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Le droit applicable à la prescription d’une créance constatée dans un jugement étranger

ATF 148 III 420 | TF, 02.08.2022, 5A_110/2021*

La prescription d’une créance constatée dans un jugement étranger est régie par le droit de l’État dans lequel le jugement a été rendu. L’application du droit étranger suppose toutefois que la réglementation étrangère en matière de prescription poursuive essentiellement les mêmes buts que la réglementation suisse.

Faits

En 2019, le Bezirksgericht Zürich prononce la faillite du débiteur d’un avocat. Dans le cadre de l’établissement de l’état de collocation, la créance de l’avocat est admise en troisième classe aux côtés de celle d’une banque. La créance de la banque se fonde sur un jugement rendu en 2013 par la Northampton County Court (Angleterre).

Le 5 février 2020, l’avocat forme une action en contestation de l’état de collocation dirigée contre la banque (art. 250 al. 2 LP). Il requiert que la production de la banque soit écartée, au motif que la créance constatée par jugement du Northampton County Court est prescrite.

Les instances cantonales rejettent successivement l’action introduite par l’avocat.

L’avocat interjette alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral, qui est amené à préciser sa jurisprudence relative à la prescription d’une créance fondée sur un jugement étranger.

Droit

À titre liminaire, le Tribunal fédéral relève que le jugement de la Northampton County Court a été déclaré exécutoire en 2018, de sorte que la créance de la banque doit être admise dans la procédure d’exécution forcée en Suisse.… Lire la suite

Gestation pour autrui à l’étranger et filiation (2/2) : l’établissement de la filiation face au principe ‘mater semper certa est’

ATF 148 III 245 | TF, 07.02.22, 5A_545/2020*

Lorsque, en cas de gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, la filiation de l’enfant avec les parents d’intention est analysée sous l’angle du droit suissele principe ‘mater semper certa est’ (art. 252 al. 1 CC) est applicable nonobstant la présence d’un lien génétique entre la mère d’intention et l’enfant né par GPA. Par conséquent, la mère porteuse est la mère juridique de l’enfant né par GPA de par la loi. Alors que le contrat de GPA peut constituer une reconnaissance d’enfant valable du père d’intention génétiquement lié à l’enfant, ce n’est pas le cas en ce qui concerne la mère d’intention génétiquement liée à l’enfant. La voie de l’adoption des enfants de son conjoint (art. 264c ss CC) en vue de l’établissement d’un lien de filiation lui est toutefois en principe ouverte.

Faits 

Un couple marié composé d’une ressortissante suisse et turque et d’un ressortissant turc conclut un contrat de gestation pour autrui (GPA) avec une femme géorgienne. En 2019, la mère porteuse donne naissance à des jumeaux issus d’un don de sperme de l’époux ainsi que d’un don d’ovule de l’épouse. En d’autres termes, chaque parent d’intention a un lien génétique avec les jumeaux.… Lire la suite

Les données clients remises aux autorités américaines : un contournement de l’entraide pénale ?

ATF 148 IV 66 | TF, 01.11.2021, 6B_216/2020*

L’art. 271 al. 1 ch. 1 CP (actes exécutés sans droit pour un État étranger) trouve application lorsqu’une personne remet à une autorité étrangère des données non librement accessibles, alors que la remise de ces données devait avoir lieu par la voie de l’entraide ou de l’assistance internationale.

Droit

Dans le cadre du conflit fiscal entre la Suisse et les États-Unis, une société suisse de gestion de fortune constate qu’un certain nombre de ses clients ne sont pas déclarés auprès du fisc américain. Le président du conseil d’administration de la société se dénonce auprès du Department of Justice américain (DoJ) en vue d’un Non-Prosecution Agreement. Cette autorité refuse de déposer une demande d’assistance administrative ou judiciaire afin d’obtenir les dossiers des clients non déclarés.

Le président du conseil d’administration de la société se rend alors aux États-Unis. Il transmet une clé USB qui contient les noms de 109 clients au DoJ, sans avoir préalablement obtenu une autorisation au sens de l’art. 271 ch. 1 CP.

La FINMA dénonce l’administrateur au Ministère public de la Confédération (MPC). L’autorité pénale ouvre une procédure à son encontre pour violation de l’art.Lire la suite

La notion d’établissement stable au sens de la LFAIE

ATF 147 II 281TF, 22.03.2021, 2C_589/2020*

La notion d’établissement stable au sens de l’art. 2 al. 2 let. a LFAIE doit être comprise de manière restrictive. En cas d’acquisition isolée d’un immeuble devant servir de résidence au personnel d’un hôtel, cet immeuble ne peut pas être considéré comme faisant partie d’un établissement stable. 

Faits

Un investisseur étranger souhaite acquérir un immeuble destiné à la construction de logements pour le personnel d’un hôtel situé dans la même commune. L’inspectorat du registre foncier et registre du commerce du canton des Grisons rend une décision retenant que l’immeuble en question est à considérer comme faisant partie d’un établissement stable au sens de l’art. 2 al. 2 let. a LFAIE et que l’acquisition de cet immeuble par des personnes à l’étranger ne nécessite ainsi pas d’autorisation.

L’Office fédéral de la justice (OFJ) recourt contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton des Grisons, estimant que l’acquisition de cet immeuble par des personnes à l’étranger devrait être soumise à autorisation conformément à la Lex Koller.

Débouté, l’OFJ interjette alors recours auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier se penche sur la question de savoir si l’immeuble en cause est à considérer comme faisant partie d’un établissement stable selon l’art.Lire la suite

Les limites au prononcé d’une peine privative de liberté en cas de rupture de ban (art. 291 CP)

ATF 147 IV 232 | TF, 10.03.2021, 6B_1398/2020*

L’infraction de rupture de ban (art. 291 CP) ne peut donner lieu à une condamnation pour peine privative de liberté à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui est demeuré en Suisse malgré son expulsion que si les autorités ont suivi la procédure de renvoi prévue par la Directive sur le retour (cf. ég. RO 2010 5925) ou en ont été empêchées en raison du comportement de l’intéressé.

Faits

Le 23 mai 2018, le Tribunal de police du canton de Genève condamne un ressortissant algérien pour plusieurs infractions, dont celle d’entrée illégale et de séjour illégal en Suisse. Il ordonne son expulsion pour une durée de cinq ans.

Le ressortissant algérien demeure néanmoins en Suisse et se fait derechef condamner à une peine privative de liberté pour rupture de ban en décembre 2018.

Après sa libération en janvier 2020, il demeure en Suisse et est interpellé quelques mois plus tard. Par jugement du 6 juillet 2020, confirmé en appel, le Tribunal de police le déclare coupable de rupture de ban et le condamne à une peine privative de liberté de neuf mois.

Le prévenu recourt alors au Tribunal fédéral. Il ne remet pas en cause sa condamnation, mais reproche aux tribunaux genevois d’avoir violé le droit fédéral et international en lui infligeant une peine privative de liberté alors qu’aucune mesure n’a été prise en vue de son renvoi effectif.… Lire la suite