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La reconnaissance d’actes authentiques exécutoires français

ATF 143 III 404 | TF, 06.06.2017, 5A_703/2016*

Faits

Deux débiteurs domiciliés en Suisse contractent solidairement auprès d’une caisse de crédit cinq prêts bancaires avec constitution de garanties hypothécaires sur des biens sis en France. Les taux d’intérêt des prêts font référence à des taux variables : soit le taux T4M (taux moyen mensuel du marché monétaire) ou Euribor (Euro interbank offered rate), déterminable parfois mensuellement, parfois trimestriellement, et payable tous les trois mois. A ce taux s’ajoutent encore 0.5, 1.5 ou 2 points selon les contrats. Les contrats prévoient également que les intérêts non payés sont ensuite ajoutés au capital initial, de telle sorte que le prochain calcul d’intérêts s’effectue sur ce nouveau capital et non pas sur le capital initial seulement. Une indemnité de retard est également prévue dans ces contrats.

Une Chambre de Notaires en France émet, sur requête de la Caisse de crédit, cinq certificats permettant l’exécution à l’étranger des actes authentiques de prêt.

Suite à l’opposition totale des débiteurs à deux commandements de payer, la Caisse de crédit dépose deux requêtes en mainlevée définitive. Tant la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de la Gruyère que la IIe Cour d’appel civil du Tribunal cantonal de l’Etat de Fribourg prononcent la mainlevée définitive à hauteur du montant en capital et des intérêts définis selon les taux variables T4M et Euribor.… Lire la suite

La compatibilité d’un certificat d’héritier égyptien avec l’ordre public suisse (art. 27 al. 1 LDIP)

ATF 143 III 51 | TF, 21.11.2016, 5A_355/2016*

Faits

Un ressortissant égyptien de confession musulmane décède sans laisser de descendants. Le défunt laisse cependant son épouse, citoyenne allemande de confession chrétienne, qu’il avait mariée selon le droit égyptien. Le défunt laisse également ses frères et sœurs. La succession du de cujus comprend notamment des actifs déposés auprès de banques en Suisse.

Un tribunal égyptien établit un « acte d’hoirie  » qui constate le décès du de cujus et la dévolution de sa succession à ses frères et sœurs, à l’exclusion de l’épouse.

Les frères et sœurs, souhaitant obtenir les actifs du défunt déposés auprès des banques suisses, requièrent du Tribunal de première instance de Genève la reconnaissance de l’ « acte d’hoirie » égyptien. Le Tribunal de première instance reconnaît l’acte et le déclare exécutoire. Sur appel de l’épouse, la Cour de justice de Genève annule le jugement de première instance.

Les frères et sœurs forment un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la comptabilité de l’ « acte d’hoirie » égyptien avec l’ordre public (matériel) suisse (art. 27 al. 1 LDIP).

Droit

A titre liminaire, le Tribunal fédéral précise que l’ « acte d’hoirie » litigieux doit être qualifié de « certificat d’héritier  » au regard du droit suisse.… Lire la suite

La suspension de la procédure de reconnaissance selon la CL

ATF 142 III 420 | TF, 06.04.2016, 5A_248/2015*

Faits

Un prévenu est condamné en Italie à une peine privative de liberté de 5 ans et demi ainsi qu’au remboursement du dommage subi par la partie plaignante. À titre provisionnel, le tribunal italien condamne le prévenu au paiement de 10 millions d’euros.

La partie plaignante demande et obtient la reconnaissance et la déclaration de force exécutoire (exequatur) de ce jugement en Suisse. Sur cette base, elle obtient le séquestre de divers comptes bancaires du prévenu. Ce dernier demande à l’instance d’appel de suspendre la procédure jusqu’à droit connu sur le recours qu’il a introduit en Italie contre le jugement le condamnant. Débouté, il saisit le Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si la demande de suspension de la procédure de reconnaissance et d’exequatur est admissible et si le jugement italien peut être reconnu en Suisse.

Droit

La requête du recourant de suspendre la procédure a été rejetée en appel. Devant le Tribunal fédéral, le recourant soutient pouvoir réitérer cette demande.

D’après l’art. 46 CL, la juridiction saisie du recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire (cf. art. 43 et 44 CL) peut, à la requête de la partie contre laquelle l’exécution est demandée, surseoir à statuer, si la décision étrangère fait l’objet d’un recours ordinaire dans l’Etat d’origine.… Lire la suite

Le droit à la réplique en arbitrage international (art. 182 al. 3 LDIP)

ATF 142 III 360 | TF, 26.04.2016, 4A_342/2015*

Faits

Un groupe de sociétés de droit turc (demandeur) vend une de ses filiales à une société allemande (défendeur). Ce contrat de vente, intitulé Share Sale and Purchase Agremment (SPA), prévoit que la société allemande a l’obligation de conclure un Distributorship Agreement (DA) de durée illimitée entre sa filiale fraîchement achetée et une filiale du groupe de sociétés turques.

Trois ans après la conclusion du DA, la filiale du défendeur résilie le contrat. Le groupe de sociétés turques considère que la résiliation de ce contrat a pour conséquence l’extinction du SPA et dépose donc une requête d’arbitrage en vue de faire constater cette extinction.

Un tribunal arbitral CCI, avec trois arbitres et siège à Zurich, est constitué. Les parties se mettent d’accord sur la procédure  : le groupe de sociétés turques déposera en premier son Statement of Claim, puis le défendeur devra rendre son Statement of Defence, et, enfin, le Tribunal arbitral tranchera la question de l’effet de la résiliation du DA sur l’existence du SPA.

Après avoir reçu le Statement of Defence, le groupe de sociétés turques indique au Tribunal qu’il aimerait encore produire des témoignages ainsi qu’un avis de droit.… Lire la suite

L’importance du lien biologique dans la gestation pour autrui

ATF 141 III 328 | TF, 14.09.2015, 5A_443/2014*

Faits

Deux jumeaux naissent d’une mère porteuse en Californie. Le certificat de naissance indique en tant que parents un couple résidant en Suisse, lequel a fait appel à la gestation pour autrui (GPA). Aucun lien biologique n’existe entre les enfants et le couple. La mère génétique est une donneuse anonyme d’ovule et le père génétique un donneur anonyme de sperme.

Le couple demande à l’office de l’état civil du canton d’Argovie d’inscrire les deux enfants dans le registre de l’état civil. Celui-ci refuse la requête en faisant valoir que la GPA est interdite en Suisse et que la reconnaissance du lien de filiation serait dès lors contraire à l’ordre public.

L’Obergericht rejette le recours du couple, qui saisit alors le Tribunal fédéral d’un recours en matière civile tendant à l’inscription des jumeaux dans le registre d’état civil.

Le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si la reconnaissance d’un lien de filiation entre des parents d’intention (Wunscheltern) qui n’ont aucun lien génétique avec les enfants est ou non contraire à l’ordre public suisse.

Droit

L’indication du couple suisse dans le certificat de naissance se fonde sur un jugement californien précédant la naissance des jumeaux, lequel établit que les membres du couple seront « legal and natural [father/mother] » des enfants qui naitront de la mère porteuse.… Lire la suite