loi se fonde sur la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002 (telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009), laquelle vise essentiellement à règlementer l’infrastructure et l’offre des services de télécommunications en tant que prestations d’intérêt public.

Google s’oppose à cette décision sans succès et porte l’affaire jusqu’à l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen. Celui-ci saisit la CJUE d’une demande préjudicielle visant à clarifier la signification de la notion de “services de télécommunications”.… Lire la suite