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L’examen du risque de récidive en cas de prolongation de la détention provisoire

TF, 05.03.2024, 7B_155/2024*

En cas de risque de récidive, qu’il soit simple ou qualifié, il convient de partir du principe d’une « proportionnalité inversée » entre la gravité de l’infraction et la probabilité de sa survenance. Ainsi, plus les actes potentiellement commis sont graves, plus la mise en danger de la sécurité d’autrui est élevée et moins les exigences en matière de risque de récidive doivent l’être. Ce raisonnement ne diffère pas en fonction de l’application du nouveau droit (art. 221 al. 1bis CPP) ou de l’ancien (art. 221 al. 1 lit. c aCPP).

Faits

Soupçonné d’avoir commis un meurtre à l’arme blanche, un prévenu est placé en détention provisoire.

Après une année, il dépose une demande de mise en liberté. Le Tribunal des mesures de contrainte la rejette et prolonge la détention provisoire au plus tard jusqu’à la mise en accusation du prévenu, en raison d’un risque qualifié de récidive. Le 8 janvier 2024, l’Obergericht zurichois rejette le recours contre cette décision, quelques jours après la mise en accusation du prévenu, désormais détenu pour des motifs de sûreté.

Le prévenu saisit le Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer sur les conditions liées au motif de la récidive.… Lire la suite

La libération conditionnelle du pédophile septuagénaire après un long internement

ATF 147 I 259 | TF, 24.03.2021, 6B_124/2021*

Pour évaluer le risque de récidive en vue d’une éventuelle libération conditionnelle de l’internement (art. 64a CP), on peut prendre en compte des délits non susceptibles, per se, de motiver le prononcé de l’internement, comme la consommation de pornographie enfantine. L’âge avancé d’un délinquant sexuel ne permet pas toujours de minimiser le risque de récidive. Un concept reposant sur la mise en place d’une surveillance étroite de l’auteur après sa mise en liberté pour prévenir un passage à l’acte est irréaliste et irresponsable.

Faits

Un homme abuse sexuellement de plusieurs garçons prépubères. En 2003, il est reconnu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP). En sus d’une peine privative de liberté, le tribunal prononce son internement selon l’ancien droit. Ultérieurement, l’autorité compétente ordonne la continuation de cette mesure selon le nouveau droit (art. 64 CP).

En 2012, il s’avère que le détenu possède de la pornographie enfantine dans l’établissement pénitentiaire. Ceci donne lieu à une condamnation en vertu de l’art. 197 al. 5 CP. L’affaire monte jusqu’au Tribunal fédéral, qui confirme le verdict (TF, 09.01.2018, 6B _557/2017).… Lire la suite

La détention pour des motifs de sûreté fondée sur le risque de récidive en cas de trafic de haschich

ATF 146 IV 326 | TF, 02.09.2020, 1B_393/2020*

Un trafic de haschich de grande envergure (plus de 300 kilogrammes) peut sérieusement compromettre la sécurité d’autrui au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP. Dès lors, une détention pour des motifs de sûreté peut être ordonnée à l’encontre d’une personne prévenue pour ces faits, dans la mesure où aucune mesure de substitution n’est à même de pallier le risque de récidive.

Faits

Le 1er octobre 2014, le Tribunal des mineurs du Canton de Genève astreint un jeune homme à un traitement ambulatoire et le condamne à une peine privative de liberté de 30 jours avec sursis pendant deux ans pour entrave à l’action pénale, délit et contravention à la Loi sur les stupéfiants (LStup). Par acte d’accusation du 17 juin 2020, le prévenu est renvoyé en jugement devant le Tribunal correctionnel pour s’être livré, entre fin 2014 et 2020, à un important trafic de haschisch à Genève. Il est détenu pendant deux mois entre avril et juin 2019 puis à nouveau depuis le 1er avril 2020, date à laquelle il est interpellé par la police en possession de cannabis. Le 23 juin 2020, le Tribunal des mesures de contrainte refuse sa mise en liberté et ordonne la mise en détention du prévenu pour des motifs de sûreté jusqu’à la date prévue pour l’audience de jugement de première instance, le 23 septembre 2020.… Lire la suite

Le droit de demeurer en Suisse après la fin de l’activité économique indépendante en cas de condamnation pénale

ATF 146 II 145 | TF, 04.02.2020, 2C_534/2019*

Un ressortissant européen qui a exercé une activité lucrative indépendante en Suisse a le droit de demeurer sur le territoire au sens de l’art. 4 Annexe I ALCP, même lorsque l’exercice de cette activité a débuté après l’âge réglementaire de la retraite. Par ailleurs, des condamnations pénales passées ne suffisent pas à justifier une mesure de renvoi en l’absence d’une mise en danger actuelle et concrète de l’ordre public suisse par la personne étrangère concernée, en vertu de l’art. 5 Annexe I ALCP.

Faits

En 2008, un ressortissant allemand né en 1935 arrive en Suisse avec son épouse, également ressortissante allemande, et obtient de l’Office des migrations du canton d’Argovie (OMCA) une autorisation de séjour EU/AELE pour exercer une activité non salariée en tant que médecin. L’autorisation d’établissement lui est accordée cinq ans plus tard. En 2016, l’intéressé est condamné par le Tribunal d’arrondissement de Zurzach pour des infractions qualifiées et répétées à la Loi sur les produits stupéfiants (LStup) et à la Loi sur les produits thérapeutiques (LPTh). Suite à cela, le Département de la santé et des affaires sociales du canton d’Argovie révoque son autorisation de pratiquer, décision que confirme le Tribunal fédéral (arrêt 2C_907/2018 du 2 avril 2019).… Lire la suite

La détention fondée sur le risque de récidive en cas d’infractions contre le patrimoine

TF, 20.03.2020, 1B_112/2020

Le vol répété de téléphones portables commis au préjudice de commerces durant les heures d’ouverture ne fonde pas en soi un risque de récidive justifiant une détention provisoire au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP. La fermeture des commerces liée à l’épidémie de coronavirus est en outre de nature à amoindrir le risque de récidive.

Faits

Un prévenu est condamné par deux ordonnances pénales pour tentative de vol, vol – respectivement vol d’importance mineure – et violation de domicile. Il fait opposition aux ordonnances en question. Au cours de la procédure, le prévenu est à nouveau interpellé pour des faits similaires et son placement en détention provisoire est ordonné par le Tribunal des mesures de contrainte pour une durée de trois mois.

Le prévenu recourt contre sa détention devant la Cour de justice du canton de Genève (ACPR/80/2020 du 30 janvier 2020), puis devant le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le risque de récidive retenu par l’instance précédente justifie la mise en détention.

Droit

Le Tribunal fédéral reprend pour l’essentiel le raisonnement développé dans son arrêt TF, 29.01.20, 1B_6/2020* (résumé in LawInside.ch/892/) : pour fonder un risque de récidive au sens de l’art.Lire la suite