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Regroupement familial de réfugié·es au bénéfice de l’admission provisoire et aide sociale (art. 85 al. 7 LEI) : une appréciation individualisée est nécessaire (CourEDH)

CourEDH, 04.07.2023, Affaire B.F. et autres c. Suisse, requêtes nos 13258/18, 15500/18, 57303/18 et 9078/20

Peu importe son statut en droit suisse (permis B ou F), une personne réfugiée ne devrait pas être tenue à l’impossible pour obtenir le regroupement familial. Lorsqu’elle est et reste incapable de satisfaire aux exigences relatives à son revenu bien qu’elle ait fait tout ce qui était raisonnablement exigible pour devenir financièrement indépendante, appliquer sans aucune flexibilité l’exigence d’indépendance de l’aide sociale pourrait, le temps passant, conduire à une séparation permanente de la famille, contraire à l’art. 8 CEDH si l’ensemble des circonstances doit conduire à reconnaître une obligation de l’Etat d’autoriser le regroupement familial.

Faits

Trois ressortissantes érythréennes ainsi qu’un ressortissant chinois d’origine tibétaine séjournent en Suisse. Elles et il revêtent la qualité de réfugié·es au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (Convention de Genève), mais sont au bénéfice d’une admission provisoire (permis F – réfugié·es, obtenu entre 2008 et 2012) car, aux yeux des autorités suisses, le risque de mauvais traitements auxquels elles et il sont exposés est apparu après le départ de leur pays et du fait de leurs propres actions (art. 3 al.Lire la suite

Imputation de la fortune d’un époux pour subvenir aux besoins de la famille

ATF 147 III 393TF, 01.07.2021, 5A_582/2018, 5A_588/2018*

Lorsque les revenus réguliers du travail et de la fortune des époux ne permettent pas de couvrir les besoins de la famille, il peut raisonnablement être exigé que les conjoints mettent à contribution leur fortune pour assurer tout ou partie de l’entretien de la famille. Cela étant, les biens acquis par voie de succession ne peuvent en principe pas être utilisés à cet effet.

Faits

Un couple se marie en 1999 à Lucerne. De cette union naissent deux enfants. En 2014, les époux se séparent. Le Tribunal de district de Brienz (LU) fixe les contributions d’entretien à verser aux enfants et à l’épouse dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale. Appelé à se prononcer sur le sort des contributions d’entretien, le Tribunal cantonal réévalue les montants alloués aux enfants et à l’épouse. Il retient que les époux ont dépensé en moyenne CHF 16’000 par mois pour l’entretien de la famille (sur la base du revenu mensuel de l’époux qui s’élevait à CHF 15’800 par mois) avant la séparation. Ce montant se base sur le dernier niveau de vie commune déterminant pour la fixation des besoins de la famille. Depuis octobre 2016, l’époux ne touche plus de revenu d’une activité lucrative.… Lire la suite

Le regroupement familial tardif fondé sur la dégradation de l’état de santé de l’époux

ATF 146 I 185TF, 28.02.2020, 2C_668/2018*

Une demande de regroupement familial tardive fondée sur un changement important de circonstances, concernant par exemple l’état de santé de l’un des époux, remplit la condition des raisons familiales majeures exigées par l’ancien l’art. 47 al. 4 LEtr (correspondant à l’actuel art. 47 al. 4 LEI).

Faits

Un couple de nationalité kosovare se marie au Kosovo en 1991. De cette union naissent quatre enfants. En 1998, l’époux immigre en Suisse sur la base d’une admission provisoire. Quelques mois plus tard, il est victime d’un accident de travail qui entraîne une incapacité de travail totale et définitive et lui donne droit à une rente de l’assurance-invalidité ainsi qu’à des prestations complémentaires. En 2007, il obtient une autorisation de séjour en Suisse. En 2015, l’épouse requiert une autorisation d’entrée, respectivement de séjour, afin d’y rejoindre son mari. Le Service de la population vaudois rejette cette demande, qu’il considère comme tardive (le délai ayant expiré en 2012), en soulignant l’absence de raison familiale majeure au sens de l’art. 47 al. 4 LEtr.

L’épouse invoque la dégradation de l’état de santé de son mari afin de recourir contre cette décision, en vain.… Lire la suite