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La surveillance des télécommunications par les services secrets : Arrêt de la Grande Chambre (CourEdH, Big Brother Watch) (I/II)

CourEDH. Grande Chambre, 25.05.2021, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15

L’interception massive de télécommunications et l’acquisition de données secondaires de communication (qui, où et quand) par les services de renseignement ne sont compatibles avec le droit à la vie privée (art. 8 CEDH) que si un cadre légal suffisamment strict les encadre. Des garanties procédurales de bout en bout doivent être mises en place. Parmi d’autres exigences, celles-ci doivent au moins comprendre l’autorisation préalable de la surveillance par une autorité indépendante (judiciaire ou non) et une voie de recours effective a posteriori, ouverte à toutes les personnes ayant (potentiellement) fait l’objet d’une surveillance.

Faits

À la suite des révélations d’Edward Snowden, plusieurs personnes physiques et morales contestent la conformité de la surveillance électronique déployée par les services secrets du Royaume-Uni au droit à la vie privée garanti par la CEDH (art. 8 CEDH).

Après avoir épuisé les voies de droit nationales, les requérants ont agi devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’affaire a fait l’objet d’une première décision par la Chambre (CourEDH, 13.09.2018, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15, résumé in : LawInside.ch/702LawInside.ch/707, et LawInside.ch/725), puis d’une demande de renvoi devant la Grande Chambre.… Lire la suite

La reconnaissance du statut d’apatride

ATF 147 II 421 | TF, 30.04.2021, 2C_415/2020*

Une personne sans nationalité, admise provisoirement en Suisse en raison des conditions de sécurité prévalant dans son pays d’origine, doit se voir reconnaître le statut d’apatride même si elle a droit à la naturalisation dans le pays en question, dans la mesure où il faudrait qu’elle s’y rende pour effectuer les démarches nécessaires.

Faits

De nombreux membres de la minorité Kurde en Syrie ne disposent pas de papiers d’identités et ne sont pas reconnus comme des ressortissants du pays par l’Etat syrien. Cela étant, depuis 2011, le droit local leur permet de demander la naturalisation.

Une personne d’ethnie kurde dépose une demande de naturalisation en Syrie, conformément au décret de 2011. Avant d’obtenir la nationalité syrienne, elle quitte toutefois ce pays et demande l’asile en Suisse. Le SEM le lui refuse, tout en admettant son droit à un séjour provisoire. L’intéressé dépose alors une demande tendant à la reconnaissance du statut d’apatride et à l’octroi d’une autorisation de séjour à ce titre. Le SEM rejette cette demande au motif que le requérant n’aurait pas fait suffisamment d’efforts en vue d’être naturalisé avant de quitter la Syrie. L’intéressé recourt contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral puis du Tribunal fédéral, qui est amené à déterminer si les conditions de la reconnaissance du statut d’apatride sont remplies ou non.… Lire la suite

L’expulsion d’un ressortissant étranger viole-t-elle son droit à la vie privée ? (CourEDH)

CourEDH, 08.12.2020, Affaire M.M. c. Suisse, Requête no 59006/18

L’interprétation donnée par le Tribunal fédéral à la clause de rigueur (art. 66a al. 2 CP) permet a priori d’appliquer les règles sur l’expulsion « obligatoire » des étrangers (art. 66a CP) de façon conforme à l’art. 8 CEDH. En l’occurrence, avant de prononcer l’expulsion d’un ressortissant étranger ayant passé toute sa vie en Suisse en vertu de l’art. 66a al. 1 let. h CP, les juridictions internes ont procédé à un examen rigoureux de la situation personnelle du ressortissant et des intérêts en jeu. Les arguments étant très solides, le ressortissant étranger ne peut se plaindre de la violation de sa vie privée telle que protégée par l’art. 8 CEDH.

Faits

Le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz condamne un ressortissant espagnol pour avoir commis des actes d’ordre sexuel sur un enfant et consommé des stupéfiants. Il n’ordonne toutefois pas l’expulsion de ce dernier. Ledit ressortissant, qui bénéficie d’une autorisation d’établissement, est né et a toujours résidé en Suisse. Il n’y entretient aucune relation sociale ou familière particulière et n’est titulaire d’aucune formation professionnelle. Durant son enfance, ce ressortissant a passé des vacances dans son pays d’origine.… Lire la suite

La levée des mesures thérapeutiques institutionnelles applicables aux jeunes adultes

ATF 146 IV 49TF, 20.02.2020, 6B_95/2020*

La durée maximale de la privation de liberté entraînée par l’exécution d’une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 61 al. 4 CP tient compte d’une éventuelle exécution anticipée de la mesure. La date du prononcé de l’exécution anticipée constitue le point de départ pour le calcul de cette durée.

Faits

En 2014, le Ministère public du canton de Lucerne autorise un prévenu à exécuter une mesure thérapeutique institutionnelle de façon anticipée. En 2017, le Kriminalgericht du canton de Lucerne condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 3 ans et 10 mois, en tenant compte des 53 jours de détention provisoire déjà effectués. Par ailleurs, il instaure une mesure thérapeutique institutionnelle pour jeunes adultes conformément à l’art. 61 CP et suspend l’exécution de la peine privative de liberté.

Après s’être vu refuser en 2019 sa demande d’interruption de l’exécution de la mesure en question, le condamné saisit le Kantonsgericht Luzern, lequel admet son recours et ordonne la levée de la mesure thérapeutique institutionnelle instaurée à l’encontre du condamné. Le Tribunal considère en effet que la durée maximale de quatre ans de l’art. 61 al. 4 CP est déjà atteinte, dès lors que l’exécution anticipée de la mesure doit être prise en compte dans le calcul de cette durée.… Lire la suite

Le recours abstrait contre la Loi sur la police bernoise (III/III)

ATF 147 I 103 | TF, 29.04.2020, 1C_181/2019*

Il convient d’abroger les dispositions de la nouvelle LPol/BE concernant l’utilisation d’appareils de surveillance GPS dans un but de prévention des infractions. Les mesures de surveillances prises par la police en vue de la détection et de la prévention des infractions doivent être soumises à des garanties au moins équivalentes à celles prévues par le CPP (art. 269 ss CPP) en matière de procédure pénale, sans quoi elles violent les art. 13 Cst. et 8 CEDH.

 Faits

Le 27 mars 2018, le Grand Conseil du canton de Berne vote une révision totale de sa Loi sur la Police (ci-après : LPol/BE). De nombreuses associations – notamment le Parti socialiste bernois, Les Verts (BE) et Unia – forment un recours abstrait en matière de droit public contre cette loi auprès du Tribunal fédéral. Les recourantes requièrent l’abrogation des nouvelles dispositions sur (1) la répartition des frais engendrés par les manifestations avec actes de violence, (2) les mesures de renvoi et d’interdiction d’accès et (3) les mesures de surveillance.

Le présent résumé porte sur la troisième catégorie de dispositions litigieuses. Sur ce point, la nouvelle loi bernoise confère à la police cantonale la compétence de surveiller secrètement les individus dans les endroits généralement accessibles, y compris de faire des enregistrements visuels ou sonores.… Lire la suite