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Inscription dans le Système d’information Schengen (SIS) et non-rétroactivité de la loi pénale

ATF 149 IV 361 | TF, 12.05.2023, 6B_1495/2022*

L’inscription dans le Système d’information Schengen (SIS) relève du droit d’exécution, respectivement de police, et ne constitue pas une sanction. Les principes de la non-rétroactivité de la loi pénale et de la lex mitior (art. 2 CP) ne lui sont donc pas applicables.

Faits

Un ressortissant britannique est condamné par les juridictions pénales vaudoises en première instance et en appel. Son expulsion à vie du territoire suisse est ordonnée, ainsi que l’inscription de cette expulsion dans le Système d’information Schengen (SIS).

Le ressortissant britannique introduit un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral, qui est amené à se pencher sur l’application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale à l’inscription dans le SIS.

Droit  

En tant que développement de l’acquis de Schengen, la Suisse a adopté le Règlement (UE) 2018/1861 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières. Ce règlement prévoit dans certaines hypothèses le signalement de ressortissants de pays-tiers dans le SIS aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour. C’est notamment le cas lorsque leur présence sur le territoire d’un État membre constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale et que la personne fait l’objet d’une décision de non-admission et d’interdiction de séjour conforme au droit national et d’un signalement national aux fins de non-admission et d’interdiction de séjour (art.Lire la suite

La rétrogradation de l’autorisation d’établissement du requérant délinquant

ATF 148 II 1 | TF, 19.10.2021, 2C_667/2020*

La révocation de l’autorisation d’établissement (permis C) couplée à la délivrance d’un simple permis de séjour (permis B) (« rétrogradation ») constitue une seule et même décision susceptible de recours auprès du Tribunal fédéral. Cette rétrogradation suppose un défaut d’intégration actuel et particulièrement sérieux lorsque l’autorisation en cause a été délivrée avant 2016. Ainsi, des condamnations pénales pour délits mineurs – même nombreuses – ne suffisent pas. 

Faits

Un ressortissant kosovar arrivé en Suisse en 1992 et au bénéfice d’une autorisation d’établissement commet plusieurs infractions (à la LCR et la LStup notamment) entre 1992 et 2018. L’Office des migrations du canton d’Argovie voit dans la délinquance du requérant un défaut de volonté d’intégration. Par conséquent, il décide de remplacer son autorisation par un permis de séjour (rétrogradation) valide pour une durée d’une année, étant précisé qu’en cas de récidive, l’intéressé pourrait se voir expulsé de Suisse.

Suite au rejet de ses recours successifs, le requérant forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci est amené à déterminer si la rétrogradation de l’autorisation d’établissement est conforme au droit fédéral, notamment si elle respecte les principes ne bis in idem et de proportionnalité.… Lire la suite

Les conditions d’octroi d’un certificat complémentaire de protection pour les produits d’un médicament

ATF 144 III 285 | TF, 11.06.2018, 4A_576/2017*

Un certificat complémentaire de protection pour l’un des produits d’un médicament est délivré notamment si le produit en tant que tel est protégé par un brevet (art. 140b al. 1 let. a LBI). Le Tribunal fédéral opère un revirement de jurisprudence en considérant désormais qu’un produit est considéré comme protégé par un brevet s’il est mentionné dans le brevet de base ou que l’interprétation du libellé des revendications du brevet de base invoqué permet implicitement de conclure que le brevet porte concrètement sur le produit en question.

Faits

Une société est titulaire d’un brevet pharmaceutique. Swissmedic délivre à la société une autorisation de mise sur le marché pour un médicament. Pour l’un des produits du médicament, un certificat complémentaire de protection (certificat) est accordé par l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI).

Un concurrent forme une requête au Tribunal fédéral des brevets afin de faire constater la nullité du certificat.

Débouté, le concurrent forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit notamment se déterminer sur les conditions d’octroi d’un certificat (cf. art. 140b LBI).

Droit

L’IPI délivre au titulaire du brevet des certificats pour des produits, à savoir pour des principes actifs d’un médicament (art.Lire la suite

L’applicabilité du moratoire sur les zones à bâtir aux procédures pendantes

ATF 143 II 393 | TF, 07.10.15, 1C_449/2014*

Faits

Lors de la révision de son plan d’aménagement local, une commune du Canton de Fribourg affecte une parcelle en zone à bâtir. Les instances cantonales rejettent les recours formés contre la décision communale et approuvent la révision du plan d’aménagement, en dépit de la révision de la LAT intervenue en cours de procédure devant le Tribunal cantonal.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral doit déterminer si le moratoire sur les nouvelles zones à bâtir prévu par le nouveau droit de l’aménagement du territoire s’applique aux procédures déjà pendantes au moment de son entrée en vigueur.

Droit

La LAT révisée durcit les exigences pour un classement en zone à bâtir, dans le but de remédier aux lacunes de la législation antérieure. En vertu du nouvel art. 38a al. 1 LAT, les cantons doivent adapter leurs plans directeurs conformément aux exigences du nouveau droit dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de celui-ci. Entre-temps, la surface totale des zones à bâtir légalisées dans le canton ne doit pas augmenter (art. 38a al. 2 LAT).

Il faut déterminer si l’interdiction d’augmenter la surface des zones à bâtir s’applique également aux décisions de classement qui faisaient l’objet d’un recours au moment de son entrée en vigueur.… Lire la suite

Le consentement de l’époux au transfert de copropriété en procédure de divorce (CC 201 et 204)

ATF 141 III 13 | TF, 18.12.2014, 5A_240/2014*

Faits

Deux époux sont en procédure de divorce. Le Tribunal de première instance du canton de Genève ordonne à l’époux de ne pas disposer de ses parts de copropriété sur ses biens immobiliers, sauf accord exprès de son épouse.

Malgré cette décision, l’époux fait une donation à sa fille d’une part de copropriété sur l’une de ses parcelles. S’ensuit une réquisition d’inscription au Registre foncier. Apprenant cette réquisition, l’épouse, copropriétaire de la parcelle, fait opposition. Le Registre foncier refuse l’inscription de la fille en raison du défaut du consentement de l’épouse à la donation.

La fille recourt alors à la Cour de justice, puis au Tribunal fédéral, en invoquant une violation de l’art. 201 al. 2 CC – qui prévoit la restriction de la disposition des biens en copropriété des époux – en lien avec l’art. 204 al. 2 CC – qui prévoit la rétroactivité de la dissolution du mariage au jour de la demande.

Le Tribunal fédéral doit alors trancher la question de l’application de l’art. 201 al. 2 CC à une procédure de divorce.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle tout d’abord que le pouvoir d’examen du Registre foncier se limite à un examen formel.… Lire la suite