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Le sort des avoirs bloqués en Suisse dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la Russie

ATF 149 IV 144 | TF, 30.01.2023, 1C_477/2022*

En raison du contexte actuel de la guerre en Ukraine, l’entraide judiciaire avec la Russie doit être suspendue (et non refusée) lorsque les autorités suisses – en exécution d’une demande d’entraide russe – ont provisoirement saisi des avoirs bancaires (art. 18 EIMP). Une telle saisie doit être maintenue durant la suspension.  

Faits

Le 27 janvier 2020, dans le cadre d’une instruction dirigée contre deux frères soupçonnés de détournements au préjudice d’une banque russe, les autorités russes adressent une demande d’entraide à la Suisse. À des fins de confiscation ultérieure, elles requièrent le blocage d’un compte détenu par une société en Suisse et dont les fonds sont supposés provenir des détournements précités.

Le 18 juin 2020, en exécution de cette demande, le Ministère public genevois (MP/GE) ordonne la saisie conservatoire de ces fonds (art. 18 EIMP).

Suite à une demande d’entraide complémentaire de la Russie, le MP/GE rend une ordonnance de clôture partielle le 9 avril 2021, dans laquelle il ordonne la transmission de la documentation bancaire relative à plusieurs comptes détenus par la société précitée. Celle-ci recourt contre l’ordonnance auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF).… Lire la suite

L’annulation d’une décision d’extradition vers l’Arménie 

ATF 148 IV 314 | TF, 21.03.2022, 1C_116/2022*

En raison de la situation des droits de l’homme en Arménie, des garanties diplomatiques générales relatives au respect de l’art. 3 CEDH durant la détention ne suffisent pas à assurer la protection d’un sexagénaire malade en cas d’extradition. 

Faits

Le 2 décembre 2019, l’Arménie requiert de la Suisse l’extradition d’un ressortissant turco-arménien de plus de 60 ans, soupçonné d’escroquerie et de blanchiment d’argent. En août 2020, l’OFJ exige des autorités arméniennes qu’elles fournissent des garanties diplomatiques quant aux conditions de détention. Ces dernières répondent positivement à cette demande.

En décembre 2020, le Ministère public du canton d’Argovie auditionne l’individu, qui refuse de consentir à l’extradition simplifiée. L’Office fédéral de la justice (OFJ) ordonne néanmoins son extradition vers l’Arménie. Cette décision est confirmée par le Tribunal pénal fédéral (TPF) à condition pour l’Arménie de fournir la garantie supplémentaire suivante : “La détention et l’exécution de la peine du requérant se feront exclusivement dans l’une des prisons pilotes de la réforme du gouvernement arménien concernant le système pénitentiaire 2019-2023“.

Selon le TPF, une telle garantie serait justifiée en raison de la situation précaire des droits de l’homme en Arménie (en particulier l’exécution des peines et les soins médicaux), ainsi qu’en raison de l’âge et de l’état de santé de l’individu visé par la demande d’extradition.… Lire la suite

Extension de la prescription pénale des génocides et crimes contre l’humanité

Tribunal pénal fédéral, 23.09.2021, BB.2021.141

En exception au principe de la lex mitior, les infractions de génocide et de crimes contre l’humanité doivent être poursuivies en Suisse dans la mesure où la poursuite n’était pas prescrite, sous l’angle du droit national, au 1er janvier 1983 (génocide), respectivement au 1er janvier 2011 (crimes contre l’humanité), et ce même si elles ont été commises avant l’entrée en vigueur des dispositions les réprimant (art. 264 et 264a CP).

Faits

En avril 1990, alors qu’il se trouve en Suisse, un ancien diplomate et militant iranien connaît une mort violente. Le Ministère public du canton de Vaud ouvre une instruction à l’encontre de treize prévenus pour assassinat. En mai 2020, suite à de nombreux actes d’enquêtes, il informe les parties plaignantes de son intention de classer la procédure, les infractions étant prescrites. Le frère de la victime, constitué partie plaignante (ci-après : le recourant), estime que les faits sont en relation directe avec le massacre de trente mille prisonniers politiques perpétré en Iran en 1988, sous couvert de la fatwa prononcée par le guide suprême Khomeini. Il dénonce les actes commis par les prévenus comme étant constitutifs de génocide et de crimes contre l’humanité au sens des art.Lire la suite

La fourniture préalable de garanties diplomatiques en vue d’une extradition vers la Russie

ATF 148 I 127 | TF, 01.09.2021, 1C_381/2021*

Les garanties diplomatiques requises en l’espèce auprès de la Russie – telles que la mise en place d’un système de monitoring dès la remise de la personne extradée à l’État requérant, la connaissance du lieu de détention avant l’extradition et sa localisation à l’ouest de l’Oural – suffisent à assurer la protection de la personne extradée de manière conforme à la CEDH.

Faits 

Le 18 avril 2016, la Russie requiert de la Suisse l’extradition d’un ex-banquier russe recherché pour des faits de fraude à grande échelle et de blanchiment d’argent. Le 29 novembre 2019, l’Office fédéral de la justice accorde l’extradition, moyennant un certain nombre de garanties diplomatiques.

L’ex-banquier dépose un recours contre la décision d’extradition auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, laquelle le rejette (RR.2020.4 et RR. 2019.325). La Cour requiert toutefois que les garanties diplomatiques soient complétées par la Russie.

Le 21 décembre 2020, le Tribunal fédéral admet le recours de l’ex-banquier à l’encontre de l’arrêt de la Cour des plaintes, compte tenu de l’évolution de la situation des droits de l’homme en Russie. Il renvoie la cause à la Cour des plaintes, qui est chargée d’examiner si les garanties sont suffisantes, eu égard notamment à la situation prévalant actuellement en Russie et aux circonstances particulières du cas d’espèce (1C_444/2020).… Lire la suite

Données Falciani : demande d’entraide internationale en matière pénale formulée par la Grèce

TPF, 17.07.2018, RR.2017.338

En matière d’entraide internationale pénale, un État adopte un comportement contraire au principe de la bonne foi s’il formule une demande d’entraide sur le fondement de données volées en Suisse ou à l’étranger. En la présence de motifs fondés qui laissent soupçonner que la demande d’entraide se base sur des données volées, l’autorité requise est tenue de les dissiper. À défaut, l’entraide doit être rejetée.

Faits

Les autorités pénales grecques mènent une enquête pour corruption d’agents publics. Dans ce cadre, elles sollicitent de la Suisse l’entraide internationale en matière pénale et demandent la communication de renseignements relatifs à un compte ouvert auprès d’une banque genevoise. En effet, un pot-de-vin aurait été versé sur ce compte.

Le détenteur du compte soulève que la demande d’entraide grecque serait fondée sur les données bancaires volées par Hervé Falciani et que la demande devrait, dès lors, être rejetée. Il s’avère en effet que l’identité du détenteur du compte se trouve parmi les données Falciani sur la “Liste Lagarde”.

Nonobstant ce fait, le Ministère public de la Confédération (MPC), qui estime que la demande grecque ne serait pas fondée sur les données Falciani, accorde l’entraide aux autorités grecques.

Contre cette décision, le détenteur du compte forme un recours au Tribunal pénal fédéral.… Lire la suite