Le recours contre la décision de suspension et le préjudice irréparable

ATF 143 IV 175 | TF, 14.02.2017, 1B_401/2016*

Faits

Par ordonnance pénale, le Ministère public reconnaît un prévenu coupable de conduite malgré une incapacité de conduire et le condamne. Sur opposition du prévenu, le Ministère public maintient son ordonnance pénale, n’administre pas de preuves complémentaires et transmet le dossier au tribunal en vue des débats. Celui-ci suspend la procédure et renvoie l’accusation au Ministère public afin qu’il auditionne le prévenu.

L’autorité de deuxième instance déclare irrecevable le recours du Ministère public contre cette décision, faute de préjudice irréparable. Le Ministère public forme un recours en matière pénale contre cet arrêt d’irrecevabilité. Le Tribunal fédéral est ainsi amené à déterminer si la décision du tribunal de première instance de renvoi et de suspension était susceptible de causer un préjudice irréparable.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence en matière de recevabilité des recours contre les ordonnances, décisions, et actes de procédures des tribunaux de première instance (cf. not. ATF 140 IV 202). Selon cette jurisprudence, les décisions contre lesquelles un recours immédiat est exclu en vertu de l’art. 393 al. 1 let. b in fine CPP (en relation avec l’art. 65 al. 1 CPP) ne concernent non pas celles prises par la direction de la procédure, mais celles relatives à la marche de la procédure.… Lire la suite

Un contrat de crédit-cadre peut-il constituer une société simple ?

TF, 13.12.2016, 4A_251/2016, 4A_265/2016

Faits

Deux sociétés souhaitent acquérir un parc immobilier et fonder une société d’investissement à capital variable (SICAV). Elles se tournent vers une banque pour le financement. La banque reconnaît l’importance stratégique du projet et se dit prête à assurer sa prise en charge “par un groupe de projet bénéficiant des meilleures compétences de [son] organisation”. Elle décide ainsi d’octroyer le crédit et les parties signent à cet effet un contrat-cadre concernant les crédits sur gage immobilier portant sur un montant de 111 millions de francs. Outre la fourniture de plusieurs garanties, le contrat prévoit que la banque fonctionnera comme directeur de fond et dépositaire. La banque amène même un investisseur supplémentaire qui participe au projet.

Par la suite, un litige surgit en lien avec les sûretés à fournir par les emprunteurs et la banque se refuse d’accorder la deuxième tranche du crédit et résilie le contrat de prêt avec effet immédiat. Les sociétés demandent alors à avoir accès à l’ensemble des documents en lien avec les sûretés, ce que la banque refuse. Les sociétés actionnent la banque en reddition de compte en invoquant en particulier l’art. 541 CO régissant le droit de tout associé d’être informé sur la marche des affaires sociales.… Lire la suite

Les voies de droit en matière de PLAFA et le procès équitable

ATF 142 III 732 | TF, 17.11.2016, 5A_738/2016*

Faits

La recourante est placée à des fins d’assistance dans une clinique psychiatrique thurgovienne. L’autorité cantonale de protection de l’adulte et de l’enfant prolonge le placement à des fins d’assistance le 2 juin 2016 et délègue à la clinique la compétence de libérer la recourante. Au mois d’août 2016, la clinique refuse une requête de libération. Le recours formé à l’encontre de cette décision est rejeté par l’autorité cantonale de protection de l’adulte et de l’enfant, puis par le tribunal cantonal.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral doit déterminer si le système de recours mis en place en Thurgovie en matière de placement à des fins d’assistance est compatible avec la garantie constitutionnelle et conventionnelle d’un procès équitable.

Droit

Le placement à des fins d’assistance (« PLAFA ») est régi par les art. 426 ss CC. Aux termes de l’art. 428 CC, l’autorité de protection de l’adulte est compétente pour ordonner le placement d’une personne ou sa libération. Elle peut, dans des cas particuliers, déléguer à l’institution sa compétence de libérer la personne concernée. En cas de refus de la libération par l’institution, la personne concernée peut en appeler au juge  (art.Lire la suite

Le droit d’être entendu des parents nourriciers (art. 300 al. 2 CC)

ATF 143 III 65 | TF, 17.07.2017, 5A_299/2016*

Faits

Un enfant est placé auprès de parents nourriciers et se voit attribuer une curatrice. A la suite du déménagement de la mère de l’enfant, une nouvelle autorité de protection de l’enfant devient compétente. Cette dernière propose le changement de curatrice, ce que la mère de l’enfant accepte. L’autorité de protection de l’enfant nomme alors une nouvelle curatrice. Les parents nourriciers ne sont pas consultés et s’opposent au changement. Ils saisissent le Tribunal cantonal puis le Tribunal fédéral en faisant valoir la violation de l’art. 300 al. 2 CC qui prévoit que « les parents nourriciers seront entendus avant toute décision importante ». Le Tribunal fédéral doit alors déterminer dans quelle mesure les parents nourriciers doivent être entendus avant le changement d’un curateur.

Droit

Dans la mesure où les parents nourriciers connaissent souvent mieux l’enfant que les parents biologiques, l’art. 300 al. 2 CC garantit que les parents nourriciers peuvent exposer la situation à l’autorité de protection avant qu’elle prenne une décision. Cette prérogative est cependant limitée aux décisions importantes et restreint ainsi le droit d’être entendu des parents nourriciers. Il faut que la décision soit importante pour l’enfant et non pas pour les parents nourriciers.… Lire la suite

Les frais suisses de la procédure pénale classée à l’étranger

ATF 143 IV 91 | TF, 13.12.2016, 6B_1217/2015*

Faits

Un ressortissant allemand fait l’objet d’une instruction pénale dans le canton de Zug. A la suite du déménagement du prévenu en Allemagne, les autorités pénales allemandes assument la poursuite et la procédure suisse est suspendue. Ultérieurement, les autorités allemandes classent la procédure faute de preuves suffisantes. Le Ministère public zougois classe à son tour la procédure en Suisse et met l’entier des frais à la charge du prévenu. Ce dernier recourt contre la mise des frais à sa charge et obtient partiellement gain de cause devant l’instance de recours cantonale.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer si, en matière d’entraide pénale internationale, une décision de classement des autorités étrangères ayant assumé la poursuite pénale fait obstacle à la mise des frais en Suisse à la charge du prévenu.

Droit

Entre la Suisse et l’Allemagne, ce sont en première ligne la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ), son deuxième Protocole additionnel, ainsi que l’Accord bilatéral Suisse-Allemagne y relatif qui s’appliquent s’agissant de l’entraide en matière pénale. Ces différentes bases légales ne traitent pas expressément de la situation où un Etat assume la poursuite pénale à la place d’un autre Etat et ne déterminent en particulier pas si les frais suisses d’une procédure assumée par un Etat étranger peuvent être mis à la charge du prévenu nonobstant la décision étrangère de classer la procédure.… Lire la suite