L’opposition à l’ordonnance pénale et la restitution du délai

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ATF 142 IV 201 – TF, 02,05,2016, 6B_175/2016*

Faits

Le Ministère public bâlois condamne une femme par ordonnance pénale pour escroquerie. L’ordonnance est envoyée par recommandé au nom de jeune fille de la prévenue. L’ordonnance pénale n’est toutefois pas retirée et est renvoyée au Ministère public le 17 février 2015. Le 8 octobre 2015, l’avocat, qui a entre-temps été désigné, reçoit l’ordonnance.

Le 14 octobre 2015, la prévenue forme opposition contre l’ordonnance. Elle prétend qu’elle n’a pas reçu l’ordonnance ni l’invitation à la retirer au moment du premier envoi au motif que sa boîte aux lettres n’indique plus son nom de jeune fille. Subsidiairement, elle demande une restitution du délai au sens de l’art. 94 CPP.

Le Ministère public rejette la demande de restitution du délai, refus confirmé par la juridiction d’appel, et transmet l’ordonnance pénale au tribunal de première instance pour qu’il statue sur l’opposition.

La femme exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit préciser la relation entre une demande de restitution du délai et une opposition potentiellement tardive.

Droit

Selon l’art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l’ordonnance pénale et de l’opposition. L’opposition est tardive et n’est donc pas valable si elle est formée après le délai de 10 jours (art. 354 CPP).

L’art. 85 al. 4 CPP prévoit que le prononcé d’une communication des autorités pénales est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n’a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s’attendre à une telle remise. La présomption que l’avis de retrait a été correctement déposé dans la boîte aux lettres est réfragable. Le destinataire peut renverser la présomption en prouvant avec une vraisemblance prépondérante une faute lors du dépôt. Le simple fait qu’une faute puisse exister ne suffit pas. Le destinataire doit démontrer des indices concrets d’une telle faute.

L’art. 94 al. 1 CPP permet à une partie de demander la restitution du délai si elle a été empêchée de l’observer et qu’elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n’est imputable à aucune faute de sa part. Une restitution du délai n’est possible que si l’ordonnance a eu des effets, ce qui suppose que l’ordonnance a été valablement notifiée ou que la fiction prévue par l’art. 85 al. 4 CPP s’applique, et donc que l’opposition du prévenu était tardive.

En l’espèce, le Ministère public bâlois a statué sur la restitution de délai avant que le tribunal de première instance ne statue sur la validité de l’opposition du 14 octobre. Le Tribunal fédéral considère que le Ministère public aurait dû, au contraire, suspendre la décision de restitution du délai en attente de la décision du tribunal de première instance sur la validité de l’opposition. Partant, en refusant la restitution du délai au lieu de suspendre la procédure, l’instance précédente a violé le droit fédéral.

Le Tribunal fédéral admet le recours.

Note

On doit retenir de cet arrêt que la restitution des délais suppose que l’opposition a été tardive. Si l’ordonnance n’a pas été notifiée, alors elle n’est pas valable, de sorte qu’on ne peut pas retenir la tardiveté de l’opposition. Ce n’est donc que si l’ordonnance pénale a été valablement notifiée et que l’opposition du prévenu était tardive qu’on doit analyser une éventuelle demande de restitution des délais. Il appartient au tribunal de statuer sur la validité de l’opposition, mais au ministère public de statuer sur la restitution des délais. Sur la fiction du retrait de l’opposition à l’ordonnance pénale, cf. www.lawinside.ch/237/

Proposition de citation : Célian Hirsch, L’opposition à l’ordonnance pénale et la restitution du délai, in : https://www.lawinside.ch/242/