La prescription de l’enrichissement illégitime et l’art. 141bis CP

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ATF 141 IV 71 | TF, 04.02.2015, 4A_424/2014*

Faits

Au lieu de répartir l’argent entre les deux héritiers d’un de cujus, un notaire verse la totalité à l’un des héritiers. L’héritier lésé conclut dans un premier temps une convention d’indemnisation avec le notaire pour réparer son dommage. Dans un second temps, le notaire réclame de l’héritier enrichi le remboursement de la somme qui ne lui est pas due. Ce dernier refuse pourtant de le faire. Deux ans après avoir fait le versement litigieux, le notaire actionne en responsabilité l’héritier enrichi. Ce dernier invoque la prescription de l’action en enrichissement illégitime (art. 67 CO – 1 an). Le notaire reproche quant à lui à l’héritier enrichi d’avoir commis une infraction au sens de l’art. 141bis CP (utilisation sans droit de valeurs patrimoniales). Par conséquent, il estime que le délai de prescription de son action en enrichissement illégitime est celui de l’action pénale, à savoir de 7 ans (art. 60 al. 2 CO).

Il se pose notamment la question de savoir si l’infraction de l’art. 141bis CP a été consommée et, le cas échéant, si la prescription de l’action en enrichissement illégitime est celle de l’action pénale.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle en premier lieu que le droit pénal est soumis au principe de subsidiarité (ultima ratio), qui dispose que les litiges entre privés doivent être réglés en priorité par le droit civil. Le simple fait de refuser de rendre une somme d’argent reçue de manière indue ne constitue pas une infraction à l’art. 141bis CP. L’appauvri est au bénéfice d’une action en enrichissement illégitime. En raison de la subsidiarité du droit pénal, il n’est pas nécessaire de sanctionner pénalement le comportement de l’enrichi qui ne fait que rejeter – et donc de contester – la prétention du lésé. Admettre le contraire reviendrait à rendre tous ceux qui contestent à tort une action en enrichissement illégitime coupable d’infraction au sens de l’art. 141bis CP.

L’héritier enrichi n’a pas abusé de son droit en invoquant la prescription, le notaire étant censé être conscient du délai relatif de prescription de l’action en enrichissement illégitime.

Son action en enrichissement illégitime est dès lors prescrite, faute d’avoir été intentée dans le délai relatif d’un an à compter de la connaissance de l’enrichissement (art. 67 al. 1 CO).

Proposition de citation : Alborz Tolou, La prescription de l’enrichissement illégitime et l’art. 141bis CP, in : https://www.lawinside.ch/1/