La portée d’un règlement des remboursements de frais agréé par l’autorité fiscale

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ATF 148 II 504 | TF, 14.10.2022, 2C_804/2021*

Le remboursement forfaitaire des frais intervenant sur la base d’un règlement des frais agréé doit être accepté sans réserve par l’autorité fiscale lors de la taxation. L’autorité fiscale est liée par le règlement des frais même si l’accord a été donné par l’autorité fiscale d’un autre canton. 

Faits

Un contribuable domicilié dans le canton de Vaud est employé d’une société à Genève. Il perçoit de son employeur une indemnité forfaitaire de CHF 18’000 pour l’usage de son véhicule privé pour des interventions professionnelles. Cette indemnité est fondée sur un règlement des remboursements de frais de l’employeur agréé par l’Administration fiscale cantonale genevoise.

L’Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ACI) impose partiellement l’indemnité forfaitaire à titre de revenu pour un montant de CHF 5’400 à CHF 15’000 en fonction de la période fiscale considérée. Elle estime que l’indemnité perçue par l’employé dépasse les frais effectivement engagés. Le contribuable recourt au Tribunal cantonal lequel admet le recours en considérant que l’indemnité forfaitaire n’est pas un revenu imposable.

L’ACI forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la portée du règlement des remboursements de frais agréé par une administration fiscale cantonale, et notamment sur l’application intercantonale de celui-ci.

Droit

L’impôt sur le revenu frappe l’ensemble des revenus du contribuable, y compris les revenus accessoires (art. 16 al. 1 et 17 al. 1 LIFD).

En droit du travail, l’employeur est tenu de rembourser au travailleur les frais imposés par l’exécution du travail (art. 327a CO). Il s’agit notamment des trajets effectués avec un véhicule privé pour des missions professionnelles (« trajets d’interventions Â»). Ces trajets doivent être distingués de ceux entre le lieu de travail et le domicile (« trajets professionnels Â»), lesquels ne sont pas soumis au remboursement des frais. Selon le principe de l’unité de l’ordre juridique, le droit fiscal reprend cette catégorisation.

A défaut d’accroître la fortune nette, le remboursement des frais d’intervention par l’employeur ne constitue pas un revenu imposable. En effet, il s’agit d’indemniser des dépenses engagées par l’employé au bénéfice de son employeur. Lorsque le remboursement des frais dépasse les dépenses effectives de l’employé, la partie excédentaire est un revenu accessoire imposable selon l’art. 17 al. 1 LIFD. Cela étant, tel n’est pas le cas lorsque le remboursement forfaitaire intervient sur la base d’un règlement des frais agréé par l’autorité fiscale. Un tel règlement a précisément pour but de régler par avance entre l’employeur et l’autorité fiscale la question de l’adéquation entre les frais forfaitairement perçus et effectivement engagés. Ainsi, au stade de la taxation, l’autorité fiscale ne peut plus contrôler l’adéquation des frais. Elle ne peut que vérifier si le montant perçu correspond à celui prévu dans le règlement agréé. Ce qui précède vaut également lorsque l’autorité de taxation n’est pas celle qui a accepté le règlement en question. Selon le principe de la bonne foi, il suffit que l’autorité fiscale du canton du siège de l’employeur adhère au règlement afin que l’ensemble des cantons soient liés.

En l’espèce, l’ACI ne pouvait que vérifier la conformité de l’indemnité forfaitaire perçue avec le montant prévu dans le règlement agréé par l’Administration fiscale cantonale genevoise. Elle ne pouvait pas contrôler l’adéquation du montant versé. Par conséquent, le remboursement forfaitaire des frais selon le règlement agréé ne constitue pas un revenu imposable selon l’art. 17 al. 1 LIFD, et ce même si le forfait dépasse les frais effectifs de l’employé.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Note

Contrairement aux frais d’intervention qui sont remboursés par l’employeur, l’employé supporte seul ses frais professionnels, à savoir notamment ceux engendrés par le trajet entre son domicile et son lieu de travail. Le fait de percevoir une indemnité forfaitaire pour les frais d’intervention selon le règlement agréé n’empêche pas de solliciter la déduction fiscale des frais professionnels pour le trajet entre le domicile et le lieu de travail (cf. art. 26 al. 1 let. a LIFD). L’administration fiscale n’est alors pas autorisée à « détourner Â» le montant forfaitaire perçu pour l’attribuer à la couverture des frais professionnels déductibles.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La portée d’un règlement des remboursements de frais agréé par l’autorité fiscale, in : https://www.lawinside.ch/1249/