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La discrimination à l’embauche d’une candidate au poste de garde-faune

TF, 04.10.2022, 8C_719/2021

En matière de discrimination à l’embauche (art. 3 al. 1-2, 5 al. 2 et 4 LEg), le tribunal peut se satisfaire d’une preuve fondée sur une vraisemblance prépondérante. Un rapport d’expertise établi par la Commission cantonale de conciliation en matière d’égalité entre les sexes dans les rapports de travail constitue un moyen de preuve pertinent, dont le tribunal ne peut faire abstraction sans explication. En l’espèce, le Tribunal cantonal a établi les faits de façon arbitraire en tenant pour avéré un motif de non-engagement apparu pour la première fois lors de l’audience, dont le caractère objectivement décisif était pourtant remis en question par plusieurs déclarations et autres circonstances.

Faits

En 2011, la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) du canton de Fribourg publie une offre d’emploi, rédigée au masculin, pour un poste de garde-faune. Une secrétaire bilingue employée par l’administration du même canton fait acte de candidature. Un garde-faune l’avertit qu’aucune femme ne sera engagée. Un second lui indique que cette activité n’est pas faite pour une femme. L’autorité écarte finalement le dossier de la candidate. A cette occasion, un cadre lui déclare oralement qu’elle dispose plutôt de connaissances administratives et que ses connaissances du domaine de la pêche sont insuffisantes.… Lire la suite

Le droit à une allocation d’exploitation en cas de maternité d’une avocate indépendante

ATF 146 V 378TF, 22.06.2020, 9C_737/2019*

En vertu de la LAPG, les travailleuses indépendantes n’ont pas droit à une allocation d’exploitation dans le cadre de l’allocation de maternité. Cette règle ne discrimine pas les mères vis-à-vis des personnes qui font du service (civil ou militaire) car les circonstances assurées sont fondamentalement différentes. La règlementation est toutefois appelée à changer suite à l’adoption, en décembre 2019, d’une motion parlementaire en ce sens.

Faits

Une avocate indépendante, inscrite à la caisse de compensation du canton de Zurich, devient maman d’une petite fille. Elle requiert une allocation de maternité ainsi qu’une allocation d’exploitation de CHF 67 par jour. Sa caisse de compensation lui accorde la première allocation requise à concurrence de CHF 19’208, soit le montant maximal (CHF 196 x 98) ; en revanche, elle refuse de lui verser une allocation d’exploitation. L’avocate recourt contre cette décision auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal zurichois.

Suite au rejet de ce premier recours, l’intéressée forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Ce dernier est appelé à déterminer si la travailleuse a droit à une allocation d’exploitation en raison de sa maternité, et si, comme le fait valoir la recourante, le refus de lui accorder cette allocation viole le principe de l’égalité de traitement au sens de l’art.Lire la suite

Bostock v. Clayton County : La protection des minorités sexuelles dans le monde du travail

U.S. Supreme Court : Bostock v. Clayton County, 590 U.S. ___ (2020)

La Cour Suprême des États-Unis retient que le Titre VII du Civil Rights Act de 1964 interdit à tout employeur-euse de discriminer ses employé-e-s en raison de leur orientation sexuelle ou d’un changement de genre. En effet, il est impossible de discriminer une personne en raison du fait qu’elle est homosexuelle ou transgenre sans discriminer cette personne en raison de son sexe, ce qui est précisément interdit par le Civil Rights Act.

Faits

Dans l’État de Géorgie, Gerald Bostock est licencié car la société qui l’emploie apprend qu’il fait partie d’une League amateur gay de softball. Dans l’État de New York, Donald Zarda est licencié pour des raisons similaires. Enfin, dans l’État du Michigan, Aimee Stephens est licenciée car, alors qu’elle s’était présentée comme étant un homme lorsqu’elle a été embauchée, elle annonce à la société qui l’emploie qu’elle souhaite poursuivre sa vie en tant que femme.

Les trois employé-e-s entreprennent chacun-e-s une action civile contre leurs employeuses respectives pour violation du Titre VII du Civil Rights Act. Les trois procédures atteignent la Cour Suprême des États-Unis, laquelle les joint. Elle doit se prononcer sur la question de savoir si le Titre VII du Civil Rights Act édicté en 1964 par le Congrès interdit à un-e employeur-euse de discriminer ses employé-e-s en raison de leur orientation sexuelle ou de leur changement de genre.Lire la suite

L’homosexualité et l’interdiction de discrimination directe selon la LEg

ATF 145 II 153 | TF, 05.04.19, 8C_594/2018*

Une discrimination en raison de l’orientation sexuelle, notamment en cas d’homosexualité, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur le sexe des travailleurs selon la LEg (art. 3 LEg).

Faits

Un homme conclut un contrat de travail à durée déterminée avec l’Armée suisse. Peu avant l’expiration de son contrat, le travailleur postule à nouveau pour le même emploi. L’Armée suisse indique alors au travailleur qu’une prolongation de son contrat n’est pas possible, le poste en question n’existant que jusqu’à l’expiration de son contrat.

Faisant valoir que son orientation sexuelle – soit son homosexualité – est la cause du refus de la prolongation de son contrat, l’ex-employé demande alors à ce qu’une décision concernant la non-prolongation soit rendue. L’Armée suisse rend alors une décision, niant toute discrimination. L’ex-employé recourt contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). Débouté, l’homme interjette recours auprès du Tribunal fédéral faisant valoir des prétentions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral.

Le Tribunal fédéral doit trancher la question de savoir si une discrimination en raison de l’orientation sexuelle peut constituer une discrimination directe selon l’art. 3 LEg.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par procéder à une interprétation de l’art.Lire la suite

L’enseignement primaire comme profession typiquement féminine

ATF 141 II 411 | TF, 01.12.2015, 8C_366/2014*

Faits

Une enseignante primaire argovienne conteste la classe salariale dans laquelle est colloquée sa profession au motif que celle-ci constituerait une discrimination en raison du sexe. La dernière instance cantonale retient cependant que la fonction d’enseignant primaire ne peut être considérée comme typiquement féminine, de sorte qu’il ne peut être question d’une discrimination.

Sur recours de l’enseignante, le Tribunal fédéral doit déterminer si la profession d’enseignant primaire est ou non typiquement féminine.

Droit

L’art. 8 al. 3 Cst. féd. et l’art. 3 LEg prohibent toute discrimination salariale à raison du sexe. Une telle discrimination existe notamment lorsque des différences de rémunération injustifiées touchent une profession typiquement féminine. Une profession est en principe considérée comme typiquement féminine lorsque la proportion de femmes y est nettement supérieure à 70 %. On prend cependant également en compte la dimension historique de la profession.

En l’espèce, le Tribunal fédéral souligne qu’il se prononce pour la première fois sur un recours formé par une enseignante primaire pour discrimination salariale à raison du sexe. En revanche, l’utilisation de la profession d’enseignant primaire comme profession de comparaison neutre du point de vue du sexe était jusqu’ici admise de jurisprudence constante (cf.… Lire la suite