La prescription des actes de pornographie enfantine

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ATF 141 IV 93 | TF, 10.02.2015, 6B_1085/2014*

Faits

Le 30 novembre 2008, le peuple et les cantons ont accepté en votation populaire l’initiative « pour l’imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine » (art. 123b Cst.). Le texte constitutionnel a été transposé par une modification du Code pénal entrée en vigueur le 1er janvier 2013 (art. 101 al. 1 let. e CP). À teneur de cette disposition, divers délits d’ordre sexuel sont désormais imprescriptibles s’ils sont commis sur des enfants de moins de 12 ans et pour autant qu’ils n’étaient pas déjà prescrits au moment de l’acceptation de l’initiative (soit le 30 novembre 2008, cf. art. 101 al. 3 CP).

En 2010, une fille porte plainte contre son père pour avoir abusé sexuellement d’elle alors qu’elle avait entre 7 et 12 ans. La même année, le Ministère public du Canton de Bâle-Ville (MP) rend une ordonnance de classement, l’infraction étant prescrite. Non contestée, la décision est entrée en force.

En juillet 2013, le MP ouvre une nouvelle procédure en estimant que l’entrée en vigueur des dispositions d’exécution de l’initiative constitue un fait nouveau (nova) au sens de l’art. 323 al. 1 CPP. Le père conteste alors cette décision devant le Tribunal d’appel, qui l’annule en admettant le recours.

La fille saisit le Tribunal fédéral d’un recours tendant à l’annulation de l’arrêt en faisant valoir que l’initiative a été acceptée au mois de novembre 2008, de sorte qu’elle doit s’appliquer à son cas qui a été porté à connaissance des autorités postérieurement et, d’autre part, qu’à cette date, l’infraction n’était pas encore prescrite.

Il se pose dès lors la question de savoir si l’entrée en vigueur des dispositions d’exécution de l’initiative constitue un fait nouveau au sens de l’art. 323 al. 1 CPP, ce qui permettrait au MP de reprendre la procédure classée contre le père.

Droit

Le Tribunal fédéral constate d’emblée que la recourante aurait dû contester l’ordonnance de classement en demandant la suspension de la procédure jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions d’exécution, ce qu’elle a manqué de faire.

Quant à la question principale, il rappelle qu’une décision de classement équivaut à un acquittement (art. 320 al. 4 CPP). Cela étant, une nouvelle procédure portant sur une même infraction ne peut se faire que lorsque les conditions pour une reprise de la procédure préliminaire (art. 323 al. 1 CPP) ou une révision (art. 410 CPP) sont remplies (art. 11 CPP). La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux contenue dans ces deux dispositions – et justifiant ainsi une reprise de la procédure ou une révision – est la même : par faits, on entend les circonstances susceptibles d’être prises en considération dans l’état de fait qui fonde le jugement, par moyens de preuve des éléments apportant la preuve d’un fait. Une conception juridique nouvelle (Rechtsauffassung) ne constitue notamment pas un fait nouveau et ne justifie donc pas la reprise d’une procédure classée (ATF 137 IV 59, c. 5.1).

En l’espèce, l’entrée en vigueur des dispositions d’exécutions au 1er janvier 2013 n’est pas un fait nouveau, mais une question de droit. Partant, les conditions d’une reprise d’une procédure classée en vertu de l’art. 323 al. 1 CPP ne sont pas remplies.

Par conséquent, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Simone Schürch, La prescription des actes de pornographie enfantine, in : https://www.lawinside.ch/17/