La dérogation du plan d’affectation spécial au plan d’affectation général

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ATF 149 II 79 | TF, 08.11.2022, 1C_398/2021*

Un plan d’affectation spécial peut déroger au plan d’affectation général dans la mesure où les écarts ne conduisent pas à vider la planification de base de sa substance. Les écarts doivent être appréciés strictement lorsque le plan d’affectation spécial dispose d’une légitimité démocratique faible.

Faits

Le Gemeindevorstand de la commune de Samedan dans le canton des Grisons adopte un plan d’affectation spécial qui prévoit l’implantation d’un centre régional de l’administration à proximité de la gare. Ce plan d’affectation spécial prévoit une longueur maximale des bâtiments deux à trois plus grande par rapport à celle qui est autorisée selon le plan d’affectation général et le règlement de base.

Des propriétaires concernés contestent sans succès le plan d’affectation spécial auprès du gouvernement, puis auprès du Tribunal administratif du canton des Grisons. Les propriétaires forment alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer dans quelle mesure le plan d’affectation spécial peut s’écarter de la planification d’affectation de base.

Droit

L’art. 2 al. 1 LAT prévoit l’obligation d’aménager le territoire par le biais de plans d’aménagement concordants.

La jurisprudence admet qu’un plan d’affectation spécial peut déroger à la planification de base dans la mesure où les écarts ne conduisent pas à vider le plan d’affectation de base de sa substance. Le droit cantonal peut préciser l’ampleur de la dérogation possible au plan d’affectation général. Néanmoins, on ne saurait admettre des écarts majeurs au plan d’affectation général, ce qui reviendrait à vider de son sens la structure pyramidale des plans. En particulier, l’adoption d’un plan d’affectation spécial de façon non coordonnée avec les autres plans est contraire à l’obligation d’aménager le territoire selon l’art. 2 al. 1 LAT.

Il est possible que le droit cantonal ne fixe pas de limites aux écarts que le plan d’affectation spécial peut présenter par rapport à la planification de base. Ces écarts doivent néanmoins respecter les exigences du droit fédéral. Le droit cantonal ne peut donc que restreindre, et non pas élargir, l’admissibilité des dérogations au plan d’affectation de base par un plan d’affectation spécial compte tenu du droit fédéral (art. 2 al. 1 LAT).

Enfin, l’admissibilité des dérogations du plan d’affectation spécial au plan d’affectation de base doit être appréciée selon des critères strictes lorsque l’adoption du plan d’affectation spécial n’est pas soumise à la même procédure et que celle-ci a été décidée par une autorité disposant d’une légitimité démocratique plus faible.

En l’espèce, le droit cantonal admet que le plan d’affectation spécial en cause peut déroger à d’autres plans dans la mesure où aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 46 al. 2 KRG/GR). Le Tribunal fédéral relève que le plan d’affectation spécial a été adopté par le Gemeindevorsand, soit l’exécutif communal, et qu’il n’a pas été soumis au vote à l’inverse du plan d’affectation général (art. 48 al. 1 KRG/GR). Le plan litigieux dispose donc d’une légitimité démocratique moindre, de sorte que les dérogations à la planification de base doivent être examinées de manière stricte. En prévoyant une longueur des bâtiments deux à trois fois plus longue, le plan d’affectation spécial s’écarte de manière importante du plan d’affectation général. Un tel écart est incompatible avec l’art. 2 al. 1 LAT. Le fait qu’aucun intérêt prépondérant ne s’oppose à la longueur des bâtiments telle que prévue dans le plan d’affectation spécial n’est pas pertinent pour juger de la compatibilité du plan avec l’art. 2 al. 1 LAT.

Par conséquent, le Tribunal fédéral annule le plan d’affectation spécial et admet le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La dérogation du plan d’affectation spécial au plan d’affectation général, in : https://www.lawinside.ch/1268/