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Mécanisme subsidiaire d’indemnisation par l’État des victimes de traite d’êtres humains pour le dommage matériel et/ou purement économique (art. 19 al. 3 LAVI)

TF, 11.10.2023, 1C_19/2023*

L’art. 19 al. 3 LAVI exclut l’indemnisation du dommage matériel et/ou purement économique, y compris lorsque ce dommage prend la forme de salaires impayés de victimes de traite d’êtres humains. Cette situation n’est pas contraire au droit international, et plus précisément à l’art. 15 CETEH et à l’art. 4 § 2 CEDH.

Faits

Le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève alloue à un ressortissant ukrainien victime de traite d’êtres humains une somme de CHF 5’000.- à titre de réparation morale et une somme de CHF 12’543.- pour les salaires non perçus. Le coupable ayant disparu, le ressortissant ukrainien dépose une requête auprès de l’instance genevoise d’indemnisation LAVI concluant à l’allocation des deux montants. La direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud, autorité d’indemnisation LAVI compétente vu le lieu vaudois de commission de l’infraction, lui alloue CHF 4’000.- à titre de réparation morale et rejette sa demande d’indemnisation pour le salaire non perçu.

Sur recours, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois confirme la décision de l’autorité cantonale.

L’intéressé interjette alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si la victime de traite d’êtres humains, ne pouvant pas se tourner vers l’auteur de l’infraction, peut obtenir de l’État à titre subsidiaire une indemnisation pour les salaires impayés sur la base de l’art.Lire la suite

Licenciement collectif : la notion d’établissement au sens de l’art. 355d CO

TF, 18.07.2022, 4A_531/2021*

Le fait que plusieurs établissements soient proches d’un point de vue géographique n’est pas déterminant pour apprécier la notion d’établissement au sens de l’art. 335d CO et ainsi déterminer si les seuils relatifs au licenciement collectif sont atteints. Les licenciements prononcés doivent être comptabilisés séparément.

Faits

Une femme est employée par la Poste CH SA dans une filiale du canton de Vaud de l’unité « RéseauPostal ». Cette unité gère toutes les filiales, lesquelles sont généralement gérées par un « responsable filiale ».

Suite à son licenciement, l’employée conteste celui-ci notamment au motif qu’il ne respecterait pas les procédures en lien avec les licenciements collectifs, ce qui le rendrait abusif.

L’employée dépose une demande auprès du Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de l’Est vaudois. Elle estime que l’office postal au sein duquel elle travaille n’est pas un « établissement » au sens de l’art. 335d CO, mais que c’est au contraire l’unité « RéseauPostal », s’étendant à toute la Suisse, qui constitue un tel établissement. Partant, les seuils correspondants seraient atteints de sorte que son congé aurait dû être traité comme un licenciement collectif.

Tant le Tribunal de prud’hommes que le Tribunal cantonal rejettent ce raisonnement ainsi que la demande, en se ralliant à l’avis de l’employeuse selon lequel chaque filiale postale constitue un établissement indépendant.… Lire la suite

« Assurance épidémie » et perte de revenus due à la pandémie de coronavirus

ATF 148 III 57 |  TF, 05.01.2022, 4A_330/2021*

Une assurance couvrant notamment la perte de revenus liée à une épidémie, mais excluant celle liée aux niveaux de pandémie 5 et 6 de l’OMS, n’intègre pas la couverture pour la perte de revenus due à la pandémie de coronavirus (Covid-19). 

Selon le principe de la confiance, une clause d’exclusion de couverture d’assurance ne doit pas être interprétée littéralement, mais plutôt en fonction du contexte et de l’ensemble des circonstances, en particulier de son but. 

Faits

En août 2018, un restaurant dans le canton d’Argovie conclut une « assurance commerce PME », comprenant notamment une assurance mobilière. Cette dernière couvre la perte de revenus et les frais supplémentaires consécutifs à une épidémie.

Dans la rubrique « ne sont pas assurés » et sous le titre « Épidémie » figurent les risques exclus de la couverture en cas d’épidémie. Sont exclus, entre autres, les dommages consécutifs à des agents pathogènes pour lesquels les phases de pandémie 5 ou 6 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont applicables au niveau national ou international.

Suite à la fermeture des restaurants et des bars ordonnée par le Conseil fédéral à compter du 17 mars 2020 et jusqu’à fin avril 2020, le restaurant subit une perte de revenus estimée à CHF 75’397.-.… Lire la suite

L’achat de parcelles en zone agricole pour protéger le hibou petit-duc

ATF 147 II 385 | TF, 27.10.2021, 2C_1069/2020*

Un « objet » au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR n’a besoin ni d’être digne de protection ni situé en zone protégée pour constituer une exception au principe de l’exploitation personnelle. Il suffit qu’il soit un objet relevant de la protection de la nature. Une espèce animale menacée ainsi que son biotope sont des objets qui relèvent de la protection de la nature au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR.

Faits

La station ornithologique suisse de Sempach se voit adjuger aux enchères dix-huit parcelles sur une commune valaisanne, en majeure partie en zone agricole. L’objectif de l’achat est de protéger et conserver le hibou petit-duc ainsi que le biotope dans lequel il évolue. Deux des parcelles sont soumises à une autorisation d’acquérir au sens de l’art. 61 LDFR en raison de leur surface supérieure à 2’500 m2. Tant le chef du Service juridique des affaires économiques que le Conseil d’Etat du canton du Valais rejettent la demande d’autorisation d’acquérir. Le Tribunal cantonal du Valais admet le recours de la station ornithologique et invite le Service à délivrer l’autorisation d’acquérir. L’Office fédéral de la justice recourt au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’acquérir lorsqu’un immeuble agricole n’est pas exploité à titre personnel.… Lire la suite

Invocation des novas limitée à la phase d’allégation

ATF 147 III 475 | TF, 06.09.2021, 4A_50/2021*

En vertu de l’art. 229 al. 2 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux doivent impérativement être invoqués durant la phase d’allégation, qui précède les premières plaidoiries (confirmation de jurisprudence).

Faits

Dans le cadre d’un litige de droit du travail, l’ex-employé d’une société saisit le Tribunal des Prud’hommes de Zurich. Invoquant l’art. 337c CO, il réclame le paiement de son dernier mois de salaire (art. 337c al. 1 CO), ainsi que d’une indemnité au sens de l’art. 337c al. 3 CO, au motif que son employeur l’aurait licencié avec effet immédiat de façon injustifiée.

Après un échange d’écritures, les parties sont citées à l’audience des débats principaux. À l’ouverture des débats, le mandataire du demandeur est interrompu dans la lecture de ses notes de plaidoirie par l’avocat de la partie adverse. Ce dernier lui demande de présenter en premier lieu les éventuels faits nouveaux qu’il souhaiterait faire valoir.  Le premier avocat formule un unique allégué. Ultérieurement, lors des premières plaidoiries, il lit l’intégralité de ses notes, contestant certains allégués de la réponse au moyen d’éléments de faits nouveaux. Tenant compte de ces contestations, le Tribunal des Prud’hommes de Zurich condamne l’employeur à verser au défendeur Fr.… Lire la suite