Les faits et moyens de preuve nouveaux en procédure d’appel (art. 317 al. 1 CPC)

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ATF 142 III 413TF, 25.05.2016, 4A_619/2015*

Faits

Un litige survient entre un maître d’ouvrage et un entrepreneur. Le maître d’ouvrage exerce ses droits à la garantie pour les défauts et ouvre action contre l’entrepreneur afin d’obtenir une indemnité à titre de dommages-intérêts. Le tribunal de première instance rejette la demande du maître d’ouvrage, en considérant que sa prétention en dommages-intérêts était prescrite.

Contre ce jugement, le maître d’ouvrage forme un appel. Par décision, le tribunal de deuxième instance informe les parties qu’il renonce à procéder à un second échange d’écriture et à des débats. Deux mois après cette décision, le maître d’ouvrage dépose une écriture spontanée dans laquelle il fait valoir des faits nouveaux et demande l’audition d’un témoin comme nouveau moyen de preuve. Le tribunal de deuxième instance ne donne pas suite à cette demande, en considérant qu’elle est tardive. Sur le fond, il confirme la décision de première instance qui rejette l’action en dommages-intérêts du maître d’ouvrage.

Contre cette décision, le maître d’ouvrage forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit notamment se prononcer sur la question de savoir jusqu’à quand une partie peut faire valoir des faits nouveaux en procédure d’appel.

Droit

En vertu de l’art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s’ils sont invoqués ou produits sans retard et s’ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’avec l’art. 317 al. 1 CPC, le législateur a voulu limiter la possibilité pour les parties de faire valoir des faits nouveaux (nova) en procédure d’appel. Le principe reste que les parties doivent invoquer tous les faits lors de la procédure de première instance. Le but de la procédure d’appel n’est pas de permettre aux parties de refaire une nouvelle procédure de manière complète, à l’image de la procédure de première instance. La procédure d’appel vise avant tout à contrôler la décision de première instance et porte ainsi sur les éléments concrets du jugement de première instance que la partie appelante conteste.

Le Tribunal fédéral constate que la loi ne précise pas le moment jusqu’auquel les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux en procédure d’appel. Il rappelle que l’art. 229 al. 3 CPC – en vertu duquel le tribunal admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu’aux délibérations lorsqu’il établit les faits d’office – ne s’applique pas en procédure d’appel (cf. ATF 138 III 625, c. 2.2).

Le Tribunal fédéral considère que, de manière générale, les parties doivent invoquer des faits ou moyens de preuve nouveaux au stade du premier échange d’écriture en appel. Exceptionnellement, une partie peut invoquer des faits ou des moyens de preuve nouveaux – aux conditions de l’art. 317 al. 1 CPC –  même après le premier échange d’écriture. Tel est notamment le cas si le tribunal d’appel a ordonné un second échange d’écriture (art. 316 al. 2 CPC) ou des débats (art. 316 al. 1 CPC) ou s’il laisse de côté le dossier sans le clore.

À l’inverse, les parties ne peuvent plus invoquer des faits ou moyens de preuve nouveaux, même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC sont remplies, à partir du moment où le tribunal d’appel commence les délibérations. À ce stade de la procédure, il est particulièrement important que les faits soient définitivement fixés. La phase de délibération commence dès la clôture des débats, si le tribunal d’appel en a ordonné ou, en l’absence de débat, dès que le tribunal d’appel a formellement notifié les parties que la cause était gardée à juger. Une cause est déjà gardée à juger lorsque le tribunal d’appel renonce à un second échange d’écritures et à des débats.

Ainsi, une partie peut faire valoir des faits ou moyens de preuve nouveaux aux conditions de l’art. 317 al. 1 CPC en procédure d’appel que jusqu’au moment des délibérations. Une fois que les délibérations ont commencé, les parties ne peuvent plus invoquer des faits ou moyens de preuve nouveaux. Ainsi, les faits ou les moyens de preuves nouveaux qui sont survenus après le début des délibérations ne peuvent plus être invoqués en procédure d’appel. Ils ne peuvent non plus pas être invoqué dans une procédure de révision, dans la mesure où l’art. 328 al. 1 let. a 2ème phr. CPC exclut de la révision les faits ou moyens de preuve qui sont postérieurs à la décision contestée, ce par quoi on entend les faits ou moyens de preuve qui sont survenus après les délibérations. Ces faits ou moyens de preuve nouveaux ne peuvent qu’être invoqués par le biais d’une nouvelle demande en justice. Ils ne tombent pas sous le coup de l’autorité de la chose jugée, dans la mesure où l’autorité de la chose jugée ne couvre que les faits qui auraient potentiellement pu être invoqués dans la procédure qui a donné lieu au jugement entré en force.

En l’espèce, le maître d’ouvrage a invoqué des faits et des moyens de preuve nouveaux deux mois après la décision du tribunal d’appel de renoncer à un second échange d’écriture et à des débats, soit après que le tribunal avait commencé les délibérations. Le tribunal d’appel a donc eu raison de refuser de tenir compte de ces faits et moyens de preuve nouveaux, et ce, même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC étaient satisfaites.

Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours et confirme la décision de deuxième instance.

Proposition de citation : Alborz Tolou, Les faits et moyens de preuve nouveaux en procédure d’appel (art. 317 al. 1 CPC), in : https://www.lawinside.ch/298/

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