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La condamnation pour incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) et la liberté d’expression : le cas de la Grève du Climat

TPF, 03.07.2023, SK.2023.4

La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral acquitte trois militants climatiques prévenus de provocation et d’incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) après leur appel à la grève militaire. Une condamnation en raison de leurs propos, pacifiques et détachés de toute déprédation, serait disproportionnée et constituerait une violation de la liberté d’expression consacrée par la CEDH et la Constitution.

Faits

Le 11 mai 2020, un article au nom de la Grève du Climat est publié sur internet depuis le territoire suisse. Intitulé « L’Armée, je boycotte », il comprend notamment les passages suivants : « La Grève du Climat appelle à faire grève militaire. Par éthique, morale, responsabilité écologique et sociale, nous ne consentons pas à payer la taxe, ni à aller au service militaire » et « Si vous êtes appelé au service militaire, n’y allez pas ». L’article indique également que la Grève du Climat s’engage à tenter de soutenir les personnes qui recevraient des ordonnances pénales et autres répressions en lien avec cette action.

Un Conseiller national dépose une dénonciation contre inconnu auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) pour provocation et incitation à la violation des devoirs militaires (art.Lire la suite

Aide sociale (d’urgence) refusée à tort à la suite d’un refus de se soumettre à une expertise AI (art. 12 Cst.)

TF, 07.06.2023, 8C_717/2022*

Le refus de se soumettre à une expertise AI contribue certes à empêcher l’établissement d’un droit à des prestations de l’AI, mais ne justifie pas pour autant le refus de toute aide sociale, aide d’urgence incluse (art. 12 Cst.), car la perspective de toucher des prestations de l’AI ne constitue pas une ressource suffisante immédiatement disponible ou réalisable à court terme.

La question de savoir si l’aide d’urgence peut être réduite ou refusée en cas d’abus de droit reste ouverte, rien ne permettant en l’espèce de retenir que le recourant ait adopté un comportement abusif.

Faits

Bénéficiaire de l’aide sociale sur plusieurs périodes depuis plusieurs années, un administré voit sa demande de renouvellement de prestations refusée par l’Office de l’aide sociale et de l’intégration du canton du Tessin.

A l’appui de sa décision, cette autorité retient que l’administré a contrevenu au principe de subsidiarité de l’aide sociale par rapport aux autres prestations sociales (art. 2 al. 1 de la loi tessinoise sur l’assistance sociale [Las/TI]), au motif que, en s’abstenant à plusieurs reprises de se présenter à des expertises, il a empêché l’Office AI du canton de déterminer son droit à une rente d’invalidité.… Lire la suite

Le refus de transmission des photographies d’enfants à leur père incestueux en détention

ATF 149 I 161 | TF, 30.03.2023, 6B_1206/2021*

Il n’est pas contraire au droit fédéral qu’une autorité d’exécution d’une sanction pénale prenne certaines mesures aux fins de la protection de la personnalité d’enfants victimes d’infractions graves, pourvu que ces mesures n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire.

Faits

Un homme est reconnu coupable, notamment, d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle aggravée, de viol aggravé, de pornographie et d’inceste. Le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois le condamne à une peine privative de liberté de 18 ans.

La direction de la prison où le condamné purge sa peine l’informe avoir saisi trois courriers envoyés par sa mère et son frère, contenant de nombreuses photographies représentant des enfants, vraisemblablement les siens, soit des victimes pénales.

La direction de la prison précise par la suite dans une décision que les photographies seraient transmises au condamné en cas d’accord écrit de chaque victime pénale y figurant, respectivement de chaque curateur·ice muni·e d’un mandat de protection en leur faveur. Peu après, l’Office d’exécution des peines (OPE) interdit au condamné de prendre contact avec sa femme et ses enfants.

Sur recours, la Cheffe du Service pénitentiaire vaudois (SPEN) confirme la décision de la direction de la prison, de même que la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois.… Lire la suite

Le port du bracelet électronique et la liberté personnelle

ATF 149 III 193 | TF, 02.02.2023, 5A_881/2022*

Le port du bracelet électronique (art. 28c CC) doit respecter les conditions de l’art. 36 Cst. Il renforce la protection de la victime avec un effet dissuasif et permet d’apporter des preuves supplémentaires en cas de violation de la mesure ordonnée (art. 28b CC). Partant, il peut être ordonné même lorsqu’un risque que l’auteur passe néanmoins à l’acte subsiste.

Faits

La Présidente de la Section civile du Tribunal régional du Jura bernois-Seeland prononce le divorce de deux époux. Elle fait également interdiction à l’ex-époux de prendre contact avec son ex-épouse ainsi que d’approcher à moins de 300 mètres du domicile de celle-ci et de leurs enfants. L’ex-épouse dépose une requête d’exécution des mesures de protection en demandant que le port d’un bracelet électronique soit ordonné.

Les instances cantonales rejettent la demande au motif que la mesure de protection serait inadéquate au vu du comportement de l’ex-époux (mépris face aux injonctions des autorités et domicile inconnu, ce qui indiquait que le port d’un bracelet ne l’empêcherait pas de passer à l’acte). L’ex-épouse interjette alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le port du bracelet électronique est en adéquation avec le but visé par l’art.Lire la suite

L’interdiction des chauffages électriques et la garantie de la propriété

ATF 149 I 49 | TF, 23.03.2023, 1C_37/2022*

Une norme cantonale prévoyant l’interdiction des chauffages et des chauffe-eau électriques dès 2030 est compatible avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst).

Faits

Le 28 novembre 2021, les électeurs et électrices du canton de Zurich acceptent, à une majorité de 62 %, la modification de la loi cantonale sur l’énergie adoptée en avril 2021 par le Grand Conseil zurichois. Cette modification avait pour objectif l’adaptation de la loi au Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC), adopté par la Conférence des directeurs cantonaux en 2015.

En particulier, la modification de la loi comprend une interdiction des chauffages et des chauffe-eau électriques dès 2030, assortie de dispositions pénales pour les contrevenant·es.

Deux particuliers exercent un recours de droit public contre cet acte normatif cantonal auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’interdiction des chauffages et chauffe-eaux électriques dès 2030 est compatible avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst).

Droit

Lorsque la compatibilité d’un acte normatif cantonal avec le droit supérieur est en cause, l’élément déterminant est de savoir s’il est possible d’effectuer une interprétation conforme du premier par rapport au second. Le Tribunal fédéral n’annule une norme cantonale que si elle se soustrait à toute interprétation conforme au droit supérieur.… Lire la suite