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Impossibilité de contacter le prévenu et renonciation implicite à l’appel

ATF 149 IV 259 | TF, 17.04.2023, 6B_1433/2022*

Le prévenu qui souhaite former un appel doit démontrer de manière continue, pendant la procédure d’appel, sa volonté que la juridiction d’appel examine la décision de première instance. Le prévenu est réputé renoncer implicitement à la procédure d’appel s’il refuse de communiquer son lieu de séjour ou que celui-ci reste inconnu et qu’il est impossible, même pour son défenseur, de le contacter.

Faits

Un prévenu est condamné en première instance pour contraintes, menaces et insoumission répétée à des décisions de l’autorité. À la suite de la notification du dispositif du jugement, le prévenu informe son conseil de sa volonté de former appel. Depuis cet ultime contact, le défenseur du prévenu n’est plus parvenu à communiquer avec lui. Faute d’indications contraires du prévenu depuis lors, le conseil forme appel.

A la suite de la convocation aux débats devant l’instance d’appel, le défenseur du prévenu demande la fixation d’un délai pour contacter le prévenu afin de confirmer sa volonté de poursuivre la procédure devant l’instance d’appel. Faute pour le défenseur du prévenu d’être parvenu à le contacter, l’instance d’appel considère que l’appel a été retiré et déclare le jugement de première instance exécutoire. Contre cette décision, le défenseur du prévenu intente un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à préciser sa jurisprudence relative à la renonciation implicite à l’appel en cas d’impossibilité de communiquer avec le prévenu et faute de connaissance de son lieu de séjour.Lire la suite

Le ballon de football qui termine par mégarde dans le jardin du voisin

TF, 14.07.2022, 1C_32/2022

L’injonction d’un policier à un tiers tendant à la restitution d’un ballon qui a atterri dans le jardin de ce dernier, sous menace d’une peine, ne constitue ni un abus d’autorité (art. 312 CP), ni une contrainte (art. 181 CP).

Faits

Un policier ordonne à un homme vivant en face d’une cour de récréation (ci-après : le voisin) de rendre un ballon qui a atterri par mégarde dans son jardin, sous peine de se rendre coupable d’insoumission à une injonction de la police. Ce voisin dépose alors plainte pénale auprès du Ministère public de Winterthour/Unterland contre le policier pour abus d’autorité (art. 312 CP) et contrainte (art. 181 CP).

Le Ministère public transmet la plainte pénale à l’Obergericht du canton de Zurich en recommandant à ce dernier de ne pas octroyer l’autorisation nécessaire à l’ouverture d’une enquête pénale à l’encontre du policier, au motif qu’il n’y a pas de soupçon suffisant de délit.

L’Obergericht suit cette recommandation et n’accorde pas dite autorisation.

Le voisin dépose alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit ainsi déterminer si l’ordre d’un policier tendant à la restitution d’un objet égaré, sous menace d’une peine, est constitutif des infractions de contrainte (art.Lire la suite

Le sort des prétentions contractuelles invoquées en procédure pénale

ATF 148 IV 432 | TF, 15.08.2022, 6B_1310/2021*

La notion de conclusions civiles au sens des art. 122 ss CPP vise uniquement les prétentions qui peuvent se déduire d’une infraction pénale, ce qui exclut les prétentions contractuelles.

Faits

Un prévenu est acquitté des chefs d’abus de confiance et d’escroquerie par le Tribunal de police genevois, puis par la Chambre pénale d’appel et de révision. Devant ces deux instances, il est néanmoins condamné à payer divers montants aux parties plaignantes à titre de dommages-intérêts.

Le prévenu introduit un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui est amené pour la première fois à déterminer si la notion de conclusions civiles inclut également les prétentions contractuelles.

Droit  

Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’un jugement d’acquittement peut aussi bien aboutir à la condamnation d’un prévenu sur le plan civil qu’au déboutement de la partie plaignante, notamment selon que l’état de fait est considéré comme suffisamment établi (art. 126 al. 1 let. b et al. 2 let. d CPP).

Lorsque l’acquittement résulte de la non-réalisation d’un élément constitutif de l’infraction, la partie plaignante doit en principe être renvoyée à agir par la voie civile. Le juge pénal peut néanmoins statuer sur les conclusions civiles lorsque l’élément constitutif subjectif de l’infraction fait défaut mais que le comportement reproché au prévenu constitue un acte illicite au sens de l’art.Lire la suite

Procédure de scellés : la pratique illégale du Tribunal pénal fédéral

ATF 148 IV 221 | TF, 28.02.2022, 1B_432/2021*

Le but des scellés (art. 248 CPP) est de garantir que l’autorité d’instruction ne prendra pas connaissance des données saisies, avant qu’un tribunal ait pu se prononcer sur l’admissibilité de l’accès aux données. Eu égard à cet objectif, dès la réception d’une demande de mise sous scellés, l’autorité d’instruction ne peut plus ordonner la copie des données, ni même confier cette tâche à une personne ou entité mandatée par elle qui est soumise à ses instructions.

Faits

Le 10 septembre 2020, l’Administration fédérale des douanes (actuellement : Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières ; ci-après : Administration fédérale) ouvre une procédure contre un homme pour infraction à la loi sur les douanes ainsi qu’à celle sur la TVA. Le même jour, elle saisit trois appareils électroniques appartenant à ce dernier ; l’intéressé refuse d’en donner les codes d’accès.

Le 14 septembre 2020, le prévenu demande la mise sous scellés de ces appareils.

Le 1er octobre 2020, l’Administration fédérale transmet les supports à l’Office fédéral de la police (ci-après : Fedpol), afin de les débloquer et de copier leur contenu. Le 8 octobre suivant, elle demande la levée des scellés au Tribunal pénal fédéral en précisant que Fedpol apposera les scellés sur les données copiées.… Lire la suite

La transmission de la qualité de partie plaignante par succession

ATF 148 IV 256 | TF, 25.04.2022, 6B_1266/2020*

La qualité de partie plaignante par succession (art. 121 al. 1 CPP) n’appartient qu’aux proches au sens de l’art. 110 al. 1 CP. Ceci vaut même lorsque la partie plaignante décède après avoir formé appel contre le rejet de ses conclusions civiles découlant de l’acquittement de l’accusé.

Faits

Une procédure pénale est ouverte à l’encontre d’une gouvernante, qui est accusée de s’être indûment approprié une partie de la fortune de sa maîtresse. Dans le cadre de cette procédure, la maîtresse se constitue demanderesse au pénal et au civil (cf. art. 119 al. 2 CPP).

Par décision du 20 novembre 2019, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne acquitte la gouvernante et rejette les conclusions civiles de la maîtresse.

La maîtresse forme appel. Elle conclut à ce que la gouvernante soit reconnue coupable d’usure par métier. Par ailleurs, la maîtresse conclut à l’admission de ses conclusions civiles.

En 2020, la maîtresse décède. Les héritiers de la maîtresse déclarent toutefois poursuivre la procédure d’appel entamée par la défunte.

Par jugement du 8 juillet 2020, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal déclare recevable l’appel formé par la maîtresse, dans la mesure où ses prétentions civiles sont passées à ses héritiers.… Lire la suite