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L’exploitabilité d’une vidéo à charge d’un policier

TF, 14.07.2020, 6B_53/2020

Un enregistrement vidéo illicite effectué par un particulier n’est pas exploitable lorsqu’au moment de l’enregistrement il n’existait aucun soupçon que le prévenu allait commettre une infraction.

Faits

Dans le cadre d’une enquête, un poste de travail d’un policier est perquisitionné. Il y est découvert une vidéo montrant l’un de ses collègues s’adressant en italien à un détenu avec les propos suivants :

“- Toi maintenant tu t’en vas. Si tu reviens ici, tu es mort.
– Tu es mort, si tu reviens ici. Compris ?
– Ne ris pas. Tu as cassé chez des amis à moi. Tu as volé chez des amis à moi. Tu as de la chance d’être chez la police et que je ne peux pas te taper. Si je te vois dehors, je te tranche la gorge, je te tape. Compris ?
– Pas espérons, je te tue. Je t’amène dans les caves et on te tabasse à mort.
– Géorgien de merde. Tu as de la chance d’être ici. OK ?”

Alors que le Tribunal de police acquitte le policier, la Cour de justice le condamne pour abus d’autorité. En effet, bien que la séquence vidéo a été enregistrée à l’insu du policier en violation de l’art.

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Le fardeau de la motivation de la contestation

TF, 17.02.2020, 4A_126/2019

Lorsque le demandeur a présenté un allégué et l’a suffisamment motivé, en l’occurrence son dommage, le défendeur doit le contester de manière précise et motivée. À défaut, l’allégué du demandeur est censé non contesté (ou reconnu ou admis), avec pour conséquence qu’il n’a pas à être prouvé.

Faits

Une banque confie la gestion des avoirs d’un de ses clients à un de ses gérants de fortune. Celui-ci quitte la banque et continue de gérer les avoirs du client comme gérant externe pendant huit mois, entre juin 2009 et février 2010. Le client n’est pas été informé de ce changement ni par la banque ni par le gérant. Ainsi, durant ces huit mois, ni la banque ni le gérant ne disposent d’une procuration en leur faveur.

Après avoir découvert que son gérant n’était en fait plus employé de la banque et que ses avoirs étaient gérés sans procuration, le client ouvre une action en paiement contre cette dernière pour un montant de USD 1.7 million correspondant à la différence entre l’état de ses avoirs en juin 2009 et celui en septembre 2010. Le Tribunal de première instance de Genève condamne la banque à payer au demandeur un montant de CHF 1.2 million.… Lire la suite

La condamnation d’un automobiliste grâce à la recherche automatisée de véhicule

ATF 146 I 11TF, 07.10.2019, 6B_908/2018*

La mise en place d’une recherche automatisée de véhicules et de surveillance du trafic constitue une atteinte au droit à l’autodétermination informationnelle. En l’absence de base légale formelle, la preuve recueillie à l’aide de ce système est illicite. La preuve est en outre inexploitable lorsqu’il ne s’agit pas d’une infraction grave.

Faits

Grâce à la mise en place d’une recherche automatisée de véhicules et de surveillance du trafic (RVS), la police du canton de Thurgovie découvre qu’un conducteur a conduit à trois reprises un véhicule automobile sans toutefois disposer du permis nécessaire. Alors que le Bezirksgericht d’Arbon l’acquitte pour ces faits, l’Obergericht de Thurgovie le condamne à 140 jours-amendes.

Le conducteur dépose un recours auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à examiner la légalité de l’utilisation d’une RVS.

Droit

La recherche automatisée de véhicules et de surveillance du trafic (RVS) permet, à l’aide de caméras, de traiter automatiquement les données des plaques d’immatriculation des véhicules. Ce système augmente ainsi de manière importante l’intensité de la surveillance policière, bien que les données ne soient conservées que pendant 30 jours au maximum.

L’art. 13 al. 2 Cst.Lire la suite

Les Dashcam en procédure pénale

Note du 20 décembre 2020 : cf. également l’arrêt “GoPro” 6B_1282/2019*

ATF 146 IV 226TF, 26.09.2019, 6B_1188/2018*

Une preuve recueillie à l’aide d’une Dashcam ne respecte pas le principe de reconnaissabilité et porte ainsi atteinte au droit de la personnalité des autres usagers de la route. 

Au regard du droit procédural, l’existence d’un éventuel motif justificatif ne saurait lever le caractère illicite de la preuve qui a été récoltée par un particulier en portant atteinte au droit de la personnalité. 

Dans une procédure pénale, une preuve recueillie de manière illicite (au sens du droit procédural) par un particulier n’est exploitable que pour élucider des infractions graves (application par analogie de l’art. 141 al. 2 CPP).

Faits

Le Bezirksgericht de Bülach condamne un prévenu pour violations simples et graves des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 et 2 LCR). Le prévenu recourt auprès de l’Obergericht de Zurich en invoquant le fait que les preuves provenant de la Dashcam (caméra embarquée) d’un particulier sont inexploitables puisqu’elles sont récoltées en violation de la LPD.

L’Obergericht de Zurich admet que la prise d’images par la Dashcam a porté atteinte au droit de la personnalité du prévenu et que l’intérêt du particulier ne justifiait pas une telle prise d’image.… Lire la suite

Les exigences probatoires en matière de mainlevée

ATF 145 III 160 | TF, 01.04.2019, 5A_740/2018*

Le seul moyen de preuve recevable en procédure de mainlevée s’agissant de l’existence d’un titre de mainlevée est le titre lui-même. Le titre doit valoir reconnaissance de dette et démontrer la réalisation des trois identités (soit 1/ identité de la prétention mise en poursuite et la dette reconnue, 2/ identité du poursuivant et du créancier, et 3/ identité du poursuivi et du débiteur). Le degré de preuve requis est celui de la preuve stricte.

Faits

Dans le cadre de prêts hypothécaires, la société empruntrice remet à sa créancière plusieurs cédules hypothécaires au porteur.

Par la suite, la débitrice fait défaut. La prêteuse agit en réalisation du gage immobilier. Le commandement de payer fait référence aux cédules hypothécaires remises, y compris une cédule de 2010 et une cédule de 2007. L’empruntrice forme opposition.

La créancière agit en mainlevée provisoire et produit notamment à l’appui de sa demande deux cédules de 2013 « remplaçant les cédules de 2010 et 2007 ».

Lors de l’audience, la débitrice fait valoir que les cédules hypothécaires référencées dans le commandement de payer et celles produites dans la procédure de mainlevée ne correspondent pas. À ce propos, la créancière explique que la débitrice lui a remis dans un premier temps une cédule de 2010 et une cédule de 2007 grevant un certain bien-fonds.… Lire la suite