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Les frais de l’opposition en matière d’aménagement du territoire et de constructions

ATF 143 II 467 – TF, 14.06.2017, 1C_266/2016*

Les frais de la procédure d’opposition en matière de planification ainsi qu’en matière d’autorisation de construire doivent en principe être mis à la charge de l’initiateur du projet et non de l’opposant. Ils peuvent exceptionnellement être mis à la charge de l’opposant, lorsque l’opposition apparaît d’emblée manifestement irrecevable ou manifestement infondée au point d’engager la responsabilité de l’opposant au sens de l’art. 41 CO. En revanche, le droit cantonal ne peut pas se contenter de prévoir que l’opposant qui succombe supporte les frais subséquents à une séance de conciliation s’il les a occasionnés sans nécessité.

Faits

Le Parlement de la République et canton du Jura modifie la réglementation de la répartition des frais relatifs aux procédures d’opposition en matière de permis de construire et de plans communaux. Les nouvelles dispositions de la loi cantonale sur les constructions et l’aménagement du territoire (LCAT/JU) prévoient que l’opposant supporte les frais relatifs à la séance de conciliation si l’opposition est manifestement irrecevable ou manifestement infondée. En cas d’échec de la conciliation, les frais subséquents sont mis à la charge de l’opposant qui succombe s’il les a occasionnés sans nécessité.

Après avoir contesté sans succès cette modification législative auprès de la Cour constitutionnelle, des citoyens du canton saisissent le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public pour faire annuler les dispositions litigieuses.… Lire la suite

La responsabilité de l’avocat d’office

ATF 143 III 10 |TF, 16.12.2016, 4A_234/2016*

Faits

Après avoir quitté son travail, une employée du CHUV obtient le remboursement en espèces de sa prestation de départ auprès de la Caisse de pension de l’Etat de Vaud (CPEV). Quelques années plus tard, alors qu’elle travaillait comme employée de maison, l’employée dépose une demande de prestations d’invalidité auprès de sa caisse de pension privée. Sa demande est refusée. Contre le refus, l’employée forme un recours. Un avocat est désigné avocat d’office pour la représenter durant la procédure. La décision de refus est confirmée par le Tribunal cantonal des assurances du Canton de Vaud. Sept ans plus tard, l’employée dépose une demande de rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle auprès de la CPEV. Celle-ci rejette la demande en invoquant la prescription. La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois, puis le Tribunal fédéral, confirment cette décision.

L’employée ouvre action en dommages-intérêts contre l’avocat d’office et lui réclame environ 1.5 millions de francs, correspondant aux montants des prestations d’invalidité qu’elle aurait dû percevoir si sa demande n’avait pas été prescrite. Le tribunal de première instance rejette la demande en considérant que, selon le droit cantonal vaudois, l’avocat d’office n’assume pas de responsabilité personnelle pour son manque de diligence.… Lire la suite

La nature de la décision de renvoi à agir devant le juge civil selon l’art. 126 al. 3 CPP

ATF 142 III 653 | TF, 30.08.2016, 4A_179/2016*

Faits

Alors qu’il conduit son scooter, un conducteur heurte un enfant âgé de 5 ans et le blesse gravement. Souffrant d’un problème d’hyperactivité, l’enfant est descendu soudainement du trottoir pendant qu’il marchait à côté de sa sœur âgée de 9 ans.

Le Tribunal de police du canton de Genève reconnait le conducteur coupable de lésions corporelles graves par négligence et, sur action civile de la mère et de la sœur de l’enfant, il le retient seul responsable de l’accident tout en renvoyant les parties plaignantes à agir sur le plan civil pour le surplus. En appel, le conducteur demande que sa responsabilité soit réduite à 70 %. Débouté, il saisit le Tribunal fédéral d’un recours en matière civile. À la forme, il se pose en particulier la question de savoir si le jugement par lequel le tribunal reconnait le principe de la responsabilité et renvoie la partie plaignante à agir devant les juges civiles constitue ou non une décision incidente. Au fond, il s’agit de déterminer le degré de responsabilité du conducteur.

Droit

Les décisions qui ne sont ni finales ni partielles sont des décisions incidentes ; il s’agit en particulier des prononcés par lesquels l’autorité règle préalablement et séparément une question juridique qui sera déterminante pour l’issue de la cause.… Lire la suite

L’illicéité de comportement en cas de violation des art. 163 ss CP

TF, 12.11.15, 5A_89/2015*

La première partie de cet arrêt, qui traite de la compétence du tribunal de commerce, a été résumé ici : http://lawinside.ch/146.

Faits

Une banque cantonale réclame 2 millions de francs à une société allemande qui aurait notamment fait de fausses factures à une société suisse en faillite afin de diminuer la masse soumise à l’exécution forcée. La banque fonde son action sur l’art. 41 CO. Dans la mesure où son dommage est purement économique, elle soutient que la société allemande se serait rendue coupable de la violation des art. 163 ss CP (crimes ou délits commis dans la faillite et la poursuite pour dettes), dispositions qui permettraient à son sens de fonder une illicéité de comportement. Le tribunal de commerce rejette cet argument et la banque saisit le Tribunal fédéral qui doit déterminer si les art. 163 ss CP peuvent fonder une illicéité de comportement (Schutznorm).

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que l’illicéité peut découler aussi bien d’une violation d’un droit absolu (illicéité de résultat) que de la violation d’une norme protectrice en cas de dommage purement économique (illicéité de comportement).

Dans deux arrêts anciens, le Tribunal fédéral avait considéré que les art.Lire la suite

La responsabilité de l’organe de révision

TF, 21.05.2015, 4A_26/2015

Faits

Différents clients d’une société anonyme en faillite ouvrent action en paiement de 15 millions contre la société de révision – également société anonyme, en liquidation – ainsi que contre son administrateur unique. Parallèlement, ce dernier est condamné pour faux dans les titres répété : pendant des années, il a attesté faussement la conformité des comptes de la société.

Le Bezirksgericht rejette la demande en considérant qu’il n’existe aucune norme qui protège les créanciers et que leurs prétentions doivent être reléguées après celles de la société. L’Obergericht zurichois constate que les créanciers se prévalent de leur propre dommage direct, après qu’une action intentée au nom de la masse en faillite de la société n’a pas abouti. Le tribunal admet ainsi la responsabilité de la société de révision en tant que telle. Concernant son administrateur, il exclut toute prétention des créanciers découlant de la responsabilité en sa qualité d’organe, mais laisse ouverte la question d’éventuelles prétentions délictuelles fondées sur la condamnation pour faux dans les titres et renvoie la cause à la première instance.

Agissant devant le Tribunal fédéral, la société de révision et son administrateur contestent l’arrêt cantonal en faisant valoir, d’une part, que l’administrateur ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les bilans soient utilisés envers des clients, et, d’autre part, que l’art.Lire la suite