L’invocation de la compensation dans deux procédures parallèles

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ATF 141 III 549 | TF, 23.11.15, 4A_221/2015*

Faits

Un maître d’ouvrage conclut deux contrats différents avec un entrepreneur. L’un porte sur la réalisation d’un parking souterrain pour 10 millions de francs et l’autre sur la rénovation d’un stade sportif pour 20 millions de francs. Le maître de l’ouvrage paie plusieurs acomptes, mais des litiges surviennent lors de la facturation finale des deux ouvrages. L’entrepreneur dépose alors une action en paiement pour chaque ouvrage. Dans les deux procédures, le maître d’ouvrage fait valoir la compensation avec une créance résultant de la construction du stade sportif. Le présent litige ne concerne que le parking souterrain.

Dans la procédure concernant le parking souterrain, le tribunal de première instance refuse l’invocation de la compensation et condamne le maître d’ouvrage à payer la somme de 250’000 francs, ce que le Tribunal cantonal confirme. Le maître d’ouvrage saisit alors le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si on peut faire valoir la compensation dans une procédure alors que la créance compensatrice fait l’objet d’un autre procès pendant.

Droit

L’instance précédente avait notamment considéré que l’art. 153 al. 1 de la norme SIA 118, à laquelle le contrat était soumis, excluait l’invocation de la compensation par les parties. Le Tribunal fédéral rejette d’emblée ce grief et constate que cette disposition ne s’oppose pas à l’invocation de la compensation dans un contrat régi par la norme SIA 118.

Le Tribunal cantonal avait également constaté que la créance compensatrice invoquée dans la procédure du parking était la même que celle invoquée dans le procès du stade sportif. Dans ce cas, le lien de litispendance de la procédure du stade empêcherait d’entrer en matière sur la compensation soulevée dans le procès du parking. La doctrine majoritaire retient cependant que la compensation invoquée dans une procédure n’est pas soumise au lien de litispendance au sens de l’art. 62 CPC. Le Tribunal fédéral se distancie toutefois de cette affirmation. En raison de l’économie de procédure et du danger d’un jugement contradictoire, il n’est pas acceptable que deux tribunaux statuent en parallèle sur l’existence d’une créance compensatrice entre les mêmes parties.

Dans un tel cas, il faut coordonner les procédures afin d’éviter de juger deux fois la même créance. Cela peut être atteint soit au moyen du renvoi pour cause de connexité (art. 127 CPC) soit par une jonction de causes (art. 125 lit. c CPC). Dans la mesure où le procès n’est pas rallongé de manière contraire au principe de célérité, une suspension de la procédure (art. 126 CPC) est également envisageable. La jonction de causes doit toutefois être préférée.

En l’espèce, l’instance précédente avait nié la possibilité d’invoquer la compensation alors que rien ne s’y opposait. Le recourant n’a cependant pas droit à deux jugements concernant la constatation de la créance invoquée en compensation. Partant, le recours est admis et le Tribunal cantonal devra statuer sur l’éventuelle créance compensatrice en coordonnant la procédure du parking avec celle du stade sportif.

Proposition de citation : Julien Francey, L’invocation de la compensation dans deux procédures parallèles, in : https://www.lawinside.ch/133/