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La surveillance des télécommunications par les services secrets (CourEDH) (I/III)

CourEDH, 13.09.2018, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15

En tant que telle, l’interception massive de communications n’excède pas la marge d’appréciation laissée aux Etats pour préserver leur sécurité nationale. Il n’est pas indispensable que la mise en œuvre d’une telle surveillance face l’objet d’un contrôle ex ante par une autorité indépendante. Les bases légales et la procédure nationales doivent cependant présenter une densité normative suffisante et garantir la proportionnalité.

Faits

À la suite des révélations d’Edward Snowden, plusieurs personnes physiques et morales contestent la conformité de la surveillance électronique déployée par les services secrets du Royaume-Uni au droit à la vie privée garanti par la CEDH (art. 8 CEDH).

Après avoir épuisé les voies de droit nationales, les requérants agissent devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans ce contexte, la CourEDH examine la conventionnalité de trois types de surveillance : (I) l’interception massive de communications ; (II) le partage de renseignements avec les services secrets étrangers ; et (III) l’obtention de données de communications auprès de fournisseurs de télécoms.

Le présent résumé s’attache au premier de ces trois types de surveillance.

L’interception massive de communications consiste à intercepter un nombre indéterminé de communications pendant leur transmission (p.… Lire la suite

Le droit de séjour fondé sur le droit à la vie privée (art. 8 CEDH)

ATF 144 I 266 | TF, 08.05.2018, 2C_105/2017*

Le refus de prolongation d’une autorisation de séjour peut constituer une atteinte au droit à la vie privée selon l’art. 8 CEDH. En principe, après un séjour légal d’une dizaine d’années ou plus, les relations sociales d’un étranger se sont intensifiées au point que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin au droit de séjour. Il est également possible que le droit au respect de la vie privée soit violé si l’autorisation n’est pas renouvelée alors même que la période de résidence est inférieure à 10 ans. Dans ce cas, l’étranger doit être particulièrement bien intégré : en sus de relations sociales étroites, une maîtrise de la langue et une intégration sur les plans professionnel et économique sont nécessaires.

Faits

Un Argentin et une Allemande se marient en 2004. Le couple s’installe en Suisse en 2007, mais divorce en 2011. L’Office des migrations du canton de Zurich refuse alors de prolonger le permis de séjour du ressortissant argentin, décision confirmée par le Tribunal administratif zurichois.

Dans l’intervalle, l’Argentin s’installe en concubinage avec une Suissesse. Il obtient ainsi une nouvelle autorisation de séjour.

En 2016, le concubinage prend toutefois fin et l’autorisation de séjour de l’Argentin, alors âgé de 41 ans, n’est pas prolongée.… Lire la suite

La campagne médiatique en tant qu’atteinte à la personnalité (arrêt Hirschmann 1ère partie)

ATF 143 III 297 | TF, 09.06.17, 5A_256/2016*

Faits

Carl Hirschmann est un millionnaire actif dans le milieu de la nuit. A la suite de son arrestation pour des délits sexuels, le groupe Tamedia ainsi que le 20 minuten publient pendant une année de nombreux articles sur lui. Hirschmann estime qu’il fait l’objet d’une campagne médiatique et exige le retrait de plusieurs articles illicites. En outre, il réclame la remise du gain obtenu par les entités médiatiques consécutivement à l’atteinte.

Dans un premier arrêt (TF, 09.06.15, 5A_658/2014), le Tribunal fédéral constate l’illicéité de plusieurs articles et ordonne leur suppression. Il renvoie l’affaire au Tribunal de commerce de Berne en ce qui concerne notamment l’existence d’une campagne médiatique illicite et la remise du gain. Le Tribunal de commerce nie l’existence d’une campagne médiatique et rejette l’action en remise de gain. Hirschmann saisit à nouveau le Tribunal fédéral qui doit déterminer les caractéristiques d’une campagne médiatique.

Droit

En présence d’articles publiés dans les médias, le droit à l’honneur et au respect de la vie privée sont généralement concernés. Ces droits peuvent être atteints même en cas de diffusion d’informations véridiques  ; il convient alors d’examiner l’objectivité de la présentation des informations et la présentation de faits rabaissant.… Lire la suite

Le transfert de données bancaires aux USA et la CEDH

CourEDH, 22.12.2015, G.S.B. c. Suisse

Faits

Les autorités américaines reprochent à UBS d’avoir facilité à grande échelle l’évasion fiscale de contribuables américains. Dans ces circonstances, un accord est conclu entre les Etats-Unis et la Suisse pour permettre la transmission des données des clients américains d’UBS aux autorités fiscales américaines (cf. l’Accord du 19 août 2009 et l’Arrêté fédéral du 17 juin 2010, ensemble « la Convention 10 »). Le titulaire américain d’un compte auprès d’UBS conteste la décision de transmettre ses données bancaires. Il est débouté par toutes les instances suisses.

Saisie, la Cour européenne des droits de l’homme (la « CourEDH  ») doit déterminer si la transmission des données bancaires aux Etats-Unis est conforme à la CEDH et en particulier au droit à la vie privée.

Droit

L’art. 8 CEDH garantit le droit à la vie privée et familiale. Conformément à l’art. 8 par. 2 CEDH, une ingérence dans la vie privée n’est admissible que si elle est (1) prévue par la loi, (2) justifiée par l’un des buts légitimes énumérés dans la disposition en question, et (3) nécessaire dans une société démocratique.

En l’espèce, la transmission des données bancaires du requérant constitue une ingérence dans sa vie privée.… Lire la suite

La divulgation d’une relation sentimentale par la presse

TF, 10.08.2015, 5A_104/2015

Faits

Un quotidien publie un article critiquant les méthodes douteuses d’une bailleresse à Genève. Dans l’article, il est précisé que celle-ci est la compagne d’un conseiller d’Etat genevois. L’article révèle l’identité du politicien, mais ne mentionne pas celle de la compagne. En revanche, il donne l’adresse exacte de son immeuble.

La bailleresse agit en protection de sa personnalité et demande le retrait de l’article, également publié sur Internet. A cet égard, elle invoque le respect de sa vie privée. Le quotidien conteste toute atteinte à la personnalité et affirme que, le cas échéant, cette atteinte serait justifiée par l’intérêt du public à être informé de certaines pratiques immobilières dans le canton. Le tribunal de 1ère instance et le Tribunal cantonal condamnent le quotidien qui recourt au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral doit se pencher sur la question de savoir si l’article du quotidien constitue une atteinte à la sphère privée de la bailleresse.

Droit

Dans le cas d’espèce, le Tribunal cantonal a retenu que le quotidien a dévoilé la relation que la bailleresse entretenait avec le conseiller d’Etat. Cette relation n’était pas publique et tombait dès lors dans sa sphère privée. Cependant, pour admettre l’existence d’une atteinte, il faut que la personne soit reconnaissable (ATF 135 III 145 c.Lire la suite