La recevabilité d’une action cumulée à une action en libération de dette
L’action cumulée à une action en libération de dette n’est admissible que si elle n’est pas elle-même soumise à la tentative de conciliation préalable ; la recevabilité devant être examinée séparément pour chacune des deux actions. Néanmoins, il y a lieu de faire une exception pour l’action cumulée en restitution de la cédule hypothécaire lorsqu’elle est un simple accessoire de l’inexistence de la créance objet de l’action en libération de dette.
Faits
Un créancier prête CHF 250’000 à un débiteur moyennant la remise d’une cédule hypothécaire au porteur. À l’échéance du prêt, le débiteur ne rembourse que CHF 200’000 estimant que le créancier lui a remis partiellement la dette pour un montant de CHF 50’000.
Le créancier met le débiteur aux poursuites pour ce montant de CHF 50’000. Suite à l’opposition du débiteur, le créancier en obtient la mainlevée provisoire. Le débiteur introduit dès lors une demande en libération de dette (art. 83 al. 2 LP), laquelle ne doit pas être précédée d’une procédure de conciliation (art. 198 let. e ch. 1 CPC) – et conclut (i) à ce qu’il soit constaté qu’il n’était pas le débiteur du montant de CHF 50’000 et (ii) à ce que le défendeur libère et lui restitue la cédule hypothécaire.
Le Tribunal d’arrondissement de La Côte rejette la première conclusion et déclare la seconde irrecevable car la conciliation préalable obligatoire n’a pas été tentée. Le Tribunal cantonal vaudois rejette l’appel du débiteur et réforme d’office (en l’absence de grief) le jugement entrepris en ce sens que la demande était irrecevable dans son entier. Sur recours du débiteur, le Tribunal fédéral est amené à trancher la question de savoir si le débiteur qui ouvre action en libération de dette peut y joindre une action additionnelle en restitution de la cédule hypothécaire quand bien même cette dernière action ne serait pas dispensée de l’obligation de la conciliation préalable.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par relever que lorsque le débiteur dépose, en même temps que son action en libération de dette, d’autres conclusions, il y a cumul objectif d’actions au sens de l’art. 90 CPC, et non une reconvention (qui n’exigerait pas de conciliation préalable en vertu de l’art. 198 let. g CPC).
L’action cumulée est en principe admissible que si elle est connexe à l’action principale et, par conséquent, entre dans la compétence locale du juge saisi, ressortit également à sa compétence matérielle et est soumise à la même procédure. Aussi, l’action cumulée à une action en libération de dette n’est admissible que si elle n’est pas elle-même soumise à la tentative de conciliation préalable. Si tel n’est pas le cas, elle est irrecevable et la procédure se poursuit sur la seule action en libération de dette. En effet, le Tribunal fédéral considère que la recevabilité doit être examinée séparément pour chacune des actions.
Il souligne encore que les auteur-ice-s qui soutiennent que dans pareille situation les deux actions devraient être exemptées de la conciliation préalable ou, au contraire, qu’elles devraient toutes deux être soumises à la conciliation préalable sous peine d’irrecevabilité ne peuvent être suivi-e-s. En effet, d’une part, l’action cumulée à une action en libération de dette ne constitue pas une action reconventionnelle exemptée de la procédure de conciliation préalable ; d’autre part, imposer une tentative de conciliation à l’action en libération de dette serait contraire à l’art. 198 let. e ch. 1 CPC qui l’en exempte. Néanmoins, le Tribunal fédéral relève qu’il y a lieu de faire une exception pour l’action cumulée en restitution de la cédule hypothécaire lorsqu’elle est un simple accessoire de l’inexistence de la créance objet de l’action en libération de dette. Tel ne serait en revanche pas le cas lorsque la cédule hypothécaire garantit encore d’autres prétentions que celles en litige, comme c’est souvent le cas en vertu des conditions générales des banques et des conventions de fiducie passées avec leurs clients.
Au vu de ce qui précède, dans la mesure où il a jugé (d’office) que les deux actions étaient irrecevables, le Tribunal cantonal vaudois a méconnu le droit. Partant, le recours est admis et la cause est renvoyée à l’instance précédente.
Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, La recevabilité d’une action cumulée à une action en libération de dette, in : https://www.lawinside.ch/1213/