Articles

L’anti-suit injunction et le Règlement Bruxelles I

CJUE, aff. C-536/13, ECLI:EU:C:2015:316 (Gazprom)

Faits

La société Gazprom a conclut une convention d’actionnaires avec E.ON GmbH et le fond lituanien Lietuvos Respublika. Cette convention contenait une clause arbitrale selon laquelle « tous les litiges, les désaccords ou les objections liées au présent accord ou à sa violation, à sa validité, à son entrée en vigueur ou à sa résiliation sont définitivement résolus par voie d’arbitrage ».

Lietuvos Respublika a introduit une requête devant le tribunal régional de Vilnius visant à l’ouverture d’une enquête sur les activités de la société Lietuvos dujos, dont certains directeurs ont été nommés par Gazprom.

Considérant que la requête de Lietuvos Respublika violait la clause arbitrale, Gazprom a déposé une demande d’arbitrage auprès de la chambre de commerce de Stockholm. Une fois le Tribunal arbitral constitué, Gazprom lui a demandé d’ordonner à Lietuvos Respublika de retirer sa requête déposée auprès du tribunal régional de Vilnius, en raison du fait que les parties se sont engagées dans la clause arbitrale à soumettre leurs litiges à un tribunal arbitral.

Le Tribunal arbitral a rendu une sentence dans laquelle il a constaté la violation partielle de la clause arbitrale et a ordonné à Lietuvos Respublika de retirer sa requête déposée auprès du tribunal national (anti-suit injunction).… Lire la suite

Le droit d’être entendu sur des questions de droit

TF, 15.04.2015, 4A_554/2014

Faits

Une société française conclut un contrat soumis au droit français avec une société américaine. Selon cet accord, la société américaine doit fournir une assistance générale et une assistance particulière (projet par projet) à la société française. L’assistance particulière doit être fournie seulement après que les parties ont signé un document spécifique intitulé « fiche d’application ». Le contrat expire au 30 juin 2008, sous réserve d’une durée plus longue convenue entre les parties par une fiche d’application. Le contrat contient une clause arbitrale qui prévoit la désignation d’un arbitre selon les règles de la CCI et qui fixe le siège à Genève.

En avril 2008, la société française fait part de sa volonté de ne pas renouveler le contrat après son échéance. Néanmoins, en octobre de la même année elle signe des fiches d’application pour des projets qui avaient déjà été discutés par les parties.

Par la suite, la société américaine demande – en vain – à être payée pour ses prestations concernant ces projets. Elle ouvre alors une procédure arbitrale.

L’arbitre unique admet la demande et condamne la société française au payement de la rémunération litigieuse. Il retient que les parties ont reconduit tacitement le contrat.… Lire la suite

Les frais et dépens dans une procédure arbitrale

TF, 03.03.2015, 4A_536/2014

Faits

Un contrat de travail liant un employé à son employeur contient une convention d’arbitrage, laquelle dispose que les coûts d’une éventuelle procédure arbitrale sont mis à la charge de l’employeur. Après avoir résilié son contrat de travail, l’employé ouvre une procédure arbitrale. Dans sa sentence, l’arbitre unique met les frais du Tribunal arbitral et les dépens à la charge de l’employeur.

Celui-ci exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral en invoquant un octroi arbitraire des frais et dépens.

Le Tribunal fédéral doit alors trancher la question de la portée de l’art. 393 let. e CPC comme motif de recours contre un prétendu octroi arbitraire des frais et dépens.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que l’art. 393 let. e CPC prévoit un moyen de recours contre une violation de droit matériel, et non procédural. Or, la répartition des frais et dépens est une question de droit de procédure. Le recourant aurait donc dû invoquer, par analogie avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, une violation de l’ordre public procédural, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce.

Le recours n’est ainsi pas recevable.… Lire la suite

Deux clauses arbitrales contradictoires

TF, 20.02.2015, 4A_390/2014

Faits

A. SA et B. SA concluent trois contrats le même jour : le premier, “A. Contract”, contient une clause d’arbitrage qui renvoie au règlement de la CCI, le deuxième, “Debt Transfer Agreement”, contient une clause d’arbitrage en faveur de la Chambre de Commerce zurichoise, et le dernier, “Memorandum of Understanding”, ne contient aucune convention d’arbitrage.

Après l’apparition d’un différend, A. SA introduit une action devant la CCI contre B. SA en se basant sur les trois contrats. Le Tribunal arbitral se considère cependant incompétent concernant les demandes de A. SA qui proviennent du “Debt Transfer Agreement”. A. SA introduit alors un recours en matière civile afin que le Tribunal fédéral statue sur la compétence du Tribunal arbitral concernant ce deuxième contrat.

A. SA soutient que les contrats forment une unité économique et juridique. Il serait donc inadéquat de résoudre des litiges qui proviennent des deux premiers contrats par des tribunaux arbitraux différents. De plus, le “A. Contract” contiendrait une clause qui prévoit explicitement que le “Debt Transfer Agreement” fait partie intégrale du “A. Contract”. Pour ces raisons, les litiges en lien avec les deux contrats devraient être résolues selon la clause d’arbitrage du “A. Contract”

Il se pose alors la question suivante : est-ce que la CCI est compétente concernant les prétentions qui découlent du deuxième contrat, bien que ce dernier ne contienne pas de convention d’arbitrage prévoyant la compétence de la CCI, mais expressément celle de la Chambre de Commerce zurichoise ?… Lire la suite

La récusation de l’arbitre

TF, 14.01.2015, 4A_598/2014

Faits

A. et B. concluent une convention nommée “Promesse de Vente d’actions De la société C. SA”. A. est le fondateur principal, actionnaire majoritaire et CEO de cette société C. SA. Cette convention contient une clause d’arbitrage qui prévoit l’application du règlement d’arbitrage des Chambres suisses de Commerce (la Chambre) avec arbitre unique.

Un différend naît quant à l’exécution du contrat et B. saisit alors la Chambre, laquelle nomme, conformément à l’art. 7 al. 3 du règlement d’arbitrage, un arbitre unique. Deux jours après avoir appris la nomination de cet arbitre, A. invoque un conflit d’intérêts avec ce dernier et propose qu’il se récuse. En effet, cet arbitre avait été avocat lors d’une procédure contre la société Y., dont A. était l’administrateur unique. D’après A., il avait alors été directement confronté à l’arbitre et il y aurait eu des “échanges de propos vifs, pour ne pas dire plus…”

Conformément à l’art. 11 al. 2 du règlement d’arbitrage, la Chambre est compétente pour décider si l’arbitre est récusé, récusation qu’elle refuse en l’espèce. A. saisit, à la fin de la procédure, le Tribunal fédéral d’un recours en matière civile.

Le Tribunal fédéral doit alors trancher la question suivante : dans quelle mesure un arbitre, qui a été un avocat lors d’une procédure intentée contre une société administrée par une partie actuelle à la convention, doit-il se récuser ?… Lire la suite