Le maintien d’une détention provisoire contre l’avis du Ministère public
Faits
Sur demande du Ministère public, le tribunal des mesures de contrainte (ci-après : le TMC) place un prévenu tunisien en détention provisoire pour 3 mois. Quelques semaines après, le Ministère public sollicite auprès du TMC des mesures de substitution à la place de la détention provisoire. Le TMC rejette cette requête en avançant que les risques de fuite sont trop importants. Le prévenu recourt alors au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit trancher la question de savoir si le TMC peut refuser des mesures de substitution requises par le Ministère public et maintenir ou ordonner la détention provisoire.
Droit
Le Tribunal fédéral relève que le TMC peut prendre des mesures de substitution à la place d’une détention provisoire demandée par le Ministère public (art. 226 al. 4 lit. c et 227 al. 5 CPP). En revanche, la loi ne règlemente pas la situation inverse où le TMC veut ordonner une détention provisoire alors que le Ministère public a uniquement sollicité des mesures de substitution.
L’art. 226 al. 4 lit. c et l’art. 227 al. 5 CPP concrétisent le principe de proportionnalité et imposent la détention provisoire seulement lorsque des mesures de substitution ne sont pas envisageables. Ainsi, la détention provisoire doit rester l’ultima ratio. Pour veiller à ce que cette condition soit respectée et que les droits du prévenu soient sauvegardés, la détention provisoire doit être validée par le TMC, qui constitue un contrepoids au pouvoir du Ministère public. Il s’ensuit que si le Ministère public ne demande pas la détention provisoire, le TMC ne peut pas aller au-delà de la requête du Ministère public et l’ordonner ou la maintenir. Le Message sur le CPP prévoit d’ailleurs explicitement que le TMC ne peut pas ordonner la détention provisoire si le Ministère public requiert uniquement des mesures de substitution.
Par conséquent, le Tribunal fédéral conclut que le TMC ne peut pas ordonner ou prolonger la détention provisoire lorsque le Ministère public ne sollicite que des mesures de substitution.
En l’espèce, la demande de mesures de substitution a été déposée bien avant la fin de la première période de détention provisoire ordonnée par le TMC. Par conséquent, le Ministère public ne sollicitait pas des mesures pour une nouvelle période postérieure à la fin de la détention provisoire, mais déjà pour la durée actuelle de détention provisoire. En d’autres termes, il s’agissait de revenir sur la décision en raison de faits nouveaux. Dans la mesure où le Ministère public avait requis la détention provisoire, le TMC pouvait librement examiner s’il fallait la maintenir ou ordonner des mesures de substitution. Le Tribunal fédéral constate que le risque de fuite du prévenu tunisien était trop considérable et que des mesures de substitution n’étaient pas aptes à l’empêcher de fuir. Partant, la détention provisoire s’imposait.
Le recours est dès lors rejeté.
Proposition de citation : Julien Francey, Le maintien d’une détention provisoire contre l’avis du Ministère public, in : https://www.lawinside.ch/167/