La protection des agents infiltrés

ATF 143 I 310 | TF, 21.03.2017, 1B_118/2016*

Faits

Un couple est suspecté d’avoir tué son premier bébé et fait subir de graves lésions corporelles au second. Les suspects se refusent toutefois à toute déclaration. En cours d’instruction, le Ministère public ordonne une investigation secrète impliquant plusieurs agents infiltrés. Par la suite, un des prévenus démasque les agents infiltrés. Le Ministère public ordonne alors la perquisition du logement des prévenus, le séquestre de leurs appareils électroniques et la suppression des photos des agents infiltrés en leur possession. Un des prévenus conteste avec succès la licéité de ces mesures.

Sur recours du Ministère public, le Tribunal fédéral doit déterminer si la suppression des photos des agents infiltrés détenues par les prévenus était licite.

Droit

La perquisition du logement des prévenus, le séquestre de leurs appareils électroniques et la suppression des photos des agents infiltrés en leur possession portent atteinte à leur droit à la vie privée (art. 13 Cst. féd. et art. 8 CEDH), ainsi qu’à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst. féd.). Ces mesures doivent dès lors être conforme à l’art. 36 Cst. féd., soit (1) reposer sur une base légale suffisante, (2) être justifiées par un intérêt prépondérant, et (3) respecter le principe de la proportionnalité.… Lire la suite

La détermination de la liste de frais du défenseur d’office

ATF 143 IV 214 | TF, 10.04.17, 6B_824/2016*

Faits

Après un recours au Tribunal fédéral, le Tribunal cantonal condamne un prévenu pour avoir mis en danger la vie d’autrui à une peine privative de liberté de 28 mois. Il l’acquitte en revanche du chef de prévention de tentative de meurtre. Par décision séparée, il octroie une indemnité de CHF 110’000.- à son défenseur d’office pour la 2ème procédure devant le Tribunal cantonal. Le ministère public saisit le Tribunal fédéral et conclut à ce que le prévenu soit condamné pour tentative de meurtre. Il estime également que l’indemnité au défenseur doit s’élever à CHF 53’000.-. Le Tribunal fédéral est alors amené à clarifier les principes de rétribution de l’avocat d’office.

Droit

Selon la jurisprudence, l’avocat d’office dispose d’une créance de droit public contre l’Etat pour ses frais. Cette créance n’englobe pas toutes les opérations de l’avocat, mais seulement celles nécessaires pour la défense des intérêts du prévenu. Ce principe détermine l’ampleur qualitative et quantitative du travail du défenseur qui doit être en lien de causalité avec la défense des intérêts du mandant dans la procédure pénale et rester dans un rapport de proportionnalité. Pour fixer l’indemnité, l’autorité doit se baser sur le temps d’un avocat expérimenté possédant des connaissances approfondies en droit pénal et en procédure pénale et qui peut ainsi orienter son travail de manière efficiente.… Lire la suite

La langue de la procédure en matière pénale

ATF 143 IV 117 | TF, 13.02.2017, 6B_367/2016*

Faits

Le Ministère public notifie une ordonnance pénale à une prévenue de langue maternelle anglaise. Assistée de son avocat, elle s’y oppose. À la demande de la prévenue elle-même –  qui n’est alors plus assistée de son avocat – le Ministère public ajourne à deux reprises l’audience de comparution organisée pour statuer sur l’opposition.

Dûment convoquée à une nouvelle audience, la prévenue ne se présente pas. Par ordonnance sur opposition, le Ministère public constate le défaut de la prévenue. Il relève ainsi que son opposition à l’ordonnance pénale est réputée retirée (art. 355 al. 2 CPP).

Par courrier rédigé en anglais, la prévenue conteste cette décision auprès l’autorité de recours. Par courrier rédigé en français, celle-ci lui impartit un délai pour procéder en français. La prévenue ne donnant pas suite à ce dernier courrier dans le délai imparti, l’autorité de recours n’entre pas en matière sur le recours.

La prévenue recourt au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si l’autorité de recours aurait dû inviter la prévenue à redéposer ses écritures par un courrier en anglais et non en français.

Droit

Le Tribunal fédéral se réfère à l’art. 68 CPP aux termes duquel le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants doit être porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu’il comprend, même si celui-ci est assisté d’un défenseur (al.… Lire la suite

L’expulsion du locataire au bénéficie d’un sursis concordataire

ATF 143 III 173 | TF, 19.04.2017, 4A_52/2017*

Faits

Une société est locataire d’un bail commercial. Le bailleur somme sans succès la société d’acquitter des arriérés de loyers. Par la suite, le bailleur résilie le bail et initie une procédure sommaire en cas clairs (art. 257 CPC) devant le Tribunal des baux et loyers de Genève afin d’obtenir l’évacuation de la société des locaux (art. 267 al. 1 CO).

Durant la procédure, la société est mise au bénéfice d’un sursis concordataire provisoire, puis définitif, ce dont elle se prévaut afin d’obtenir la suspension de la procédure en évacuation (art. 297 al. 5 LP).

Le Tribunal des baux et loyers de Genève rejette la requête en suspension et condamne la société à l’évacuation des locaux. Ce jugement est confirmé par la Cour de justice genevoise.

La société agit par la voie du recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le sursis concordataire dont la société bénéficie a pour effet de suspendre la procédure en évacuation des locaux.

Droit

Les art. 293 ss LP relatifs à la procédure concordataire prévoient le sursis concordataire provisoire (art. 293a LP) et le sursis concordataire définitif (art.Lire la suite

L’investigation secrète et le droit de se taire

ATF 143 I 104 | TF, 21.03.2017, 1B_117/2016*

Faits

Un couple est suspecté d’avoir tué son premier bébé et fait subir de graves lésions corporelles au second. Les suspects se refusent toutefois à toute déclaration. En cours d’instruction, le Ministère public ordonne une investigation secrète impliquant plusieurs agents infiltrés. Cette mesure est validée par le Tribunal des mesures de contrainte. Une fois informé de l’investigation secrète, l’un des prévenus en conteste la licéité. Le Tribunal cantonal compétent lui donne raison et ordonne la destruction immédiate des preuves résultant de l’investigation secrète.

Sur recours du Ministère public, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’investigation secrète viole le droit de se taire des prévenus.

Droit

A teneur de l’art. 285a CPP, il y a notamment investigation secrète lorsque des membres d’un corps de police nouent de manière trompeuse, sous le couvert d’une identité d’emprunt, des contacts avec des individus dans l’intention d’instaurer avec eux une relation de confiance afin d’élucider des infractions particulièrement graves. L’instance précédente a considéré que les conditions légales de l’investigation secrète (art. 286 CPP) étaient remplies. Selon l’arrêt contesté, l’investigation secrète était néanmoins illicite car elle violait le droit de se taire (art.Lire la suite