La compétence du tribunal de commerce pour connaître de l’expulsion d’un locataire

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ATF 142 III 515TF, 13.07.2016, 4A_100/2016*

Faits

Un locataire loue un local commercial auprès d’une société bailleresse. Les deux parties sont inscrites au registre du commerce. Après quelque temps, la société bailleresse résilie le contrat de bail. Cependant, le locataire continue d’occuper le local commercial.

La société bailleresse introduit une requête en procédure sommaire pour cas clairs (art. 257 CPC) auprès du Regionalgericht bernois afin d’obtenir l’expulsion du locataire. Ce tribunal n’entre pas en matière, car il considère que la validité du congé n’est pas établie (art. 257 al. 3 CPC). La société bailleresse forme un recours auprès de l’Obergericht bernois. Celui-ci donne raison à la société bailleresse et ordonne l’expulsion du locataire.

Le locataire forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher si c’est le Regionalgericht et l’Obergericht bernois ou si c’est le tribunal de commerce (art. 6 CPC) qui est compétent à raison de la matière pour traiter de l’expulsion du locataire.

Droit

Selon l’art. 6 al. 2 CPC, un litige est considéré comme commercial lorsque l’activité commerciale d’une partie au moins est concernée (a.), qu’un recours en matière civile au Tribunal fédéral peut être intenté contre la décision (b.) et que les parties sont inscrites au registre du commerce (c.). En l’espèce, le Tribunal fédéral considère que ces conditions sont réunies. Ainsi, le tribunal de commerce est compétent à raison de la matière (art. 6 al. 1 CPC). Il reste à examiner si la loi prévoit une exception en matière de droit du bail à la compétence du tribunal de commerce.

Dans l’ATF 139 III 457, le Tribunal fédéral a jugé que le tribunal de commerce n’est pas compétent pour les affaires en matière de bail visées par l’art. 243 al. 2 let. c CPC et qui sont ainsi soumises à la procédure simplifiée. Dans un autre arrêt (cf. TF, 21.06.2016, 4A_636/2015*, www.lawinside.ch/288), le Tribunal fédéral a indiqué que la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC doit être interprétée de manière large. Ainsi, lorsqu’un tribunal doit juger dans une procédure en expulsion du locataire de la validité d’un congé, la procédure simplifiée s’applique (art. 243 al. 2 let. c CPC). Bien que le tribunal de commerce soit compétent à raison de la matière en vertu de l’art. 6 al. 2 CPC, ce tribunal ne peut pas connaître de litiges auxquels la procédure simplifiée s’applique, dans la mesure où il ne peut pas correctement mettre en oeuvre la maxime inquisitoire sociale (art. 243 al. 3 CPC ; ATF 139 III 457). Par conséquent, il faut dans ce cas faire prévaloir les dispositions sur la procédure applicable à celles sur la compétence matérielle. Le but étant de garantir l’application de la maxime inquisitoire sociale prévue en procédure simplifiée (art. 247 CPC).

La procédure en cas clairs au sens de l’art. 257 CPC se déroule en procédure sommaire (art. 248 let. b CPC). À l’inverse de la procédure simplifiée, le tribunal de commerce peut connaître de litiges auxquels la procédure sommaire s’applique. Dans ce cas, il n’y a aucun conflit entre les dispositions sur la procédure applicable et celles concernant la compétence matérielle. En effet, la procédure en cas clairs ne s’applique que lorsque l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé (art. 257 al. 1 let. a CPC). À défaut, le tribunal n’entre pas en matière (art. 257 al. 3 CPC). Il n’y a ainsi pas lieu de garantir l’application de dispositions visant à protéger une partie faible, telle la maxime inquisitoire sociale prévue en procédure simplifiée (art. 247 CPC).

Par conséquent, le tribunal de commerce est en l’espèce compétent à raison de la matière pour connaître de l’expulsion du locataire et pour se prononcer sur la validité du congé dans une procédure en cas clairs (art. 6 al. 2 CPC et 257 CPC), et ce, même si ce sont les tribunaux ordinaires qui sont compétents pour connaître du même cas en procédure simplifiée.

Partant, c’est en violation du droit que le Regionalgericht et l’Obergericht bernois se sont déclarés compétents à raison de la matière. Ainsi, le Tribunal fédéral admet le recours du locataire.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La compétence du tribunal de commerce pour connaître de l’expulsion d’un locataire, in : https://www.lawinside.ch/294/