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La déclaration de compensation devant le Tribunal fédéral

TF, 25.09.2023, 4A_428/2022*

Pour qu’une objection de compensation soit prise en compte par le Tribunal fédéral, elle doit avoir fait l’objet d’une déclaration devant une instance précédente.

Faits

Une société active dans la promotion immobilière et son actionnaire unique concluent, en qualité d’apporteurs, un contrat de base (Grundvertrag) avec un tiers. Les parties conviennent de réaliser deux quasi-fusions ; les apporteurs devant céder à une société appartenant au tiers deux sociétés immobilières, l’une déjà existante, l’autre devant être créée.

En 2014, dans le prolongement du contrat de base, les apporteurs conviennent avec la société appartenant au tiers deux contrats d’apport en nature aux termes desquels la société du tiers reçoit les parts des deux sociétés immobilières moyennant le paiement d’un prix. Ces deux contrats d’apport prévoient que des droits et obligations qui en découlent ne peuvent être cédés que moyennant l’accord écrit préalable des parties. Malgré cette clause de restriction de cessibilité, en 2016, les apporteurs cèdent à une fondation panaméenne des créances dont ils disposent contre la société appartenant au tiers au titre des deux contrats d’apport.

En 2017, les apporteurs et le tiers conviennent d’un contrat de liquidation (Erledigunsvertrag) aux termes duquel ils nomment une experte arbitre pour l’établissement d’un décompte final.… Lire la suite

La prescription applicable à l’action en responsabilité contre l’assurance de protection juridique

TF, 21.02.2023, 4A_22/2022*

Les prétentions en dommages-intérêts contre une assurance de protection juridique qui aurait violé son devoir de diligence par les conseils fournis se prescrivent selon l’art. 127 CO, et non selon l’art. 46 al. 1 LCA.

Faits

Le 5 juin 2015, l’Office AI du canton de Berne communique un préavis à un assuré, selon lequel il bénéficiera de trois quarts de rente d’invalidité. Représenté par l’entreprise d’assurance auprès de laquelle il avait contracté une protection juridique, l’assuré émet des objections au préavis. L’Office AI rend un nouveau préavis remplaçant et annulant le précédent, selon lequel il n’existe aucun droit à une rente d’invalidité. Toujours représenté par son assurance, l’assuré émet de nouvelles objections.

Par décision du 14 décembre 2015, l’Office AI refuse l’octroi d’une rente d’invalidité à l’assuré, expliquant avoir procédé à des investigations supplémentaires à la suite des objections formulées. Le 21 juin 2016, le Tribunal administratif bernois rejette le recours de l’assuré, représenté par son assurance.

Après l’échec de la requête de conciliation déposée le 14 mai 2020, l’assuré ouvre action contre l’assurance, concluant au paiement de CHF 30’000, intérêts en sus. Il considère que l’assurance aurait dû le rendre attentif aux risques liés à la formulation d’objections au premier préavis.… Lire la suite

L’interruption de prescription de l’action contractuelle en procédure pénale

ATF 148 III 401 | TF, 01.09.22, 4A_417/2021*

Le dépôt d’une plainte pénale et de conclusions civiles par adhésion (art. 122 al. 1 CPP) n’interrompt pas la prescription de l’action contractuelle.

Faits

Un patient consulte son médecin traitant en 2002 en raison d’un point dans la poitrine et d’une gêne respiratoire. Un examen radiologique suggère que le patient souffre d’une forme de cancer du poumon. Bien que d’autres examens seraient nécessaires pour vérifier cette hypothèse, le médecin traitant ne les ordonne pas. Entre 2002 et 2008, le patient consulte à plusieurs reprises son médecin traitant notamment pour des douleurs dans la poitrine. Un examen radiologique en 2009 révèle un cancer du poumon à un stade si avancé qu’une intervention chirurgicale n’est plus possible.

En juin 2011, le patient dépose une plainte pénale pour lésions corporelles graves par négligence et se constitue partie plaignante sans prendre de conclusions civiles chiffrées. Un mois plus tard, il décède en laissant derrière lui ses héritiers. En 2016, après être entrées en matière, les autorités pénales genevoises classent la plainte pénale du défunt, considérant qu’elle n’a pas été introduite à l’intérieur du délai de prescription pénale (alors de 7 ans), soit avant 2009.… Lire la suite

La prescription de l’action en rectification du certificat de travail

ATF 147 III 78 | TF, 28.12.2020, 4A_295/2020*

Le délai de prescription spécial prévu à l’art. 128 ch. 3 CO s’applique uniquement en lien avec des créances de salaire. Ainsi, l’action en délivrance, respectivement en rectification du certificat de travail, est soumise au délai de prescription général de dix ans selon l’art. 127 CO.

Faits

En 2007, une société avec siège sur l’Ile de Man engage un employé en tant que human resources organisational development manager. Les rapports de travail sont résiliés avec effet au 31 août 2011.

Sur réquisition de poursuite formée par l’employé fin août 2016, un commandement de payer est notifié à la société au siège de sa succursale à Genève pour un montant d’environ CHF 320’000 plus intérêts. Ce montant résulte de créances émanant du contrat de travail. La société forme opposition au commandement de payer.

Le 13 décembre 2017, l’employé dépose une requête de conciliation. À la suite de l’échec de la conciliation, l’employé saisit le Tribunal des prud’hommes du canton de Genève afin d’obtenir le paiement de la somme précitée ainsi que la rectification de son certificat de travail. Le tribunal limite la procédure à la question de la prescription des prétentions de l’employé et retient que le délai de prescription a été valablement interrompu par la réquisition de poursuite de l’employé.… Lire la suite

La prime de succès de l’avocat est-elle valable ?

TF, 12.11.2020, 4A_512/2020

Un avocat ne peut pas s’attribuer unilatéralement une prime de succès sans en informer préalablement sa cliente, même si cela devait correspondre à un “usage” ou une “pratique”.

Faits

Un avocat genevois est contacté par une société anglaise de conseil juridique. Cette société représente plusieurs plaignants américains qui avaient été victimes d’une fraude financière orchestrée par un individu basé en Angleterre.

Grâce à un jugement anglais ordonnant la restitution en faveur des plaignants américains d’environ USD 16’500’000 déposés et séquestrés pénalement auprès d’une banque genevoise, l’avocat genevois sollicite et obtient des séquestres civils. Après le rejet des plaintes de l’escroc, l’avocat transfère le montant encaissé après avoir déduit CHF 750’000 d’honoraires, dont une prime de succès (success fee) de CHF 520’000.

La société anglaise conteste immédiatement la note d’honoraires en soutenant que la prime de succès, d’environ 3,5 % du montant recouvré, n’avait jamais été convenue. Saisie par la société anglaise, la Commission genevoise en matière d’honoraires d’avocats considère que la prime de succès est disproportionnée et qu’elle devrait être réduite à 2,5 % du résultat, soit environ CHF 400’000.

La société anglaise ouvre action contre l’avocat genevois afin d’obtenir le remboursement de la prime de succès.… Lire la suite