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L’exploitabilité d’une vidéo à charge d’un policier

TF, 14.07.2020, 6B_53/2020

Un enregistrement vidéo illicite effectué par un particulier n’est pas exploitable lorsqu’au moment de l’enregistrement il n’existait aucun soupçon que le prévenu allait commettre une infraction.

Faits

Dans le cadre d’une enquête, un poste de travail d’un policier est perquisitionné. Il y est découvert une vidéo montrant l’un de ses collègues s’adressant en italien à un détenu avec les propos suivants :

“- Toi maintenant tu t’en vas. Si tu reviens ici, tu es mort.
– Tu es mort, si tu reviens ici. Compris ?
– Ne ris pas. Tu as cassé chez des amis à moi. Tu as volé chez des amis à moi. Tu as de la chance d’être chez la police et que je ne peux pas te taper. Si je te vois dehors, je te tranche la gorge, je te tape. Compris ?
– Pas espérons, je te tue. Je t’amène dans les caves et on te tabasse à mort.
– Géorgien de merde. Tu as de la chance d’être ici. OK ?”

Alors que le Tribunal de police acquitte le policier, la Cour de justice le condamne pour abus d’autorité. En effet, bien que la séquence vidéo a été enregistrée à l’insu du policier en violation de l’art.

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Les Dashcam en procédure pénale

Note du 20 décembre 2020 : cf. également l’arrêt “GoPro” 6B_1282/2019*

ATF 146 IV 226TF, 26.09.2019, 6B_1188/2018*

Une preuve recueillie à l’aide d’une Dashcam ne respecte pas le principe de reconnaissabilité et porte ainsi atteinte au droit de la personnalité des autres usagers de la route. 

Au regard du droit procédural, l’existence d’un éventuel motif justificatif ne saurait lever le caractère illicite de la preuve qui a été récoltée par un particulier en portant atteinte au droit de la personnalité. 

Dans une procédure pénale, une preuve recueillie de manière illicite (au sens du droit procédural) par un particulier n’est exploitable que pour élucider des infractions graves (application par analogie de l’art. 141 al. 2 CPP).

Faits

Le Bezirksgericht de Bülach condamne un prévenu pour violations simples et graves des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 et 2 LCR). Le prévenu recourt auprès de l’Obergericht de Zurich en invoquant le fait que les preuves provenant de la Dashcam (caméra embarquée) d’un particulier sont inexploitables puisqu’elles sont récoltées en violation de la LPD.

L’Obergericht de Zurich admet que la prise d’images par la Dashcam a porté atteinte au droit de la personnalité du prévenu et que l’intérêt du particulier ne justifiait pas une telle prise d’image.… Lire la suite

L’exploitabilité d’une preuve recueillie à l’aide d’un système privé de vidéosurveillance

Appellationsgericht des Kantons Basel-Stadt, 11.04.2018, SB.2017.65

Les systèmes privés de vidéosurveillance qui enregistrent des lieux accessibles à tous sont généralement disproportionnés. Sauf exception, les preuves recueillies à l’aide de ces systèmes pour une procédure pénale sont ainsi illicites. Elles peuvent néanmoins être exploitées pour autant qu’elles auraient pu être obtenues légalement par les autorités pénales et qu’une pesée des intérêts justifie leur exploitation. 

Faits

Un prévenu est filmé par un système privé de vidéosurveillance alors qu’il raye, avec sa clef, le côté passager d’une voiture dans un lieu public. Le système de vidéosurveillance avait été installé par la partie plaignante en raison de l’utilisation de son conteneur par des inconnus pour éliminer des déchets.

Le prévenu est condamné pour dommage à la propriété à 45 jours-amende à CHF 30 et à des dommages-intérêts à hauteur de CHF 1’000 en faveur de la partie plaignante. La seule preuve retenue par le Tribunal consiste en l’enregistrement par vidéosurveillance effectué par la partie plaignante.

Le prévenu dépose un recours auprès de l’Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville, lequel doit déterminer si l’unique preuve est licite et, dans la négative, si elle est néanmoins exploitable.

Droit

L’art. 12 LPD prévoit que quiconque traite des données personnelles ne doit pas porter une atteinte illicite à la personnalité des personnes concernées.… Lire la suite

L’exploitabilité des pièces après l’échec d’une procédure simplifiée (art. 362 cum 141 CPP)

ATF 144 IV 189TF, 25.04.2018, 6B_1023/2017*

En application de l’art. 362 al. 4 CPP par analogie, les déclarations faites par les parties dans le cadre d’une procédure simplifiée qui n’aboutit pas ne sont pas exploitables. L’art. 141 al. 5 CPP trouve ainsi application : les pièces doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis détruites.

Faits

Dans le cadre d’une procédure ouverte notamment pour brigandage qualifié, le Ministère public central du canton de Vaud accepte la mise en oeuvre de la procédure simplifiée puis, environ un mois plus tard, constate qu’elle n’a pas abouti. Il retranche alors du dossier un procès-verbal d’une audition ayant eu lieu durant cette période et le conserve dans une chemise scellée sur laquelle il est indiqué “Procédure simplifiée, ne doit pas être ouvert, confidentiel”. Le prévenu est condamné par les deux instances cantonales à une peine privative de liberté de six ans.

Dans son recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, le prévenu soutient notamment que le Ministère public aurait proposé, dans le cadre de la procédure simplifiée, une peine de quatre ans et demi. Dès lors, selon le prévenu, le Ministère public aurait eu un comportement contraire à la bonne foi en requérant sept ans de peine privative de liberté devant les instances cantonales, sans aucune justification quant à l’écart entre la peine proposée dans le cadre de la procédure simplifiée et la peine requise.… Lire la suite

Le recours contre le refus du MP de retirer une pièce du dossier pénal

ATF 143 IV 475 | TF, 05.10.17, 1B_266/2017*

Si le prévenu (ou une autre partie) recourt au niveau cantonal contre la décision du ministère public de retirer ou de maintenir une pièce du dossier pénal, il n’a pas besoin de démontrer l’existence d’un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF.

Faits

Un prévenu mis en prévention pour escroquerie requiert du Ministère public de Bâle-Ville qu’il retire une pièce du dossier pénal car elle violerait les art. 140 s. CPP (moyen de preuve illicite). Contre la décision de refus du Ministère public, le prévenu saisit le Tribunal cantonal qui déclare irrecevable le recours stricto sensu, faute d’un préjudice irréparable. Le prévenu dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit clarifier les conditions pour attaquer une décision du Ministère public qui refuse d’écarter une pièce du dossier.

Droit

Le Tribunal fédéral constate que le CPP ne prévoit pas de régime particulier pour attaquer une décision de refus ou de maintien d’une pièce au dossier pénal. Le Tribunal cantonal de Bâle-Ville estime que pour entrer en matière sur le recours au sens de l’art. 393 CPP, le prévenu doit démontrer qu’il subit un préjudice irréparable si la pièce litigeuse était laissée au dossier.… Lire la suite