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Droit à une autorisation de séjour fondé sur la protection de la vie privée (art. 8 CEDH) : précision de la jurisprudence en cas de séjour illégal

ATF 149 I 207 | TF, 03.05.2023, 2C_734/2022*

Lorsqu’une personne ne remplit pas la condition d’un séjour légal de minimum 10 ans en Suisse, elle ne bénéficie pas de la présomption d’enracinement selon laquelle lui refuser une autorisation de séjour porterait atteinte à sa vie privée (art. 8 CEDH). En revanche, elle peut toujours faire valoir qu’elle bénéficie d’une intégration sociale et professionnelle particulièrement réussie, qui impose, toujours en application de l’art. 8 CEDH, de lui délivrer un titre de séjour.

Faits

Un ressortissant de Côte d’Ivoire bénéfice d’une autorisation de séjour compte tenu de son mariage avec une ressortissante helvétique en 1995. Deux enfants, aujourd’hui majeurs, naissent de cette union. Le couple divorce en 2000. L’autorisation est renouvelée à plusieurs reprises jusqu’en 2007. Cette année-là, il dépose une demande de changement de canton auprès des autorités genevoises. Ces dernières lui adressent plusieurs courriers de demande de compléments d’information. Les demandes restent sans réponse.

L’intéressé continue à résider à Genève sans titre de séjour. Il n’exerce pas d’activité lucrative et présente des dettes d’environ CHF 100’000.-. Il est condamné à plusieurs reprises pour violation de son obligation d’entretien. Il s’investit dans la vie associative de plusieurs communautés religieuses.… Lire la suite

Le regroupement familial tardif fondé sur la dégradation de l’état de santé de l’époux

ATF 146 I 185TF, 28.02.2020, 2C_668/2018*

Une demande de regroupement familial tardive fondée sur un changement important de circonstances, concernant par exemple l’état de santé de l’un des époux, remplit la condition des raisons familiales majeures exigées par l’ancien l’art. 47 al. 4 LEtr (correspondant à l’actuel art. 47 al. 4 LEI).

Faits

Un couple de nationalité kosovare se marie au Kosovo en 1991. De cette union naissent quatre enfants. En 1998, l’époux immigre en Suisse sur la base d’une admission provisoire. Quelques mois plus tard, il est victime d’un accident de travail qui entraîne une incapacité de travail totale et définitive et lui donne droit à une rente de l’assurance-invalidité ainsi qu’à des prestations complémentaires. En 2007, il obtient une autorisation de séjour en Suisse. En 2015, l’épouse requiert une autorisation d’entrée, respectivement de séjour, afin d’y rejoindre son mari. Le Service de la population vaudois rejette cette demande, qu’il considère comme tardive (le délai ayant expiré en 2012), en soulignant l’absence de raison familiale majeure au sens de l’art. 47 al. 4 LEtr.

L’épouse invoque la dégradation de l’état de santé de son mari afin de recourir contre cette décision, en vain.… Lire la suite

Le recours abstrait contre la Loi sur la police bernoise (II/III)

ATF 147 I 103 | TF, 29.04.2020, 1C_181/2019*

Les dispositions de la LPol/BE relatives aux mesures de renvoi et d’interdiction d’accès des personnes occupant un terrain de manière illicite doivent être abrogées, car elles violent le droit à la protection de la sphère privée des membres de la communauté des gens du voyage (art. 13 Cst. et 8 CEDH) .

Faits

Le 27 mars 2018, le Grand Conseil du canton de Berne vote une révision totale de sa Loi sur la police (ci-après : LPol/BE). De nombreuses associations – notamment le Parti socialiste bernois, Les Verts (BE) et Unia – forment un recours abstrait en matière de droit public contre cette loi auprès du Tribunal fédéral. Les recourantes requièrent l’abrogation des nouvelles dispositions sur (1) la répartition des frais engendrés par les manifestations avec actes de violence, (2) les mesures de renvoi et d’interdiction d’accès et (3) les mesures de surveillance.

Le présent résumé porte sur la deuxième catégorie de dispositions litigieuses. Celle-ci prévoit que la Police cantonale peut prononcer une mesure de renvoi et/ou une interdiction d’accès, permanente ou provisoire, vis-à-vis de personnes qui menaceraient la sécurité publique, par exemple parce qu’elles se trouvent rassemblées ou campent illégalement sur une parcelle privée.… Lire la suite