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« Die spinnt ! » n’est pas une atteinte à l’honneur

ATF 147 IV 47 | TF, 17.12.2020, 6B_582/2020*

L’expression germanophone « Die spinnt ! » (« Elle débloque ! ») ne peut être qualifiée de diffamatoire en soi. Elle ne porte pas non plus atteinte à l’honneur de la personne concernée dans le contexte d’espèce (prononcée au cours d’une assemblée de copropriétaires).  

Par ailleurs, s’agissant d’un délit poursuivi sur plainte, la partie plaignante est tenue de prendre en charge les frais procéduraux et d’indemniser la prévenue suite à la clôture de la procédure.

Faits

Au cours d’une médiation entre copropriétaires et propriétaires par étage, l’une des personnes présentes (la prévenue) dit d’une autre (la plaignante) qu’« elle débloque » (« Die spinnt ! »). L’intéressée porte plainte pour atteinte à l’honneur. Suite au classement de la procédure par le Ministère public, elle recourt auprès du Tribunal cantonal de Schwyz, qui rejette le recours, met les frais procéduraux à la charge de la plaignante et l’enjoint d’indemniser la prévenue pour la procédure de recours.

La plaignante forme alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui est appelé à déterminer si l’expression en question constitue une atteinte à l’honneur au sens des art. 173 ss CP et si la recourante est tenue de supporter les frais susmentionnés.… Lire la suite

La qualité pour recourir de la partie plaignante dont les prétentions relèvent du droit public

ATF 146 IV 76TF, 13.11.2019, 6B_307/2019*

Seules les prétentions uniquement fondées sur le droit civil constituent des « prétentions civiles » au sens de l’art. 81 al. 1 lit. b ch. 5 LTF. Ainsi, lorsqu’une collectivité publique assume exclusivement une responsabilité fondée sur du droit public, la partie plaignante ne peut se prévaloir de cet article pour justifier sa qualité pour recourir.

Faits  

Une procédure ouverte contre les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en lien avec le suicide d’une jeune fille survenu dans cet établissement fait l’objet d’une ordonnance de classement. Les parents de la défunte forment un recours contre cette ordonnance auprès de la Cour de justice genevoise, laquelle le rejette au motif que les recourants ne disposent pas de la qualité pour recourir faute d’avoir pu démontrer un intérêt juridiquement protégé propre au sens de l’art. 382 al. 3 CPP. Subsidiairement, la Cour de justice considère que les éléments constitutifs de l’infraction reprochée (homicide par négligence ; art. 117 CP) ne sont pas remplis (ACPR/92/2019).

Sur recours des parents, le Tribunal fédéral est amené à déterminer si ces derniers disposent de la qualité pour recourir au niveau cantonal, et s’ils en bénéficient encore devant le Tribunal fédéral.Lire la suite

L’assistance judiciaire de la partie plaignante durant les investigations policières

ATF 144 IV 377TF, 10.12.2018, 1B_401/2018*

Une partie plaignante peut solliciter l’assistance judiciaire durant la phase des investigations policières au cours de la procédure préliminaire sans avoir à attendre une ouverte formelle d’une instruction pénale par le Ministère public.

Faits

Une personne dépose plainte à l’encontre de son ancien compagnon pour contrainte sexuelle (art. 189 CP), usure (art. 157 CP) et traite d’êtres humains (art. 182 CP). Elle reproche à son compagnon de l’avoir fait venir du Brésil en lui faisant miroiter un mariage, de l’avoir placée dans un état de dépendance psychologique, de l’avoir contrainte à subir des pratiques sexuelles et de l’avoir fait travailler à son service pour un salaire démesurément bas (200 francs par mois).

Sur transmission du Ministère public vaudois, la police ouvre des investigations, sans qu’il n’y ait à ce stade une ouverture d’instruction. La personne qui a déposé plainte, désormais partie plaignante, requiert du Ministère public l’octroi de l’assistance judiciaire et la désignation de son conseil en tant qu’avocate d’office. Le Ministère public rejette la demande, en considérant qu’une partie plaignante n’a pas droit à l’assistance judiciaire aux stades des investigations policières. Sur recours, le Tribunal cantonal vaudois octroie l’assistance judiciaire.… Lire la suite

L’octroi de l’assistance judiciaire gratuite aux tiers touchés par des actes de procédure

ATF 144 IV 299 | TF, 18.07.2018, 1B_180/2018*

Les tiers touchés par des actes de procédure selon l’art. 105 al. 1 let. f CPP se voient reconnaître la qualité de partie et les droits qui en découlent. Ils sont dès lors en droit de solliciter l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 2 CPP).

Faits

Dans une procédure pénale, la police procède à la perquisition de divers objets au domicile d’une prévenue. Lors de cette perquisition, des objets appartenant à l’époux de la prévenue sont saisis.

L’époux se plaint auprès du Ministère public de la perquisition de ses objets. Il sollicite l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite. Le Ministère public, puis sur recours la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève, refusent d’accorder l’assistance judiciaire gratuite. La Cour de justice considère que l’époux ne peut pas bénéficier d’un avocat d’office selon les art. 132 et 136 CPP vu qu’il n’est ni prévenu ni partie plaignante à la procédure.

L’époux forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se déterminer sur l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite aux tiers touchés par des actes de procédure.… Lire la suite

Le remboursement par la victime des frais de son conseil juridique gratuit

ATF 143 IV 154 | TF, 16.03.2017, 6B_370/2016*

Faits

Au terme de la procédure de première instance, le Tribunal criminel lucernois acquitte le prévenu. Les frais du conseil juridique gratuit de la partie plaignante, qui dispose du statut de victime, sont mis à charge de l’Etat.

Contre ce jugement, la victime fait appel auprès du Tribunal cantonal lucernois. L’acquittement du prévenu est confirmé. Les frais du conseil juridique gratuit de la victime sont, pour l’ensemble de la procédure, mis à sa charge dans la mesure où sa situation financière le permet (art. 135 al. 4 et 138 CPP). Quant aux frais de procédure, ils sont mis à la charge de l’Etat et de la victime par moitié.

La victime forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la victime peut être tenue au remboursement des frais de son conseil juridique gratuit.

Droit 

D’après l’art. 135 al. 4 CPP, lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de procédure, il est tenu de rembourser l’indemnisation du défenseur d’office dès que sa situation financière le permet. Cette disposition s’applique par analogie à l’indemnisation du conseil juridique gratuit pour la partie plaignante (art.Lire la suite