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L’allocation des biens confisqués à l’assurance et la cession de créance à l’Etat

ATF 145 IV 273TF, 17.05.2019, 6B_1065/2017*

L’assurance qui a indemnisé le lésé peut se prévaloir de l’allocation prévue par l’art. 73 al. 1 let. b CP.

Malgré le texte clair de l’art. 73 al. 2 CP, le lésé n’a pas besoin de céder à l’État sa créance contre l’auteur de l’infraction pour se voir allouer les biens confisqués à l’auteur.

Faits

Une employée détourne des fonds au détriment des clients de la société pour laquelle elle travaille. Grâce à ces fonds, elle acquiert plusieurs riads au Maroc qui sont ensuite séquestrés dans le contexte d’une procédure pénale ouverte à son encontre.

Durant la procédure, l’assurance qui a indemnisé la société suite aux actes de l’employée est admise au procès en qualité de demanderesse au civil.

Le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne condamne l’employée pour gestion déloyale, la reconnaît débitrice envers l’assurance à hauteur de plus d’un million d’euros et sursoit à statuer sur les requêtes de l’assurance visant à ce que les biens séquestrés lui soient transférés.

Après que l’assurance a produit une cession de ses créances à l’encontre de la prévenue en faveur de l’État de Vaud, assortie néanmoins d’une condition résolutoire et d’une condition suspensive, le Tribunal correctionnel rejette les requêtes de l’assurance tendant à ce que la propriété des biens séquestrés lui soit transférée.… Lire la suite

L’action en dommages-intérêts du locataire après une contestation de résiliation infructueuse

ATF 145 III 143 | TF, 19.02.19, 4A_563/2017*

Un locataire ne peut pas intenter une action en dommages-intérêts contre le bailleur en invoquant une résiliation abusive (avec pour motif un prétendu besoin propre), alors qu’il a déjà contesté sans succès la résiliation selon l’art. 271 s. CO

Faits

Un bailleur et une locataire concluent un contrat de bail de durée indéterminée portant sur la location d’un appartement à Zurich.

En janvier 2013, le bailleur résilie le contrat de bail au moyen du formulaire officiel, sans indiquer de motifs. Peu après, un motif de résiliation – soit le besoin propre (Eigenbedarf) est communiqué à la locataire. Il est ensuite encore précisé à la locataire que c’est le fils du bailleur qui souhaite loger dans l’appartement avec sa famille.

La locataire conteste la résiliation devant les autorités de conciliation du district de Zurich. Selon la locataire, alors même que le motif de résiliation avancé serait le besoin propre, le réel motif serait le souhait de louer l’appartement à un prix plus élevé. Suite à l’échec de la conciliation, le bailleur ouvre action devant le Tribunal des baux de Zurich. Celui-ci constate par jugement que la résiliation n’est pas abusive et prolonge le bail de quelques mois.… Lire la suite

Le déni de justice et la responsabilité de l’Etat

ATF 144 I 318 | TF, 24.08.2018, 2C_34/2017*

L’art. 35 al. 1 let. b LAT ne constitue pas une norme protectrice invocable par un propriétaire foncier pour attaquer l’Etat en responsabilité lorsque ce dernier tarde à adopter un plan d’affectation. Néanmoins, une violation de l’art. 29 Cst. (déni de justice) peut constituer un acte illicite susceptible d’engager la responsabilité de l’État qui a tardé à statuer.

Faits

Une société possède deux grandes parcelles situées dans la commune de Rolle. En 1990, la commune adopte un plan général d’affectation prévoyant l’affection d’une de ces parcelles en zone agricole. La société s’y oppose avec succès auprès du Conseil d’État.

La commune entame alors diverses démarches afin de planifier l’affectation de son territoire et élaborer plusieurs projets. Le 24 octobre 2002, alors que la commune n’a toujours pas adopté de plan d’affectation, la société requiert formellement une élaboration d’un plan d’affectation limité à ses deux parcelles. La commune transmet des informations à la société mais ne statue pas sur sa requête.

La société saisit alors le département vaudois compétent qui constate un déni de justice (art. 29 Cst.) et fixe à la commune un délai au 31 octobre 2005 pour procéder à la planification relative à ces deux parcelles.… Lire la suite

Le recours de l’assureur privé contre le responsable du dommage (art. 72 al. 1 LCA et 51 al. 2 CO)

ATF 144 III 209TF, 07.05.2018, 4A_602/2017*

Le Tribunal fédéral change sa jurisprudence et retient que l’assureur dommages qui indemnise un lésé peut se retourner contre le responsable du dommage pour obtenir le remboursement du montant payé au lésé, et ce quel que soit le fondement de la responsabilité de l’auteur du dommage. Le recours de l’assureur se fonde exclusivement sur l’art. 72 al. 1 LCA, que le Tribunal fédéral interprète pour la première fois en ce sens que l’assureur est subrogé dans les droits du lésé à l’encontre de tout responsable du dommage. L’art. 51 al. 2 CO, qui instaure une hiérarchie entre les responsables en matière de solidarité, n’est plus applicable à l’assureur dommages.

Faits

Une personne se fait renverser par un bus et se blesse. La personne blessée est transportée à l’hôpital où elle reçoit des soins. Son assurance complémentaire privé prend en charge une partie des frais médicaux. La personne lésée cède à son assureur privé sa prétention en responsabilité à l’encontre de la société de bus. La société de bus est assurée auprès d’une assurance responsabilité civile. L’assureur privé de la personne lésée ouvre ainsi action en paiement contre l’assureur responsabilité civile de la société de bus et réclame le remboursement de tous les frais médicaux que l’assureur privé a dû payer à la personne lésée.… Lire la suite

La responsabilité de la banque lors du gel d’avoirs en application de la LBA

ATF 143 III 653 | TF, 20.11.2017, 4A_455/2016*

Une banque qui, de bonne foi, bloque un compte d’un client en application de la LBA ne peut voir sa responsabilité engagée. La bonne foi étant présumée (art. 3 al. 1 CC), le client qui intente une action contre la banque doit ainsi prouver la mauvaise foi de cette dernière.

Faits

Un ressortissant syrien issu d’une famille influente ouvre un premier compte bancaire auprès d’une banque genevoise en 2000 et un second en 2004. Il est d’emblée considéré comme une personne exposée politiquement.

Le 27 avril 2011, alors que la situation en Syrie commence à se dégrader, le client ordonne à la banque de transférer l’ensemble de ses actifs auprès d’une autre banque sise à l’étranger. Le 9 mai 2011, la banque genevoise informe le client qu’elle n’est pas en mesure d’exécuter l’ordre avant d’avoir procédé à une clarification interne.

Le 18 mai 2011, le Conseil fédéral adopte l’O-Syrie, laquelle prévoit le gel des avoirs de différentes personnes proche du régime syrien, dont fait partie le client. La banque bloque aussitôt les deux comptes bancaires. Le 25 juillet 2011, le client demande le déblocage de ses comptes au motif d’un achat de plusieurs parcelles de terrain pour le prix de EUR 3’000’000.… Lire la suite